Un tunnel d'époque

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Conçu en 1965, le tunnel du Mont-Blanc avait subi d'importantes modifications afin d'améliorer ses conditions d'exploitation et ses dispositifs de sécurité, sans toutefois atteindre le niveau requis par la circulaire ministérielle de 1981. Cependant, tous les responsables s'accordent à souligner l'imprésivilité d'une conjonction de facteurs à un instant donné. Premier éclairage.

« Le feu est la hantise des constructeurs de tunnels », témoigne Philippe Sardin, directeur du Centre d'Études des Tunnels (Cetu), un organisme qui, créé en 1970, dépend de la direction des Routes. « Compte tenu des connaissances et de l'expérience de l'époque, le maximum a été fait lors de la conception du tunnel du Mont-Blanc en 1965. Par la suite, l'infrastructure a subi plusieurs modernisations successives. Depuis 30 ans, d'énormes progrès ont été réalisés dans les techniques de creusement de tunnels qui permettent de rendre les systèmes de ventilation plus sûrs. »

« Dans la mesure du possible. » Depuis 1981, la construction de chaque nouveau tunnel obéit à des règles strictes de sécurité consignées dans une circulaire ministérielle. Pour les ouvrages conçus avant cette date - comme celui du Mont-Blanc- les dispositions de la circulaire s'appliquent « dans la mesure du possible ». Il peut s'agir, par exemple, de créer des niches de sécurité, des refuges ou de mettre en place des dispositifs améliorant les équipements (ventilation, alarmes, télésurveillance, etc.). En clair, pour moderniser les tunnels et assurer une protection optimale des usagers, il faut dépenser beaucoup d'argent. « Si on avait dû améliorer le système anti-incendie du tunnel du Mont-Blanc avec les nouvelles techniques, le coût aurait été de plusieurs milliards de francs », admet Philippe Sardin.

Système transversal. Le système de désenfumage de l'ouvrage transalpin reposait sur la présence d'énormes gaines pour la circulation de l'air frais et de l'air vicié. Installées sous la chaussée tout le long du tunnel, l'une fournissait de l'air frais et l'autre aspirait l'air vicié ou les fumées par des bouches implantées tous les 300 mètres. L'air pollué était ainsi envoyé dans une galerie d'évacuation à une vitesse pouvant atteindre 90 km/h. Le tunnel du Mont-Blanc appliquait, en fait, le système dit « transversal », qu'adoptent la plupart des tunnels longs à trafic bidirectionnel (tunnel du Fréjus, du Puymorens, etc.).

Le principe est simple : les fumées, qui ont naturellement tendance à se localiser en plafond sous l'effet de la chaleur, sont extraites par des bouches disposées en partie haute du tunnel. Un apport d'air frais est également assuré par un réseau de soufflage en partie basse. En moyens techniques, ce dispositif suppose la mise en place de galeries de ventilation cheminant le long du tunnel, soit sous chaussée, soit sous plafond.

Le tunnel du Mont-Blanc bénéficiait également d'autres dispositifs de sécurité tels que des postes de péage barrant l'accès physique à l'ouvrage, une surveillance vidéo 24 heures/24 placée à chaque extrémité du tunnel, un système de radio-communication avec les services de secours, des niches de sécurité installées tous les 100 m, un système de détection automatique d'incendie, des refuges pressurisés répartis tous les 600 m.

La sécurité totale n'existe pas. Malgré les progrès technologiques, la sécurité totale dans les tunnels n'existe pas. Le tunnel sous la Manche, fleuron de la technologie tunnelière, a subi lui aussi un incendie en novembre 1996, qui s'était déclaré dans une navette de fret, sans faire de victime. Cet ouvrage est composé de trois « tubes » étanches et pressurisés, dont un tunnel de service, situé entre les deux voies de circulation, et réservé uniquement à la sécurité et à l'entretien. « Aujourd'hui, si on devait reconstruire le tunnel du Mont-Blanc, on percerait certainement deux tunnels parallèles, pour chaque sens de circulation », observe Philippe Sardin.

Une conjonction de facteurs. En attendant les résultats de l'enquête technique confiée à Michel Marec, ingénieur général des Ponts et Chaussées, et Pierre Duffé, inspecteur général de l'administration, les spécialistes de la direction des Routes estiment qu'une telle catastrophe ne peut être due qu'à une conjonction de facteurs à un instant donné, de la conception et du dimensionnement du tunnel aux conditions d'exploitation, en passant par tous les facteurs humains comme l'organisation des secours. Des secours qui ont lutté pendant cinq jours pour circonscrire l'incendie.

« Un feu dans un espace clos entraîne un effet de four, une montée spectaculaire des températures, une extraction difficile des fumées. La présence de nombreux véhicules a contribué à augmenter considérablement le potentiel calorifique. On ne peut imaginer pires conditions d'intervention pour les sapeurs-pompiers », analyse le Commandant Jean-Luc Chivot, de la Brigade de sapeurs-pompiers de Paris.

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