« Nous effectuons en moyenne 60 passages au tunnel du Mont-Blanc chaque semaine. Depuis quelques jours, nous nous sommes rabattus sur celui du Fréjus. Heureusement, nous possédons un double abonnement. En revanche, jusqu'à Milan, de l'autre côté de la frontière, il faut désormais compter entre 1 heure 30 et 2 heures de conduite supplémentaire », explique André Chevrier, pdg des Transports Chevrier. Installée à Bonneville (74), l'entreprise réalise 75 % de son chiffre d'affaires sur l'Italie et la Grèce. Si le péage au Fréjus ne représente pas un problème pour les entreprises savoyardes qui disposent souvent d'un double abonnement, le détour qu'impose la fermeture du Mont-Blanc s'avère coûteux. « Ces 120 kilomètres jusqu'au Tunnel du Fréjus ne modifient pas notre fonctionnement, nous avons simplement revu nos délais de livraison. En revanche, ils représentent un surcoût qu'il sera difficile de répercuter dans nos prix », indique Pierre Fabre, pdg des Transports Fabre, installés à Seynod (74), qui réalisent près de la moitié de leur activité sur l'Italie.
Pour respecter la réglementation en matière de temps de conduite, certains louent des parking du côté italien du tunnel du Fréjus afin d'y effectuer des échanges de remorques, comme l'explique Didier Mercey, secrétaire générale Unostra en Savoie. L'organisation professionnelle a, par ailleurs, décidé de ne pas facturer à ses adhérents haut-savoyards les frais de gestion qui découlent de la délivrance des cartes d'abonnement au tunnel du Fréjus.
« Si la totalité des utilisateurs du tunnel du Mont-Blanc se reporte sur celui du Fréjus, ce dernier ne risque-t-il pas de saturer rapidement ? », s'inquiète Pierre Fabre. Jean-Louis Tallardat, secrétaire général de la FNTR Savoie et gestionnaire d'abonnements au tunnel de Fréjus, se veut rassurant. Cette dernière infrastructure est « apte à gérer le report de trafic du tunnel du Mont-Blanc. Plus récente, plus large et mieux éclairée, elle possède également des galeries qui permettent une évacuation correcte de la fumée en cas d'incendie. »
La sécurité bradée ? Du côté des syndicats de salariés, la gestion du Tunnel du Mont-Blanc est aujourd'hui montrée du doigt. « La sécurité a été bradée pour permettre une rentabilisation maximum d'un édifice devenu vétuste », accuse la CFDT Branche Route. « L'infrastructure ne répondait plus aux normes élémentaires de sécurité et malgré nombre d'alertes à ce sujet, les autorités locales et la direction du tunnel ont fait la sourde oreille », constate Alain Renault, secrétaire général de la fédération CGT des Transports. « Si le tunnel répondait aux normes de 1965 avec quelques dizaines de poids lourds par jour, il en est autrement aujourd'hui avec plus de 800 000 par an », reprend Jean-Michel Gelaty, secrétaire général de la CGT Haute Savoie. Les syndicats s'interrogent : «Pour quelles raisons aucun exercice de sécurité n'a été réalisé ?».
Ensemble, la CFDT et la CGT condamnent les « dangers permanents causés par les centaines de milliers de poids lourds qui doivent monter à plus de 1 000 mètres d'altitude et en redescendre. Des camions qui empruntent le même chemin que des milliers de cars et des centaines de milliers de voitures bondées de touristes. » Les deux fédérations prônent donc le report de la route sur le rail d'une partie du fret circulant entre la France et l'Italie. « Le percement d'un tunnel à partir de Saint-Gervais (74) et dédié au transport de fret ferroviaire constituerait une solution. » Toutefois, les fédérations sont conscientes des limites du rail-route. Pour Roger Poletti, secrétaire général de FO Transport : « Jamais le rail ne remplacera en totalité les poids lourds ! Nous sommes favorables aux passages des poids lourds dans les tunnels mais avec une redéfinition des normes de sécurité et, pourquoi pas, un contrôle du chargement des véhicules à l'entrée. Les salariés des entreprises doivent également être sensibilisés à la sécurité. »