La vague de fusion qui a saisi l'année dernière l'automobile mondiale gagne peu à peu le monde du poids lourd. Après la surprise créée le 14 janvier dernier par l'acquisition de 12,85 % du capital de Scania par Volvo, le rachat total du premier par le second pourrait être annoncé prochainement. Il était même « bouclé » le 5 février dernier, si l'on en croit le quotidien suédois Dagens Nyheter. Selon les mêmes sources, Volvo offrirait entre 40 et 45 milliards de couronnes suédoises (entre 28 et 31,5 milliards de francs) pour son concurrent. Toutefois, le groupe de Göteborg reste pour l'heure muet quant à une éventuelle acquisition. De son côté, Investor (groupe Wallenberg), holding financier et actionnaire majoritaire de Scania à 45 %, s'oppose toujours à une telle opération.
Renchérissement. Le marché, en revanche, a réagi à cette information : le 5 février dernier à la Bourse de Stockholm, l'action Scania gagnait six couronnes suédoises à 252,50 couronnes suédoises (180 francs environ).
La flambée de son cours intervenue ces derniers jours a sensiblement renchéri le prix d'acquisition de la firme au griffon. Il équivaudrait désormais au montant de la vente de Volvo Cars, la division automobile de Volvo, à l'Américain Ford, réalisée le 28 janvier dernier. Soit près de 50 milliards de couronnes suédoises.
Un tel mariage donnerait tout simplement naissance au premier constructeur européen de poids lourds et au numéro deux mondial des véhicules industriels, juste derrière Daimler-Chrysler.
En France, un regroupement Volvo/Scania permettrait à l'ensemble d'occuper la seconde place du marché avec plus de 9 600 immatriculations en 1998. Toutefois, les synergies qui découleraient d'un rapprochement Volvo-Scania seraient pour le moment limitées. De nombreuses similitudes existent en effet entre les gammes de produits (présence importante sur le marché des plus de 16 tonnes) et les implantations géographiques - ancrage fort en Europe du Nord et en Amérique du Sud - des deux constructeurs suédois. L'union Volvo/Scania souffrirait, notamment, d'une moindre présence en Europe du Sud.
Scania : bons résultats en Europe. Présent uniquement sur le segment des poids lourds de plus de 16 tonnes, Scania arrive au cinquième rang des constructeurs mondiaux. Sa part de marché s'élève à 15,2 % en Europe occidentale, avec 31 503 poids lourds de plus de 16 tonnes commandés en 1998. En Amérique du Sud, les ventes de Scania sont en recul de 21 % à 7 588 unités en 1998. Au total, le groupe suédois a enregistré 46 340 commandes de véhicules industriels contre 45 879 en 1997. Scania a réalisé en 1998 un chiffre d'affaires global de 45,2 milliards de couronnes suédoises (en hausse de 14 %), soit environ 32 milliards de francs, dont 24,5 milliards de francs pour ses seules activités européennes. En France, sur un marché record de 47 379 immatriculations (voir l'OT n° 2015), le groupe enregistre un excellent résultat avec 3 635 unités immatriculées. Scania France détient ainsi 9,3 % du segment des tracteurs lourds. Un chiffre réjouissant pour Patrick Mosca, pdg depuis décembre 1998 de la filiale française du groupe suédois. Ce dernier compte dépasser la barre des 10 % en 1999, notamment grâce à une nouvelle stratégie commerciale en direction des grandes flottes.
Volvo : ventes en hausse de 21 %. Troisième constructeur mondial de poids lourds, en 1998, Volvo Trucks a livré un total de 83 279 véhicules soit une augmentation de 21 % comparé à 1997. Sur les neuf premiers mois de l'année 1998, le chiffre d'affaires de la branche poids lourds de Volvo s'élève à environ 32 milliards de francs. En 1997, cette même branche avait réalisé un chiffre d'affaires de 50,8 milliards de couronnes suédoises, soit environ 36 milliards de francs. En Europe de l'Ouest, Volvo a vendu 37 810 poids lourds de plus de cinq tonnes, ce qui représente une hausse de 22 % et lui permet d'atteindre une part de marché d'un peu plus de 16 %. En plus de 16 tonnes, le constructeur s'attribue 15,2 % du marché européen. En Amérique du Nord, Volvo a réalisé d'excellents résultats avec 29 314 véhicules industriels de plus de cinq tonnes livrés en 1998 (une augmentation de 40 % par rapport à 1997). Déception en revanche en Amérique du Sud puisqu'avec 6 020 poids lourds, le groupe suédois, comme son homologue Scania, accuse un sérieux revers : -14 % par rapport à l'année dernière. En Asie, ses immatriculations chutent de 20 % à 3 762 véhicules.
Sur le marché français, Volvo s'est emparé en 1998 de la troisième place avec 12,7 % derrière Renault VI et Mercedes. Le constructeur suédois a immatriculé dans l'Hexagone 6021 véhicules de plus de cinq tonnes auxquels viennent s'ajouter une trentaine de Canter de Mitsubishi. Jean-Noël Thénault, pdg de Volvo Trucks France, compte sur les nouveaux FM, présentés en 1998, pour améliorer encore ces résultats.
Les concessions géantes de Volvo. Par ailleurs, le groupe Volvo a entamé une profonde restructuration de son réseau de distribution européen. « Pour anticiper les demandes des clients, pour satisfaire aux exigences de formation, d'installation de nouveaux équipements et offrir un service 24 heures sur 24 sans faille, nos concessionnaires de demain devront avoir des moyens financiers nécessaires et donc une taille suffisante », déclare Jacques Coubia, directeur général de Volvo Trucks France. « Ces futures concessions devront vendre entre 400 et 500 véhicules par an. » Volvo Trucks France projette ainsi de créer quatorze distributeurs géants d'ici à la fin de 2000, en remplacement des 38 concessions actuelles. Avec 150 points de service, couvrant l'ensemble du territoire français, ces « méga dealers », selon le terme employé par le constructeur suédois, assureront la distribution et le service de la gamme Volvo et Canter de Mitsubishi.
Confirmant sa stratégie de recentrage sur les véhicules industriels, Volvo serait toujours en négociation avec les constructeurs américains Paccar et Navistar en vue d'une acquisition. Paccar (7,6 milliards de dollars de chiffre d'affaires en 1998, soit environ 45 milliards de francs, pour 93 300 véhicules livrés) possède les marques Daf, Kenworth, Peterbilt et Leyland. Navistar (43 000 véhicules de plus de 16 tonnes vendus en 1997) a refusé de confirmer l'existence de pourparlers avec Volvo.
Quant à l'allemand Man, également cité comme cible potentielle de Volvo, il a affirmé « ne pas être à vendre ». « Nous ne sommes pas opposés à des alliances, mais en tant qu'opérateur et non comme objet », a précisé début février le porte-parole du constructeur allemand. De son côté, Renault a indiqué le 5 février dernier n'avoir « aucune intention vis-à-vis de Scania ». Démentant ainsi un éventuel rapprochement avec la marque au griffon qui aurait permis à cette dernière d'éviter de se faire racheter par son homologue suédois Volvo. Par ailleurs, le constructeur français a précisé « n'être pas non plus vendeur de sa division poids lourds dans le contexte général de regroupe
> Le rapprochement Volvo/Scania, amorcé le 14 février dernier, avec la prise de participation de 12,85 % du premier dans le capital du second se fait toujours attendre.
> Si elle intervenait, l'association des deux constructeurs suédois donnerait naissance au premier constructeur européen de poids lourds et au numéro deux mondial, derrière l'ensemble Daimler-Chrysler
> En 1998, Volvo Trucks a livré 83 279 véhicules industriels. Son compatriote Scania a facturé, cette même année, 45 553 poids lourds.