Pour ou contre une taxe parafiscale

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C'est fait. Le Comité National Routier a perdu son financement via la feuille de route. Faut-il y substituer une taxe parafiscale afin d'assurer la pérennité de l'organisme ? Les représentants professionnels continuent de s'opposer sur cette question. Pour la FNTR et l'Unostra, les entreprises ont besoin de l'outil CNR. Pour TLF, l'utilité d'un tel organisme reste à démontrer.

En 1999, la feuille de route est en vente libre à 34 francs HT. Le monopole du CNR n'est plus. En janvier dernier, les événements se sont précipités. Dès le jour de l'an, TLF propose une lettre de voiture-récépissé non timbrée à moitié prix par rapport au document agréé. Argument de l'organisation professionnelle : « Le financement du CNR par la feuille de route n'était pas solide juridiquement. C'était une hypocrisie que d'affirmer le contraire. En lançant notre propre document réglementaire, nous n'avons fait que de répondre à notre mission : faciliter la vie quotidienne de nos adhérents». Le 20 janvier 1999, le conseil d'administration du CNR (1) entérine la fin du monopole du CNR sur l'édition, l'émission et de diffusion des lettres de voiture. Le 22 janvier, la FNTR et l'Unostra font leur entrée sur le marché concurrentiel en commercialisant la feuille de route CNR non timbrée à 34 F (prix conseillé). Explication de René Petit, président de la FNTR et du conseil d'administration du CNR: «TLF a mis nos entreprises et celles de l'Unostra dans l'obligation d'acheter leurs documents 50 francs plus cher que ses propres adhérents. Cette situation engendrait une distorsion de concurrence intolérable».

Le ministère ne répond plus. Les coups répétés de la jurisprudence - les tribunaux se sont à plusieurs reprises refusés à condamner des entreprises pour utilisation de documents non conformes - et les impératifs économiques ont donc précipité la fin du monopole du CNR. Les pouvoirs publics se sont bien gardés d'intervenir dans le débat laissant aux organisations professionnelles la responsabilité de trancher dans le vif.

«Avant de prendre sa décision, affirme René Petit, la FNTR a posé trois questions à l'administration. La première : le décret du 19 mars 1987 et l'arrêté du 29 février 1996 (sur le monopole d'édition du CNR)sont-ils toujours en vigueur ? La réponse était positive. Deuxième interrogation : les entreprises sont-elles toujours dans l'obligation de respecter les dispositions de ces textes ? Nous n'avons pas obtenu de réponse. Troisième question : les organisations professionnelles peuvent-elles organiser le non respect de ces dispositions ? Pas de réponse. Nous avons tiré les conclusions de ces silences»

La FNTR a racheté au CNR ses stocks de carnets, indique Jean-Paul Deneuville, délégué général. « Nous ne l'avons pas fait de gaieté de coeur. Mais c'est la seule solution pour maintenir le CNR la tête hors de l'eau pendant deux ou trois mois, le temps qu'une décision soit prise par l'administration». Une décision que l'ensemble des organisations professionnelles espèrent rapide. La fin du monopole du CNR étant programmée de longue date pour la fin 1998, elles ont eu tout loisir de faire connaître leurs souhaits respectifs pour «l'après-feuille de route». Des choix différents. La CLTI et la FFOCT ont dans un premier temps proposé d'assurer le financement du CNR avec une partie les cotisations versées au Conseil national des Transports. Solution à laquelle le ministère de tutelle, et bien évidemment le CNT, s'est déclaré défavorable. La FNTR et l'Unostra militent quant à elles pour l'instauration d'une taxe parafiscale forfaitaire qui viendrait remplacer la quote-part antérieurement prélevée sur le prix de vente des carnets. «Au total, la charge financière serait sensiblement identique pour les entreprises et elles conserveraient les bénéfices du CNR et de l'Association Nationale des Centres Routiers» soutient la FNTR. Le ministre des Transports serait favorable à cette deuxième formule qui rencontre l'opposition de Bercy. «Pour des raisons politiques, le ministère des Finances rechigne à la création d'une nouvelle taxe» confirme Christian Rose, secrétaire national de l'Unostra. «Or, il s'en crée tous les jours et dans tous les secteurs d'activité. A nous de convaincre Bercy et Matignon de la vocation d'intérêt général du CNR».

Utile ? Avec la disparition de son financement ressurgit en effet l'éternelle question de l'utilité du CNR. Aucun doute pour la FNTR et l'Unostra : les entreprises ont vraiment besoin d'un tel observatoire économique qui pourrait également se voir confier l'analyse de la capacité financière des entreprises par le biais des comités régionaux des transports. TLF en est moins sûre. «Le premier critère quant à l'utilité de cet organisme est que les entreprises acceptent de le financer. Les entreprises sont-elles prêtes à verser une taxe parafiscale pour le CNR ? Sans avoir la prétention de parler au nom de la totalité de la communauté des transporteurs, nous n'en avons pas le sentiment » souligne Jean de Chauveron, délégué général. Après la guerre de la lettre de voiture, les représentants professionnels engageront-ils une nouvelle bataille autour de la voie parafiscale ? TLF assure par la voix de Jean de Chauveron : «Nous ne nous battrons pas contre la taxe parafiscale car ce sujet ne nous parait pas capital. Si une taxe est créée, nous nous ferons une raison. Il n'est pas question de nous lancer dans une querelle frontale avec ceux qui souhaitent vraiment le maintien du CNR».

Lors de la réunion du 20 janvier, une motion a été adoptée, «à l'unanimité» précise Christian Rose. Elle a été adressée au ministre des Transports pour transmission au Premier ministre. Par ce texte sont demandés le maintien du CNR et l'instauration d'une taxe parafiscale. Parallèlement, Jean-Claude Gayssot a été saisi du dossier de l'ANCR, privé lui aussi de ses ressources.

(1) Au conseil d'administration du CNR siègent cinq représentants de la FNTR, deux de l'Unostra, TLF totalise sept membres (cinq au titre de l'ex-CLTI et deux au titre de l'ex-FFOCT). S'y ajoutent six personnalités qualifiées.

A retenir

> Le 20 janvier 1999, le conseil d'administration du CNR constate et entérine la fin du monopole du CNR sur l'édition, l'émission et de diffusion des lettres de voiture. La feuille de route est commercialisée à environ 34 F HT.

> Dans une motion adoptée à l'unanimité et adressée au ministère des Transports, les administrateurs du CNR demandent le maintien de l'organisme en tant qu'observatoire économique et l'instauration d'une taxe parafiscale pour assurer son financement.

> Les entreprises sont-elles prêtes à verser cette taxe ? s'interroge TLF qui s'en dit peu assurée. L'organisation professionnelle refuse néanmoins de «se lancer dans une querelle frontale avec ceux qui souhaitent vraiment le maintien du CNR».

Réforme du CNR
Deux ans de tergiversations

> février 1997

Le CNR poursuit les missions qui lui ont été assignées en 1989 mais n'a plus d'administrateurs, le mandat du précédent conseil d'administration étant venu à échéance.

> juillet 1997

Un nouveau conseil d'administration présidé par René Petit est élu pour un «nouveau CNR opérationnel à compter de janvier 1998». Le budget annuel (17 MF) devra être réduit d'environ un tiers et douze licenciements seront à réaliser au sein d'une équipe de 27 personnes, annonce René Petit. Des audits sont lancés pour redéfinir les missions (un observatoire économique ou davantage ?) de l'organisme. Quoiqu'il en soit, « au plus tard, le 31 décembre, le CNR renoncera au monopole d'édition de la feuille de route pour se financer», affirme René Petit, qui en appelle à la mise en place d'un système de cotisation fixe par entreprise.

> février 1998

Le tribunal de police de Bernay relaxe un transporteur poursuivi pour utilisation de documents non édités par le CNR. La DTT vole au secours du monopole et invite les services de contrôle, dans une lettre du 17 février, à verbaliser les entreprises utilisant des documents qui n'émanent pas du CNR ou de ses distributeurs agréés (CLTI, FFOCT, FNTR, Unostra, centres Arcotel, Unicooptrans, UPR).

> 13 mai 1998

Les audits sont présentés au conseil d'administration du CNR qui approuve le projet de réforme de l'organisme et la définition de ses missions (l'observation des prix, des coûts, des flux, des conditions d'exploitation et des balances internationales). Le plan de restructuration prévoit en définitive 15 licenciements et 3 embauches. Le principe d'un financement par la voie d'une taxe parafiscale est adopté à l'unanimité, selon René Petit. Unanimité que conteste Georges Meylan, président de la CLTI, qui demande l'attribution au CNR d'une partie des cotisations versées aux Comités régionaux des transports par le biais du Conseil National des Transports.

> été 1998

Les licenciements prévus sont menés à leur terme.

> 31 décembre 1998

La profession attend toujours le décret ministériel définissant officiellement les nouvelles missions de l'organisme et son futur mode de financement.

> 20 janvier 1999

Le conseil d'administration du CNR entérine la fin de son monopole d'édition et de diffusion de la lettre de voiture-transport de lots.

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