300 millions de francs. Le chiffre circule depuis quelques semaines, voire quelques mois, distillé sur le modèle d'une rumeur bien organisée, comme pour préparer le terrain à une inévitable décision. Ce chiffre, ce serait celui des pertes 1998 du service messagerie de la SNCF, le Sernam. Il représenterait la moitié du déficit de l'entreprise ferroviaire. Personne, à la direction de la SNCF, ne le confirme officiellement. Il consacrerait pourtant à lui seul l'échec d'une ultime tentative de redressement des comptes du Sernam, menée en 1998 par Guy Moynot, directeur général, selon les instructions de Louis Gallois, président de la SNCF. La mission était impossible. Reconnu comme un bon professionnel du transport, Guy Moynot s'est avancé, comme ses prédécesseurs, sur un chemin parsemé de trop nombreuses embûches. Celles-ci ont été politiques quand sa maison mère lui a imposé un absurde plan de transport ferroviaire ou quand elle lui a confié la gestion de son service bagages. Elles ont été sociales pour gérer 4 000 salariés dont une moitié bénéficie du statut cheminot, et dont les représentations syndicales sont aussi puissantes que divergentes dans leurs revendications. Elles ont été économiques et réglementaires pour assumer une sous-traitance pléthorique représentant 4 000 emplois dans la manutention et le transport. Elles ont été commerciales pour se battre avec des concurrents privés très performants. Elles ont été financières avec des investissements limités. Elles ont été étranges quand le Sernam a consacré plusieurs millions de francs pour s'offrir, en milieu d'année, une incompréhensible campagne publicitaire. Organisées, subies ou voulues, ces embûches ont en fait contribué à la réussite d'un échec programmé, pour mieux déboucher sur la filialisation du Sernam. Longtemps refusée par les syndicats, celle-ci apparaît aujourd'hui comme la seule alternative à la fermeture du service ou à son impossible privatisation. Le Sernam filialisé pourrait même intégrer SNCF Participations, ex-CTT-Sceta, où sont cantonnés les actifs détenus par la SNCF en dehors du secteur purement ferroviaire.
Editorial