La réunion s’est déroulée à la veille de la Saint-Valentin, au restaurant La Coupole de Paris. De cadeaux et de déclaration d’amour pour le TRM, il n’y en a pas eu – au contraire — dans la bouche des différents intervenants (fonctionnaire de la DGITM, parlementaires français et européen, dirigeants d’association de transport) venus échanger sur les prochaines échéances en matière de financement des infrastructures en France et en Europe. Tous sont d’accord : le TRM doit (encore) mettre la main à la poche, au nom des deux principes que sont le pollueur-payeur et l’utilisateur-payeur. Autant dire que les dirigeants de fédérations professionnelles présents dans la salle n’ont pas mâché leurs mots au moment de prendre la parole. « Vous qualifiez la ristourne gazole de niche fiscale. Comment osez-vous, s’est emportée Aline Mesples (OTRE) à l’adresse de Philippe Duron, le président du Conseil d’orientation des infrastructures (COI) qui a remis son rapport le 2 février, auteur de cette formule. Sachez que cette ristourne n’a pas d’autre but que d’apporter de la compétitivité aux transporteurs français sur la scène européenne ». Yves Fargues (TLF) a, de son côté, rappelé que « la route rapporte 39 Md€ à l’AFITF (Agence de financement des infrastructures de transport de France, Ndlr). Or, 50 % de ses recettes vont au ferroviaire. Comment pouvez-vous, dès lors, parler d’utilisateur-payeur ? C’est un argument fallacieux que nous refusons ». S’adressant à Christine Revault-d’Allonnes, la députée européenne (PS), rapporteure pour le Parlement européen sur la révision de la directive Eurovignette, qui prône la mise en place d’une redevance basée sur la distance parcourue, applicable à tous les véhicules moteur à partir de janvier 2026, Florence Berthelot a déclaré : « J’ai peur que vos travaux soient mal interprétés en France ». Et d’ajouter, tout en rappelant qu’en matière de coûts externes, le TRM en représente le tiers contre 2/3 aux automobiles : « Au moment où l’Union européenne dit “non” à la vignette, nous, en France, on envisagerait d’en mettre une en place ! ».
Se plaçant sur le champ continental, Christine Revault d’Allonnes a rappelé que « seulement 26 % du réseau routier européen est couvert par une redevance. C’est trop peu ». La rapporteure de la directive Eurovignette, qu’elle préfère rebaptiser Euroredevance, se déclare favorable à l’introduction d’une redevance pour coûts externes à partir du 1er janvier 2021 et à un relèvement de 13 % à 50 % du taux d’abattement pour les véhicules moteurs concernés par un usage fréquent de l’infrastructure. La députée européenne propose également que l’on permette aux régions de « mettre en place des systèmes de péages ».
Jean Le Gall, au nom de la DGITM (Direction générale des infrastructures des transports et de la mer) estime qu’« il n’est pas illogique que le TRM couvre une partie des coûts externes qu’il génère ». Il est partisan de taxations et de redevances de péages locales.
Vice-président délégué au conseil général de l’Essonne, Nicolas Méary a déclaré : « Nous sommes en France des grands brûlés de l’écotaxe. Il ne sert à rien de se projeter sur des schémas idéalistes comme la redevance que prône Christine Revault-d’Allonnes si c’est pour ne pas s’y engager. Nous ne devons pas faire porter à l’Europe nos propres manquements ». Nicolas Méary estime que, outre la nécessité de faire participer les étrangers au financement des infrastructures, « il faut une redevance pour les poids lourds français ». Élargie au VUL ? « Il n’y a pas d’empressement », a-t-il précisé. Pour sa part, Damien Pichereau, pense « que les poids lourds et les VUL doivent payer la redevance Eurovignette. On a une taxe à l’essieu que la Cour des comptes qualifie d’archaïque ». Le parlementaire estime qu’« on doit laisser plus de marge de manœuvre aux États pour choisir entre redevance temporelle ou kilométrique ».
Les organisations patronales du TRM réclament à tue-tête un fléchage des recettes versées par la route à l’AFITF. Selon Christine Revault-d’Allonnes, « beaucoup de ministres des transports européens y sont favorables ». C’est le cas également du COI, comme le rappelle Louis Nègre. « Si vous voulez de l’acceptabilité, il va falloir de la transparence », a souligné le coprésident de TDIE. Damien Pichereau maintient sa vision d’un choix qui peut ne pas être forcément fédéraliste. « Dans mon rapport, je propose qu’on laisse la liberté aux États membres de choisir entre redevance temporelle et kilométrique, et également pour le fléchage ».
En clôture de cette matinée « riche » en propositions de toutes sortes pour renforcer la contribution du TRM au financement des infrastructures, Philippe Duron a déclaré : « Parler de redevance plutôt que de taxe est la bonne démarche ». S’opposant à ceux qui demandent à ce que les recettes de l’AFITF restent à la route, le coprésident de TDIE a indiqué : « Je pense qu’il faut aussi soutenir les modes alternatifs à la route ». Philippe Duron ne partage pas l’idée de Damien Pichereau de « laisser faire les États ». Enfin, évoquant la vignette d’usage que préconise le COI, l’ancien député pense qu’« elle est plus prévisible pour le TRM qu’une redevance kilométrique ». Encore un cadeau…