Vers le temps des indemnisations

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D’un côté des actions de groupe qui se multiplient. De l’autre, des accords de gré à gré qui se concluent. Le « cartel des camions » dénoncé en 2016 s’achemine lentement vers le terrain des indemnisations.

Trois milliards et huit cents millions d’euros. C’est le montant record de l’amende que la Commission européenne a infligée, en 2016, aux sept principaux constructeurs européens de camions pour s’être organisés en cartel (à des fins d’entente sur les prix) entre 1997 et 2011. Le montant des amendes infligées à chacun des membres du « club des 7 » a varié entre 494 M€, pour la plus faible, et 1 Md€ pour la plus élevée. Scania est, pour l’heure, « hors jeu », le constructeur suédois, qui conteste sa participation au cartel, a fait appel de la sanction que lui a toutefois infligée Bruxelles. Après le temps des amendes est venu celui de l’action des transporteurs, des actions pour certaines groupées. Le terrain de jeu est immense puisqu’il associe à la fois le compte propre et le compte d’autrui, un Veolia ou un Suez, pour ne parler que d’entreprises françaises, mettant en avant des flottes de 8 000 à 10 000 véhicules dans le contentieux. Sans compter les loueurs de camions. Les enjeux financiers sont considérables, et ici ou là, les cabinets spécialisés ont flairé la bonne affaire. « Il y a des comportements irresponsables de la part de certains de nos concurrents qui font croire aux transporteurs qu’il y aura une voie royale pour eux pour se faire dédommager, alors qu’en fait il faut fournir des standards de preuve rigoureux. Dans certains cas, les dossiers n’auront pas été constitués correctement et la demande pourra être rejetée par le tribunal », assure Laurent Geelhand, associé gérant du cabinet Hausfeld. Selon ce dernier, aux Pays-Bas et au Royaume-Uni, tous les dossiers ont été centralisés auprès du même tribunal, avec chacun un seul juge. « À Amsterdam, la juge est déjà chargée du cartel du fret aérien, précise Laurent Geelhand. En France, certains transporteurs tombent sur des juridictions qui ne sont pas aussi qualifiées avec le risque que soient rendues des décisions contradictoires alors qu’au Royaume-Uni et aux Pays-Bas, il y aura un traitement égal ou égalitaire. »

De leurs côtés, les constructeurs – les montants figurent dans leurs rapports annuels – n’ont pas manqué de constituer des provisions (à deux chiffres voire même trois). Les premières actions d’assignation ont vu le jour en 2018, concentrées pour la plupart sur deux places, Londres et Amsterdam.

Des transactions

Peu de jugements connus à ce jour. « La procédure sera très longue », nous a confié Stanislas Lemor, le P-dg du groupe STEF, qui a également introduit une assignation. Pour autant, un tribunal espagnol a rendu, fin 2018, une décision sur une action isolée : il a condamné Volvo à verser 128 000 euros à un transporteur qui s’était porté acquéreur de quatre Renault en 2012. « Je trouve ce jugement un peu folklorique. On sent quand même qu’il y a des juges qui affichent une forte sympathie pour les transporteurs », souligne le gérant du cabinet Hausfeld. Lequel parle d’« a­vancées majeures » au Royaume-Uni pour des clients français. « Veolia et Suez ont obtenu de la part d’un juge de Londres le droit à la communication du dossier sur le cartel et son fonctionnement. » Laurent Geelhand ajoute, par ailleurs, que le même juge a ordonné aux constructeurs de communiquer les comptes rendus de réunions entre 1992 et 1997. « Il estime qu’il n’est pas impossible que le cartel ait commencé avant 1997, dès les années 1980 », affirme l’avocat. Lequel dit représenter les intérêts de 140 000 camions français (170 000 y compris Suez et Veolia). Sans aucun doute, une vague de transactions a été lancée depuis plusieurs mois. Des accords de gré à gré peuvent être conclus, nous confie un transporteur.

Indemnisations
Six préjudices indemnisables, selon le cabinet LEX PORT

Selon le site du cabinet bordelais LEX PORT, qui affirme porter les intérêts d’une centaine de transporteurs, il existerait dans l’affaire du cartel des camions six préjudices indemnisables, dont trois sont directement visés par la Commission européenne :

• le surcoût à l’achat, le cartel ayant maintenu les prix à un niveau artificiellement élevé ;

• le préjudice d’assurance, car la police dépend en général de la valeur d’achat du véhicule ;

• le préjudice de financement de l’acquisition du véhicule ;

• le préjudice de carburant, à cause du retard orchestré par le cartel dans la mise sur le marché des nouveaux véhicules aux normes Euro entrées en vigueur pendant la période de l’entente, les transporteurs ont été privés de l’opportunité d’acquérir des véhicules à plus faible consommation ;

• un préjudice de péages dont le tarif dépend depuis quelques années de la génération du véhicule dans plusieurs pays, notamment en France ;

• un préjudice d’intérêts de retard pouvant majorer l’ensemble des préjudices précédents d’environ 25 %. Ce taux peut être beaucoup plus élevé pour les transporteurs justifiant d’un préjudice de trésorerie supérieur au taux d’intérêt légal.

S. B.

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