Le transport combiné possède de multiples voies pour être encore plus productif. Mais là où le bât blesse, c’est le temps de mise en œuvre. Le ferroviaire nécessite plusieurs années pour que les innovations développées deviennent opérationnelles.
L’un des meilleurs exemples en la matière est assurément le train long. Pourtant, la France pouvait dès le printemps 2014 s’enorgueillir d’avoir fait rouler – à titre d’essai – un train de 1 476 m de longueur, un record d’Europe en la matière. Pour l’heure cependant, la longueur des trains combinés ne dépasse pas les 850 m. Un statu quo devrait prévaloir en la matière pour les années à venir, Élisabeth Borne précisant dans son discours lors de la récente présentation à Paris du train de Noé, qu’elle avait demandé à SNCF Réseau d’établir un réseau cible à 850 m pour le combiné. Car c’est bien là l’objet du moment, à savoir utiliser de manière optimale le réseau déjà adapté à cette longueur de train.
Comme le détaille Arnaud Sohier de SNCF Réseau, « 2 400 km d’infrastructures adaptées par SNCF Réseau permettent déjà la circulation des trains de 850 m de long. C’est, tout d’abord, l’autoroute ferroviaire Bettembourg-Le Boulou avec trois allers-retours par jour. C’est ensuite Le Havre-Île-de-France-Lyon-Marseille où seule la section Île-de-France-Avignon-Marseille est parcourue par des convois de T3M. C’est enfin Dourges-Île-de-France qui ne voit pas encore circuler de trains de combiné de cette longueur ». En dépit de cette utilisation encore perfectible du réseau existant, il existe une demande forte pour développer d’autres itinéraires aptes à 850 m. Deux axes sont concernés : Calais-Woippy (près de Metz) et Île-de-France-Hendaye. Cela nécessitera des investissements, notamment pour créer des voies d’évitement suffisamment longues. Les voies actuelles ne dépassent pas les 750 m sur ces deux corridors. Pour SNCF Réseau, la priorité n’est donc pas d’allonger les trains au-delà mais de bien utiliser le réseau existant porté à 850 m pour certains axes porteurs.
Il faudra donc attendre au mieux 2021 pour qu’un train d’au moins de 1 000 m de longueur tracté par une unité multiple (deux locomotives menées par un seul conducteur) puisse circuler. Pour autant, cette longueur ne semble pas devoir constituer l’asymptote. Pour le tractionnaire Fret SNCF, l’idéal serait de faire rouler un train de 1 500 m – deux trains de 750 m accouplés ensemble – dont la traction serait assurée par deux locomotives, l’une des deux étant positionnée au milieu de la rame et commandée à distance par le conducteur du train via une télécommande. Car les ordres de grandeur en termes d’amélioration de productivité ne sont pas du tout les mêmes. Dans le premier cas (850 à 1 000 m), le gain serait de l’ordre de 10 %. Avec un train de 1 500 m, cette amélioration passerait à 30 %, le différentiel de prix par rapport à la route étant de 10 % a minima. Cela dit, cette longueur pose d’autres problèmes nécessitant à la fois des aménagements d’installations et des investissements. SNCF Réseau est aussi mis à contribution pour réfléchir au P400. C’est d’autant plus urgent que ce type de semi-remorques circule déjà sur de nombreux réseaux européens sans aucune restriction et qu’il constitue donc un potentiel de développement du transport combiné très important du fait de son déploiement en cours. Si l’axe nord-sud via le couloir rhodanien ne semble pas devoir poser problème, même si les convois circulent sur le régime des autorisations de transport exceptionnel, il n’en est pas de même côté Atlantique. Cela constitue donc un nouveau frein à lever. Au sein du groupe de travail du Comité des opérateurs du réseau (COOPERE), SNCF Réseau avance sur le sujet. « La prochaine étape sera la définition des modalités de calcul des gabarits et l’adaptation des méthodes de maintenance », explique son secrétaire général, Serge Michel. Enfin, s’agissant des essais de frein à conduire avant tout départ de train, le digital pourrait commencer à s’appliquer aux trains combinés à partir de fin 2019.
Autre véritable différenciant à venir pour le combiné : le train autonome. La circulation d’un de ces trains pourrait d’autant plus être rendue possible qu’au contraire de la route les trains circulent en milieu fermé. Cela permettrait des gains de coûts de production, de capacité et de régularité des lignes. L’objectif de circulation sous forme d’expérimentation pourrait intervenir au mieux en 2023. C’est au cours de cette même année que « le rail fera mieux que la route », avance Bertrand Minary, directeur innovation et digital de Fret SNCF, avant d’ajouter « qu’il nous faudra baisser, pour cela, nos coûts d’environ un tiers d’ici là. Nous y parviendrons par la capacité et une production plus efficace ».