« Une défaillance n’est pas une maladie incurable »

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Face à une défaillance, le dirigeant se retrouve souvent seul aux manettes, replié sur lui-même. Il n’a pas vu venir le dépôt de bilan ou n’a pas su l’anticiper. Le cabinet O2Biz se présente comme un apporteur de solutions pour les entreprises confrontées à une procédure collective ou en passe de l’être. Il déroule la méthode développée par sa filiale O2Next.
L’Officiel des transporteurs : Dans votre profession de foi, vous affirmez qu’« une défaillance d’entreprise n’est pas une maladie incurable ». Que voulez-vous dire ?

Didier Vincent : Qu’une entreprise n’est pas contrainte de passer à la trappe parce qu’elle est défaillante.

À quel type de défaillance faites-vous allusion ?

D. V. : Au redressement judiciaire, pour les entreprises auquel le tribunal de commerce a accordé son feu vert pour une période de redressement. Concrètement, nous agissons au moment de la procédure collective de redressement, mais nous intervenons également en amont.

Qu’est-ce que cela signifie précisément ?

D. V. : On identifie les difficultés de l’entreprise que le dirigeant ne prend pas en considération. Souvent, les dirigeants confrontés à des problèmes dans l’entreprise n’en parlent pas, car ils n’ont pas fait de contrôle de gestion rapproché. Au moment où nous intervenons, il est question de stabilisation.

Comment se déroule votre action en amont de la défaillance ?

D. V. : Nous entretenons une veille au niveau des tribunaux de commerce. Les mandataires font appel à nous sur certains dossiers. Nous prenons également l’initiative de proposer nos services aux entreprises en difficulté.

Dans le cas d’une défaillance, quelle est votre action ?

D. V. : Nous sommes dans l’obligation de lancer un audit de l’entreprise. La première mission du mandataire est de défendre les créanciers plutôt que l’entreprise ou l’entrepreneur. L’audit s’impose donc dans le but d’identifier les problèmes et les pistes pour redresser la barre. Nous proposons des solutions à l’entrepreneur mais également aux collaborateurs. Le mandataire est tenu informé de l’ensemble des actions que nous mettons en place.

À quels types de solutions faites-vous allusion ?

D. V. : Notre champ d’intervention vise le financier et l’humain. Nous engageons une réflexion tant qualitative que quantitative sur les produits développés par l’entreprise : sont-ils adaptés à la demande Nous établissons un focus sur la clientèle et ses attentes. Les autres actions portent sur l’efficacité du back-office, avec la gestion des flux de trésorerie et la facturation, la gestion de l’endettement et celle des risques. Bref, nous engageons un diagnostic global de l’entreprise.

Que se passe-t-il dès lors que vous avez identifié les foyers de perte et tous les dysfonctionnements qui pénalisent l’entreprise ?

D. V. : Notre rôle premier est un rôle de conseil. Ensuite, nous accompagnons la mise en place, si les solutions que nous préconisons sont acceptées par le chef d’entreprise. Dans les cas où le dirigeant de la société possède une marge de manœuvre, nous communiquons au mandataire nos avancées. Nous faisons une photo de l’organisation générale de l’entreprise et, lorsque c’est nécessaire, nous la refondons. Nous analysons en outre tous les documents de l’entreprise et fixons les urgences. Nous prenons la main sur l’ensemble des logiciels (facturation, comptabilité) afin de recueillir le maximum d’informations dans un délai court. Nous nous connectons à distance sur le système d’information concerné. Il y a une séquence présentielle. Nous nous parlons à distance au minimum quatre fois par semaine et nous voyons tous les dix jours.

Vous avez visiblement un rôle de soutien psychologique…

D. V. : Oui, nous sommes à l’écoute car le dirigeant a tendance à s’introvertir dans ce genre de période [Didier Vincent dit posséder une formation en sophrologie, Ndlr]. Parfois, dans certaines situations, nous nous retrouvons à la barre de la société, surtout lorsque le chef d’entreprise a été gagné par la confiance. Il n’hésite pas à nous déléguer les leviers de management. Le risque, dans cette situation, c’est que le dirigeant perde la main face à ses salariés, qui peuvent avoir la tentation de nous accorder leur confiance davantage qu’à leur patron. Notre mission va consister à créer une nouvelle dynamique dans l’entreprise afin que l’ensemble du personnel reprenne efficacement sa fonction avec un double voire un triple pilotage, si l’on compte l’administrateur.

Et avec le personnel ?

D. V. : Celui-ci passe par trois étapes : le sentiment d’échec, puis le retour de la confiance et, enfin, la prise de conscience des perspectives. Nous devons être concrets envers le personnel, lui expliquer les objectifs et comment ils évoluent.

Avez-vous un rôle de prescripteur ?

D. V. : Oui, jusqu’au choix des partenaires, car nous savons que les défaillances ne relèvent pas uniquement du chiffre d’affaires ou de la trésorerie. Il est aussi question de frais fixes indigents ou de partenaires malencontreux.

Intervenez-vous sur toutes les typologies d’entreprises, qui opèrent de surcroît sur des marchés différents, sur des secteurs (comme le transport routier de marchandises) que vous ne connaissez pas…

D. V. : Nous intervenons sur des profils de PME-PMI. Nous n’allons pas sur les ETI ni les grands groupes. Nous avons en portefeuille 60 % d’artisans, 40 % de PME-PMI.

Quel est votre pourcentage de succès depuis que vous avez lancé votre activité ?

D. V. : Qu’entend-on par « succès » ? Que l’entreprise reprenne la main au travers d’un plan de continuation après le redressement judiciaire ? Ou alors, est-ce que cela veut dire « je reconstruis autrement autre part » ? La question est compliquée à trancher… Une entreprise qui sort de RJ reprend toutes ses dettes, et la clé de la réussite pourra être liée à la valeur de ses dettes. En fait, la notion de réussite, je ne sais pas où la placer.

Vous prétendez « militer pour éradiquer les défaillances ». Votre action ne devrait-elle pas, dès lors, se dérouler très en amont plutôt qu’au moment du redressement judiciaire avec période d’observation ?

D. V. : Oui, bien sûr. C’est la raison pour laquelle nous bâtissons un réseau de connaissances composé de banquiers et d’experts comptables dans le but d’avoir accès à l’information. C’est quelque chose qui commence à prendre corps. Les banquiers représentent la meilleure source. Sinon, nous construisons un club composé d’entreprises sorties d’un redressement judiciaire, qui sont susceptibles d’attirer vers nous des entrepreneurs connaissant une défaillance.

L’Intelligence artificielle au service de la défaillance

La Direction générale des finances publiques (DGFiP) – elle est rattachée au ministère de l’Action et des Comptes publics – intervient déjà sur la détection des difficultés des entreprises. Son objectif vise à détecter les premiers signes de faiblesse et à proposer à l’entreprise « des actions préventives ou curatives », en lien avec d’autres services de l’État pour la recherche de financements bancaires ou d’investisseurs, ou encore pour l’étalement des dettes. Ainsi, toute entreprise confrontée à des difficultés pour s’acquitter de ses dettes publiques (Urssaf, impôts) peut déjà saisir la Commission des chefs de services financiers (CCSF) au travers de la DGFiP de son département. Laquelle propose également un plan d’accompagnement pour les entreprises pour lesquelles on a détecté des difficultés. Pour 2019, la DGFiP annonce « mettre l’intelligence artificielle au service des entreprises en difficulté ». Ses services ont mis au point un algorithme capable – au moyen d’analyse des données fiscales, économiques et financières – d’évaluer le risque d’entrer en procédure collective (RJ ou LJ). Ce logiciel a été testé pendant un an. Il est en cours de déploiement en lien avec d’autres services de l’État (préfets, commissaires aux restructurations et à la prévention des difficultés). La DGFiP assure que « les résultats sont soumis à une confidentialité stricte ».

S. B.

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