Dix ans après la création du statut, la douane française comptait 1 613 opérateurs opérateurs économiques agréés (OEA) au 31 mars dernier. Parmi eux, 15 % ont obtenu un OEA « sûreté-sécurité », 28 %, l’OEA-C ou « simplifications douanières », tandis que 57 %, avec le « Full » cumulent les deux. Ils sont, majoritairement, des chargeurs importateurs et exportateurs (58 %), devant les prestataires, représentants en douane, mais aussi transporteurs (42 %). « Notre objectif serait de tendre vers 3 000 entreprises sous ce statut, explique Claude le Coz, chef du bureau E3 à la direction des douanes. Mais la plupart des représentants en douane, qui réalisent la majorité des déclarations douanières en fret traditionnel, sont déjà OEA ». Les chargeurs restent réservés sur les avantages qu’apportent l’OEA par rapport à son coût, comme l’a confirmé un sondage mené en début d’année par l’association des utilisateurs de transport de fret (AUTF), la Chambre de commerce internationale et le Medef, auprès de 86 entreprises OEA. « Il n’est pas pertinent d’avancer des chiffres tant les situations peuvent varier d’une entreprise à l’autre, tempère Hubert Paquentin, président de la commission douanes de l’AUTF et directeur Douanes et TVA chez Solvay. Même si la plupart d’entre elles perçoivent le statut comme une démarche qualité structurante, elles ont tout de même le sentiment d’investir beaucoup de temps, sans voir pour l’instant les avantages annoncés, tels la diminution des contrôles. »
Sur le terrain, l’investissement, réel, se chiffre surtout en temps et s’inscrit le plus souvent dans une stratégie commerciale. Pour IVF transports, à Villars, dans la Loire, la démarche s’est imposée dès 2013, presque naturellement, du fait de l’activité. En effet, la PME de près de quinze salariés (et autant de véhicules) réalise 80 % de son chiffre dans des échanges entre la France et la Suisse, transports et douanes compris. « Nous avons beaucoup formalisé nos procédures et protocoles, explique Andréa Denis, la Pdg. Nous avons aussi investi dans du matériel pour sécuriser notre site et mené un gros travail de sensibilisation des salariés ». Chez Flash Taxis Colis, filiale française du groupe Redspher, spécialisée dans les transports urgents et sensibles, dont le siège est à Metz, « il y avait déjà des outils d’analyse en place (ndlr, la groupe Flash est certifié ISO 9001), explique Gaëtan Vanhee, responsable du projet OEA pour les onze agences françaises. Mais la démarche pour obtenir le statut en 2015 a tout de même sollicité quatre personnes à 20 % sur un an et du conseil, pour affiner les process sûreté et sensibiliser les conducteurs ».
Même engagement interne et même recours à un consultant externe pour EMO Trans. Avec 20 salariés en France, ce commissionnaire en transports overseas maritime et aérien, filiale d’un groupe mondial, est aussi devenue OEA en 2015. « S’il s’agissait au départ, de répondre à une demande de nos clients, l’OEA constitue maintenant une base pour nous investir aujourd’hui dans une certification ISO, note Jean-Marc Richter, responsable OEA France. Et ce statut que nous sommes en train de renouveler nous importe également parce que nous souhaitons internaliser l’administration des douanes, actuellement en sous traitance. »
Chez Hexatrans, transporteur routier et commissionnaire à Lyon (environ 30 salariés), la perspective de créer, si cela se présente, un entrepôt sous douane, reste une motivation à l’heure de renouveler le statut d’OEA, obtenu en 2015 avec un parrainage du pack OEA (*). « Je ne quantifie pas si ce statut nous a directement apporté des marchés, mais je sais qu’il en a renforcé certains, estime Grégory Mermet. Et surtout, cette approche, vraiment louable, structure des processus dans l’entreprise, évite des erreurs que l’on aurait pas observé autrement ». Gaëtan Vanhee, qui travaille aussi au renouvellement du statut, pense également que « la rigueur s’inscrit dans un ensemble qui sécurise la chaîne logistique pour nos clients et, en interne, implique mieux les conducteurs. »
Chez le commissionnaire EMO Trans, Jean-Marc Richter se montre très attentif au statut des prestataires de transport. « Comme la marchandise ne passe jamais par nos bureaux, relève-t-il, nous avons besoin de savoir que les transporteurs respectent des règles de sécurité et de sûreté. Ceux qui sont OEA sont censés s’autocontrôler et adopter des process de qualité et de sûreté. Le statut OEA est donc pour nous une garantie de respect de nos critères. »
(*) Le Pack OEA TLF, lancé en 2014 sur le principe du parrainage – un parrain OEA accompagne un candidat – a rencontré peu de succès, avec moins de dix statuts obtenus, « pourrait être relancé », selon Audrey Filali