Pour les armements fluviaux ou maritimes, transporteurs routiers et industriels ainsi que les stations-service, l’accès au gaz naturel comme énergie ou carburant a longtemps été conditionné au raccordement aux réseaux de distribution publics. L’arrivée du GNL change la donne en permettant la mise à disposition de cette énergie partout en France au moyen d’une logistique routière. Dans ce cadre et compte tenu des spécificités du produit, l’Association française du gaz (AFG) a rédigé la charte Sécurité et bonnes pratiques dans le transport routier du GNL en février 2019. Parmi ses contributeurs figurent plusieurs transporteurs routiers dont Eb-Trans, GEODIS et Groupe Charles André (GCA). Y ont également participé des exploitants de terminaux à l’image de Dunkerque LNG et d’Elengy ainsi que des chargeurs gaziers tels que Primagaz, Total, Naturgy et Molgas Energia.
Dans le but de promouvoir de bonnes pratiques en matière de sécurité dans le transport routier de GNL en France, cette charte liste une série d’engagements dont « l’application stricte des réglementations en vigueur de la part des transporteurs, notamment de l’arrêté TMD et de l’accord ADR ». Elle contient des exigences supplémentaires en matière de formation des conducteurs, d’équipements des véhicules et de protection des chauffeurs ainsi que lors des opérations de chargement et de déchargement. Misant sur la capitalisation d’expérience, la charte appelle également les chargeurs « à un contrôle de ses règles auprès de leurs transporteurs ». Pour l’AFG, ses dispositions « doivent s’appliquer à tous les nouveaux contrats postérieurs au 1er novembre 2018, ou dans un délai de six mois pour les contrats en cours par voie d’avenant ».
S’agissant des obligations pesant sur le conducteur, sa formation au transport de GNL doit attester une série de connaissances sur le produit, les opérations de chargement et de déchargement, pendant son transport et sur les procédures d’urgence. Lesquelles couvrent par exemple la conduite à tenir en cas de « rupture du vide isolant, de fuite de liquide et de renversement » complétées par la nécessité de posséder un numéro d’urgence. La validation de cette formation est assurée au moyen d’un QCM (questionnaire à choix multiples) avec remise au conducteur d’attestations de participation au stage et de réussite. Tous les trois ans, ce dernier est appelé à suivre une mise à jour respectant la procédure suivante : QCM en début et fin de session conservés par l’entreprise et présentés sur demande ainsi que des attestations de participation et de réussite au QCM final remises au conducteur.
S’agissant des matériels, les citernes « doivent être à double paroi acier isolée par le vide ». Leurs équipements se composent d’un « système d’arrêt d’urgence pilotant les actionneurs, qui doivent être à sécurité positive et arrêtant la pompe si le véhicule en est équipé ». D’autres dispositifs sont exigés comme « d’obturation (type vanne) au plus près de la citerne pour les phases liquide et gaz, pilotés par des actionneurs à sécurité positive », et « d’anti-arrachement de flexible, asservi au déplacement du véhicule, qui ferme automatiquement et sans délai les systèmes d’obturation ». S’ajoute un système « homme-mort qui, en cas d’absence de signal au bout d’un temps déterminé, déclenche la fermeture des systèmes d’obturation et l’arrêt automatique de la pompe si le véhicule en est équipé ». L’ensemble routier doit être équipé en outre « d’une connexion véhicule/site par raccord permettant, lorsque le site de chargement ou de déchargement en est équipé, de déclencher les dispositifs d’arrêt d’urgence et d’homme-mort ». La charte préconise enfin le modèle de raccord à utiliser : Legris type 9 087 30 21 mâle + raccord gaz demi. Lors des manutentions, les EPI précisés dans les réglementations TMD et ADR sont complétés d’un casque équipé d’un écran facial et d’une jugulaire, d’un vêtement couvrant et de chaussures antistatiques, et de gants de protection cryogénique. « Chaque conducteur sera également équipé d’un explosimètre portable, en état de marche et régulièrement étalonné selon les préconisations des constructeurs, et sera formé à sa manipulation. Selon le besoin, il pourra porter des protections auditives », stipule la charte.
Pour faciliter et sécuriser les opérations de chargement et de déchargement, un système d’identification rapide par couleur des vannes est défini autour de quatre couleurs : bleu (vannes de mise à l’évent), rouge (vannes de liquide), jaune (vannes de gaz), orange (vannes de vaporisateur et de communication liquide-gaz). « Pour chaque opération, les procédures d’urgence à appliquer en situation dégradée doivent être connues et comprises des personnels concernés. Le conducteur doit être en mesure de les communiquer en français ou sur un support écrit en français. »
Pour chaque acheminement, le transporteur devra remettre à son conducteur avant le chargement plusieurs informations : « la quantité maximale transportable en respectant le PMA9, le taux de remplissage maximum de la citerne tenant compte de sa pression de service, et les procédures de chargement et de déchargement relatives au camion adaptées à chaque opération ». Ces procédures établies, diffusées, connues et comprises des personnels concernés doivent être disponibles en français ou en anglais. Enfin, « le P&ID 10 [piping and instrumentation diagram, Ndlr] du véhicule devra être affiché dans le coffre de vannes ».
Parmi les distributeurs de GNL en Europe et signataire de la charte AFG, Molgas Energia assure l’aménagement et l’exploitation de plus de 150 installations au service de trois marchés principaux : l’industrie, le soutage maritime et le gaz carburant pour véhicules routiers via, notamment, une quinzaine de stations publiques. « En France, nous comptons une vingtaine de points de livraison dont deux stations-service à Donges (44) et à Sainte-Geneviève-des-Bois (91). Pour les transporteurs routiers par exemple, nous proposons une solution de GNL carburant lés en main baptisée Blu-Box », indique son directeur général France Édouard de Montmarin.
Appelé à croître avec un doublement prévu d’ici à 2022, ce réseau représente aujourd’hui plus d’un millier de transports par an de 20 à 130 m3. Pour sa distribution, Molgas s’appuie sur plusieurs terminaux méthaniers : Montoir-de-Bretagne et Fos-sur-Mer en France ; Bilbao, Rotterdam, Zeebrugge et Barcelone en Europe. Sur le territoire national, un troisième site de chargement sera opérationnel à Dunkerque d’ici à la fin de l’année tandis que les installations à Fos Tonkin et Cavaou ont été renforcées récemment. « Ces capacités de chargement seront complétées prochainement par des dépôts terrestres, dont le premier implanté en Alsace sera relié aux installations GNL du port de Rotterdam », indique le dirigeant.
Grâce à un suivi télémétrique des consommations, l’approvisionnement en GNL de chaque installation est déclenché de façon automatique à la fréquence nécessaire qui peut être quotidienne. « Ce dispositif permet d’avoir une bonne visibilité et planification des transports à effectuer », explique le directeur.
Pour assurer ces approvisionnements, Molgas déclare posséder la première flotte européenne de matériels destinés au transport de GNL. « Équipée de systèmes de géolocalisation, elle se compose de 110 citernes routières dont une trentaine à double paroi acier destinées au marché français notamment, et d’un parc d’une centaine de conteneurs 40’ cryogéniques qui peuvent être acheminés par voie ferrée, fluviale, maritime ou par route, présente Édouard de Montmarin. Notre stratégie de distribution en France consiste à posséder les citernes et conteneurs, et de confier à des transporteurs publics le transport de GNL dans le cadre de prestations aller-retour. »
En phase de déploiement, le gazier a déployé ses propres moyens composés de cinq tracteurs avec conducteurs et de sept citernes. « Pour le marché français, où nous ne disposons pas d’installations de maintenance de matériels, à la différence de l’Espagne par exemple, nous souhaitons privilégier la sous-traitance en matière de transport, explique le dirigeant. Il y existe des transporteurs confirmés dans les produits classés ADR à la tête de conducteurs de qualité formés. » La possession des citernes et conteneurs assure à Molgas une indépendance de moyens, sachant qu’un ensemble GNL répondant aux règles de la charte AFG représente un investissement de l’ordre de 300 000 euros.