Importé des États-Unis en France à la fin des années 1990, le LBO (Leverage Buy-out) ou, en français, « achat à effet de levier », consiste à créer une société holding qui finance tout ou partie du rachat d’une entreprise cible en ayant recours à l’endettement bancaire ou obligataire. Toute l’astuce réside dans le fait que la dette sera remboursée par la société achetée. Cette opération augmente considérablement la rentabilité des capitaux propres de la holding qui centralise les résultats. « La holding vient, par exemple, avec 3 millions d’euros et emprunte 7 millions pour racheter une société qui en vaut 10. Au bout de cinq à sept ans, une fois la dette bancaire remboursée, la holding possède alors une valeur de 10 millions d’euros », souligne Pierre Cohen, fondateur de P2C Partners. Les investisseurs auront donc engrangé le triple de leur mise. Grâce à cette méthode, certains groupes, comme Hallouin, Malherbe, Norbert Dentressangle (en son temps) ou STEF, ont sensiblement accéléré leur croissance externe.
En outre, les avantages fiscaux sont très alléchants. Les intérêts de la dette payée par la société cible sont déductibles par la société détentrice des titres si celle-ci opte pour le régime de l’intégration fiscale. Lequel permet d’agréger les résultats fiscaux de la société mère et de ses filiales détenues à plus de 95 % du capital et des droits de vote. La holding ayant contracté des dettes afin de financer l’acquisition de la cible, son résultat est structurellement déficitaire. Dans le cadre du groupe fiscalement intégré constitué avec la société cible, elle pourra imputer ses déficits sur les résultats positifs de la cible même si celle-ci ne distribue pas de dividendes. Les salaires des actionnaires dirigeants peuvent également se déduire de l’assiette fiscale de la holding.
« Avant la crise de 2008, l’équipe dirigeante de la holding pouvait n’apporter que 20 % du montant du coût d’acquisition de l’entreprise cible et emprunter 80 % auprès des banques, reprend Pierre Cohen. Mais, avec la crise, les banques ont été échaudées par des LBO qui n’ont pas réussi à rembourser l’emprunt. » À présent, les banques exigent des actionnaires un apport d’au moins 40 %. De quoi inciter les actionnaires à rechercher un co-investisseur, comme un fonds d’investissement. « L’intérêt d’un fonds d’investissement, c’est qu’il apporte du capital. Cela crédibilise le projet entrepreneurial aux yeux des banques. Cependant, plus il y a de fonds propres, moins la holding aura besoin d’emprunter, explique Pierre Bordeaux-Montrieux, directeur associé de Siparex, un fonds d’investissement qui est intervenu entre autres chez Norbert Dentressangle, Stef, Hallouin, Malherbe et Mauffrey. En ce cas, ce sont les fonds propres qui seront valorisés. Nous entrons dans un projet qui va durer cinq à sept ans. Dans l’intervalle, nous espérons que l’entreprise se développera en s’appuyant sur un solide business plan, une stratégie industrielle cohérente, de nouvelles offres commerciales, et de la croissance externe. C’est tout cet ensemble qui va contribuer à valoriser l’entreprise sur le moyen terme. »
Du côté de la cible, les équipes sont mises d’emblée sous tension. Elles devront non seulement exercer leur métier sur un marché compétitif mais aussi rembourser la dette qui a permis de racheter l’entreprise. Dans le contexte d’une tâche aussi rude, la tentation est grande, pour les dirigeants, de récupérer du cash en revendant au plus vite le maximum d’actifs, notamment immobiliers. « À un moment donné, le cash s’envole tandis que les charges s’alourdissent », avertit Pierre Cohen.
Car le danger, c’est bien sûr de ne plus pouvoir rembourser l’emprunt bancaire. D’où une autre tentation, celle du cost killing, qui consiste à tailler dans tous les coûts possibles et imaginables : en réduisant la masse salariale, en rognant sur l’entretien des véhicules ou le renouvellement des pneumatiques ou encore en transformant les frais fixes en coûts variables… La liste est longue. « Mieux vaut éviter le risque de surendetter l’entreprise cible. Il faut, si possible, associer l’équipe dirigeante en place qui saura mener le projet industriel », fait valoir Pierre Bordeaux-Montrieux.
« Dans tous les cas, l’étude du projet d’acquisition en LBO ne pourra faire l’économie d’un audit économique de l’a cible ainsi que d’un audit juridique », estime Pierre Cohen. Soit un budget de 40 000 à 100 000 euros pour une PME.