Un code de l’Union en devenir

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Deux ans après son démarrage, le Code des douanes de l’Union européenne (CDU) se met en place, mais reste en phase transitoire, notamment sur le plan législatif et informatique. « Clé du code », le statut d’opérateur économique agréé, qui doit contribuer lui aussi à sécuriser et à fluidifier les opérations en douanes et, donc, les échanges commerciaux, progresse mais attire encore trop peu de candidats au regard des enjeux… Brexit en tête.

Un python royal découvert dans des bagages à Roissy, 2,3 tonnes de cocaïne saisies à La Rochelle, 6,4 millions de jouets contrôlés : en 2017, la douane française a mené une lutte acharnée contre de multiples trafics de biens frauduleux, drogues ou animaux protégés. Parallèlement, elle joue aussi une autre partition, moins spectaculaire, mais capitale, au service du commerce extérieur et de milliers d’exportateurs, importateurs, commissionnaires, transporteurs, logisticiens… Ce rôle économique, l’administration l’a particulièrement mis en relief depuis deux ans en installant le nouveau Code de douanes de l’Union européenne (CDU), qui régit les échanges commerciaux entre les pays adhérents et le reste du monde (voir encadré page 26).

« Dédouanez en France » : 80 % en place

« A mi-parcours, 80 % des mesures du plan “Dédouanez en France” ont été mises en place », a rappelé Rodolphe Gintz, le directeur général des douanes et droits indirects, lors de la présentation du bilan annuel de son administration, en mars. Ce plan avait été lancé fin 2015 pour, justement, accompagner les entreprises dans l’application du CDU, à partir du 1er mai suivant, en 2016…À la clé, 40 mesures concrètes : renforcement des cellules conseil régionales et mise en place de clubs des entreprises Opérateurs économiques agréés (voir article Cellule conseil page 29), création d’un service grand compte de la douane, mise en place d’un Guichet unique pour faciliter certaines formalités, accompagnement du « dédouanement centralisé »… Le dédouanement centralisé ? En 2020, ou, plus probablement, en 2025, toute entreprise exportatrice qui sera Opérateur économique agréé par les douanes (OEA, voir articles pages 25 et 27) pourra effectuer l’ensemble de ses déclarations en un seul bureau de douane, en France ou dans un autre État membre, alors même qu’il présentera ses marchandises dans divers bureaux en Europe. « Le statut d’OEA est la clé du code », délare Claude Le Coz, chef du bureau E3, chargé de la politique de dédouanement à la Direction des douanes. L’enjeu est à la fois de fluidifier les échanges et, pour la douane française, de conserver un maximum d’opérations sur son territoire. Cependant, en attendant que le dédouanement centralisé communautaire (DCC) ne deviennent vraiment opérationnel, l’Etat français a lancé le dispositif à l’échelle du pays : le dédouanement centralisé national (DCN). Au 31 mars 2018, plus de 500 entreprises avaient déjà centralisé leur dédouanement en France, soient près de 20 % du fret traditionnel. « Le DCN est spécifique à la France et se traduit par un agrément, précise Claude Le Coz. Ouvert à tout opérateur du commerce extérieur, il est une déclinaison du dédouanement “communautaire” qui, lui, sera réservé aux seuls OEA. » Pour le chef du bureau E3, « le DCN crée des relations privilégiées entre l’entreprise et son interlocuteur unique à la douane », ce qui peut conduire à limiter des contrôles, « un opérateur connu pour son sérieux sera moins contrôlé qu’un nouvel opérateur, inconnu », précise-t-il.

Pour Audrey Filali, déléguée aux affaires douanières à TLF Overseas, « le dédouanement centralisé national est une belle mesure car elle devient accessible aux représentants en douanes, alors que précédemment la procédure comparable de domiciliation n’était accessible qu’aux importateurs-exportateurs. Toutes nos entreprises adhérentes se sont lancées dans la démarche ».

Du commissionnaire au responsable en douane

Mais qui seront les représentants en douane (RED), cités par le CDU ? La représentante de TLF note que « le nouveau code apporte une libéralisation. Auparavant, seuls les “commissionnaires agréés en douanes” pouvaient effectuer des opérations, alors qu’aujourd’hui le statut est plus ouvert. Un importateur ou exportateur peut devenir représentant pour autrui. Il nous faut être vigilants pour protéger l’expertise des entreprises adhérentes, commissionnaires. C’est stratégique pour nous, face à une concurrence européenne qui pourrait être déloyale et éviter des pertes de flux. » Même préoccupation de Thierry Grumiaux, délégué de la Commission transport international et douane, logistique, de la FNTR : « cette suppression de la notion de commissionnaire agréé en douanes intervient alors que ni l’accès à ce statut ni sa définition ne sont harmonisés dans tous les pays. Nous restons dans une période de transition ». Effectivement, relève Claude le Coz, « après la mise en place du Code des douanes de l’Union en 2016, 2017 a été une année de consolidation et 2018 sera une année d’optimisation du code. Et nous restons dans une période de transition juridique jusqu’au 1er mai 2019 et informatique jusqu’au 31 décembre 2020 ». Alors que les textes parus au journal officiel de l’Union européenne doivent encore être affinés, le programme de travail informatique se peaufine aussi en permanence : à terme, l’ensemble des systèmes d’informations doivent permettre des échanges entre les opérateurs et les douanes, comme entre toutes les douanes européennes elles-mêmes.

La dématérialisation

Pas simple, mais capitale : la digitalisation représente à la fois un objectif et l’une des conditions de bon fonctionnement du Code des douanes de l’Union. Fluidité et sécurisation obligent. « C’est un vrai défi, pour le chef du bureau E3. L’informatisation, structurante, participera de l’harmonisation des pratiques douanières. » Les choses progressent en France où l’indice de dématérialisation du dédouanement était passé de 86 % en 2015 à 87,4 % en 2016. Ce taux, élevé, progresse aussi grâce au Guichet unique (Gun, voir encadré ci-dessous) qui travaille à la digitalisation de nombreux documents annexes au dédouanement et dans lequel, fin 2017, onze administrations partenaires étaient engagées. « C’est un projet intéressant mais complexe car il est interministériel, souligne Audrey Filali. Mais, en dehors de certains documents annexes, tels la licence pour les biens à double usage ou des produits vétérinaires, sur lesquels Gun travaille, le dédouanement est dématérialisé depuis longtemps pour la plupart des opérateurs ».

Signe d’évolution dans la fluidification des échanges : les opérations en douane en France, sont passées d’un délai d’immobilisation de 3,52 minutes fin 2016 à 3,14 fin 2017 (contre 13 mn en 2014) – entre le moment de la déclaration et celui où l’on libère la marchandise. « L’idée est vraiment de ne cibler que les opérations frauduleuses », assure Claude Le Coz.

Brexit en vue

Ces progrès, cependant, ne sauraient masquer l’inquiétude qui gagne les observateurs à l’évocation d’une inconnue majeure dans le calendrier de mise en place du Code des douanes de l’union : le Brexit. Début avril au Havre, Gérald Darmanin, le ministre de l’Action et des Comptes publics, a annoncé « la création de 700 postes de douaniers d’ici à la fin du quinquennat », en particulier pour faire face, à l’horizon 2019-2020, au retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne et, donc à la restauration de ses frontières avec les états membres.

Qu’en sera-t-il des déclarants en douane ? La pénurie qui touche déjà la profession (voire l’interview Alain Comte) risque fort de s’aggraver dans ce contexte. Alors que la direction de la douane s’est dotée une chargée de mission Brexit, les organisations professionnelles se préparent. « Personne ne sait encore ce qui va se passer, mais on évoque le nombre de 250 millions de déclarations supplémentaires, estime Thierry Grumiaux. Depuis 93, les transporteurs n’ont pas, ou plus, de compétences douanières en interne. Il va falloir réfléchir. Mais former des déclarants prend du temps. » Pour Audrey Filali, à TLF Overseas, « le manque de déclarants est un vrai sujet. Nous ressentons un besoin de recrutement des entreprises et, donc, de formation depuis début 2018. Certaines s’interrogent aussi sur l’opportunité que pourraient représenter ces nouvelles opérations en douanes avec le Royaume Uni… » Dont la France – 6e fournisseur et 7e client – reste l’un des principaux partenaires économiques.

500

entreprises centralisent le dédouanement en France

OEA
Kézaco ?

Créé en 2008, le statut d’Opérateur économique agréé (OEA) est une certification délivrée par la douane. Née après les attentats du 11 septembre 2001, elle traduit la volonté de l’Union européenne de sécuriser les échanges internationaux entre des entreprises identifiées pour leur fiabilité, notamment en matière de sécurité et de sûreté. Recommandée, au-delà des seuls opérateurs en douanes, à tous les acteurs de la chaîne logistique internationale (dont les transporteurs), elle vise à sécuriser les échanges commerciaux et facilite le passage en douanes.

La douane renforce aussi ses relations avec les entreprises sous l’angle du “partenariat”, en les accompagnant notamment vers la certification OEA. Car, si cette démarche commence par une auto-évaluation de ses processus, l’opérateur peut se tourner vers les cellules conseil, implantées dans toutes les régions, pour être aidé en amont. Il existe deux types principaux d’OEA. Le certificat OEA-C (ou Customs), pour les simplifications douanières, permet de soumettre des déclarations douanières d’entrée et de sortie simplifiées. Le certificat OEA-S, pour la sûreté et sécurité vise à réduire le « classement de risque » et les contrôles douaniers. Un statut “full”, l’OEA-F, cumule les caractéristiques et les avantages des deux autres.

Les trois statuts, obtenus pour une durée indéterminée, exigent un nouvel examen tous les trois ans et certains critères d’exigences communs : bonne moralité, une traçabilité des systèmes de gestion ou des écritures, une mise en place de procédures de contrôles en internes, une solvabilité financière assurée au cours des trois dernières années, une compétence douanière. Une bonne santé.

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