ARNAUD FROMENT : Pour nous, le premier effet se traduit par plus de complexité et un coût supplémentaire pour adapter le logiciel de paie. L’an dernier, nous avions déjà fait intervenir notre prestataire pour, notamment, anticiper la mise en place de l’imposition à la source. Ce début d’année, notre prestataire nous a facturé deux jours d’intervention, soit 1 800 euros, pour adapter notre outil de gestion de la paie, ajouter 30 lignes de calcul qui intègrent les nouvelles mesures, et comme tous les décrets d’application ne sont pas prêts, le travail n’a pas pu être complètement finalisé… À une semaine de clôture des 350 paies, je ne sais pas tout à fait comment cela va fonctionner, s’il y aura des erreurs ou non. Avec nos six assistantes RH, nous sommes tous très tendus.
A. F. : Je suis très partagé sur l’effet de ces mesures. Certes, l’entreprise paiera moins de cotisations chaque mois. En effet, la baisse des charges patronales de 6 % sur les cotisations assurance maladie et sur les cotisations de retraite complémentaire obligatoire Agirc-Arrco puis, en octobre prochain, sur les contributions patronales d’assurance chômage, hors AGS, fait diminuer la masse salariale d’emblée. Chaque mois, l’impact sur le fonds de roulement est réel, direct. Mais avec la suppression du CICE, je vois disparaître une mesure bénéfique pour nous. D’abord parce que le CICE est plus simple à mettre en place qu’un calcul sur les paies : il suffit d’opérer une déduction en fin d’exercice. Avec le CICE, l’entreprise devait aussi se justifier auprès de ses salariés de ce qu’elle mettait en place… Alors que là, on ne demande plus rien à personne, l’effet sera ventilé dans la comptabilité analytique. Enfin, le CICE permettait de réaliser des investissements – pour nous, notamment, dans du matériel, dans l’anticipation avec les banques. C’est capital. Ce crédit d’impôt a sans doute également permis aux entreprises les plus saines d’optimiser leurs gains et à d’autres, plus en difficulté, d’atteindre plus facilement l’équilibre… Même si ce n’était pas l’objet du CICE. Ses effets vont encore se faire sentir jusqu’en 2020 et ensuite, il sera plus difficile de se projeter.
A. F. : Pour nous, entreprise de transport routiers de marchandises, l’application de cette mesure va se révéler délicate, car elle diffère entre nos personnels cadres ou employés et les conducteurs… Les premiers, dès qu’ils dépasseront l’horaire de base, seront en heures supplémentaires, donc impactés par la mesure. Mais pour les conducteurs, les heures d’équivalence n’entrent pas dans le contingent de la loi. Comment expliquer ce décalage entre les conducteurs et les non-conducteurs, alors que la paie est une forte motivation pour les chauffeurs… Par ailleurs, la fusion des caisses complémentaires Agirc-Arrco va modifier toute une structure de paie qui a toujours distingué entre cadres et non cadres… En somme, toutes ces mesures rendent plus complexe la gestion des paies, avec des effets incertains. Nous espérons au moins que l’impact de certains allégements atténuera les effets du prélèvement à la source. En interne, nous avons mené un gros travail de pédagogie sur ce changement. Et nous avons aussi changé de mutuelle et négocié, pour la même protection, des cotisations mutuelles moins élevées pour les salariés. Afin que l’impact du prélèvement à la source soit le moins lourd possible.