« Nous étions en division 3, nous nous sommes hissés en division 2, nous ambitionnons désormais d’entrer en première division », résume Alain Lefebvre, directeur général de Ports de Lille, regroupant une quinzaine de ports dans la métropole et la région Hauts-de-France. La métaphore n’est pas que footballistique car la croissance du trafic s’assimile à une compétition de tous les instants. 2017 a d’ailleurs été l’année de tous les records. Avec un trafic fluvial qui a augmenté de 8,32 % à 1,83 million de tonnes et un trafic ferroviaire à + 78,29 % pour atteindre 270 000 tonnes, Ports de Lille n’avait jamais connu de tels niveaux, dépassant allègrement la barre symbolique des 7 millions de tonnes de marchandises en 2017. Avec même un carton plein au niveau des conteneurs : 169 755 EVP manutentionnés, soit une croissance de 30 % par rapport à 2016, qui était le précédent record.
« Même si les chiffres se sont détériorés cette année en raison de la grève à la SNCF, la tendance du ferroviaire reste globalement à la hausse, de l’ordre de 20 % sur le premier trimestre 2018 : les opérateurs ont réussi à limiter la casse », souligne Alain Lefebvre. Depuis Lille, 20 trains par semaine relient Bordeaux, Mouguerre (Bayonne), Toulouse et Marseille. Le fluvial continue lui aussi sa progression, même si le trafic a été perturbé avec un arrêt de cinq semaines pour les travaux de modernisation de l’écluse de Don, avec le changement des portes. « Le trajet depuis Anvers a également connu des complications : la forte croissance génère des soucis au niveau des transbordements », ajoute Alain Lefebvre qui, malgré tout, annonce une hausse de 12 %, fluvial et ferroviaire confondus, sur les trois premiers mois de l’année par rapport à 2017.
De nouvelles navettes devraient également voir le jour d’ici à quelques mois, en transfrontalier au départ de certaines carrières de Belgique et à l’international. « Cela permettra d’offrir indirectement de nouveaux potentiels pour la façade maritime des Hauts-de-France, à savoir Calais et Boulogne-sur-Mer mais aussi globalement pour l’Union des ports réunis sous la bannière Nord Port Shuttle ». « Nous travaillons aujourd’hui à une remise à niveau du terminal en termes de sécurité, exploitation, sûreté et accessibilité. Nous sommes en train de créer un département conteneurs. Dans deux ans, le port de Lille n’aura plus rien à voir avec ce qu’il est aujourd’hui », entrevoit le directeur général, qui se réjouit de préparer le port « next generation », le port du futur, intégré de façon fonctionnelle à la ville. Le lifting devrait coûter aux alentours de 4 millions d’euros. Avec la croissance des flux, Santes et Béthune devront également se préparer à changer de division.
L’annonce a fait plus d’un élu heureux. Roquette, acteur mondial dans la valorisation des matières premières végétales, historiquement positionné sur l’amidon, a lancé la construction d’un entrepôt de 42 000 m2 sur le port de Santes, près de Lille, doublant ainsi sa capacité de stockage. Dès septembre prochain, les produits devraient donc être chargés au siège de Lestrem, près de Merville, dans le Pas-de-Calais, pour rejoindre par la route le port de Béthune, distant d’environ 10 km. Le trajet Béthune-Santes se fera alors par voie fluviale, alors qu’aujourd’hui, les camions approvisionnent directement le port de Santes, parcourant environ 30 km. Pour s’adapter à cette nouvelle donne, le port de Béthune-Beuvry se modernise depuis janvier, avec des travaux estimés à 5,3 millions d’euros. Au menu du chantier : extension du quai de chargement, refonte de la desserte routière et des réseaux mais aussi création d’une zone dédiée au stockage des conteneurs de 16 000 m2. Béthune veut ainsi devenir une nouvelle halte, sur l’autoroute fluviale reliant Dunkerque, Lille, Anvers et Rotterdam. Le port prévoit d’augmenter significativement son tonnage, en passant de 400 000 à 800 000 ou 900 000 tonnes. Grâce à cette première cure de jouvence (une deuxième phase de travaux de 4,6 millions d’euros est à l’étude), le port de Béthune n’en sera que plus séduisant pour ses clients actuels, des céréaliers comme le groupe Carré, la sucrerie Tereos ou le groupe de recyclage Gibert Recyclage/Paprec. « D’autres bonnes nouvelles se préparent au port de Béthune, une fois que les travaux seront terminés, vers l’automne 2018 », glisse le directeur général de Ports de Lille.
À 40 km au nord de la capitale alsacienne, Port autonome de Strasbourg va mettre en exploitation, cet été, un nouveau terminal fluvial à Lauterbourg, très facilement accessible par la route, sans l’engorgement routier rencontré dans les alentours de Strasbourg. « Rhine Europe Terminals va en assurer l’exploitation dans un premier temps », précise Damien Nerkowski, directeur général de Rhine Europe Terminals, filliale du groupe Port autonome de Strasbourg. Avec un portique mobile fluvial, deux voies ferrées et deux reach stackers, le nouveau site est très bien placé, à proximité des sites de construction automobile, de l’industrie chimique ou agroalimentaire. « Les opérateurs et les compagnies maritimes intègrent cette nouvelle infrastructure dans leurs réflexions », avance Damien Nerkowski, sans pour autant livrer des projections de trafic. Port de Strasbourg a bénéficié d’une certaine stabilité en ce début d’année 2018, avec « un petit recul d’1,3 % d’EVP par rapport à la même période de l’année dernière », note le directeur général. Le trafic de camions lié aux conteneurs vides a augmenté (+ 20 %), notamment sur l’un des deux terminaux. La route accuse aujourd’hui un recul global de 3,3 %, le ferroviaire enregistrant, lui, une croissance de 11 %, notamment grâce aux nouvelles liaisons ouvertes par Naviland Cargo, malgré les grèves côté français. « Les conteneurs pleins sont globalement en croissance, ce qui est positif. » Grâce à un phénomène de basses eaux moins marqué cette année, le trafic fluvial, lui, n’a enregistré qu’une baisse de 4,3 % avec plus de conteneurs pleins (+ 10,4 %) et moins de vides (– 22,1 %). « Nous cherchons de toute façon à limiter les approvisionnements en conteneurs vides sur Strasbourg, car nous sommes limités en termes de place », souligne Damien Nerkowski.
D’ailleurs, le terminal sud, qui concentre le trafic de camions avec le dépôt des conteneurs vides, devrait être réaménagé pour 2020, avec la création d’un parking d’attente des poids lourds. Les travaux sont encore à l’étude. « Ce nouvel aménagement va nous permettre d’étudier par exemple la mise en place d’un système de rendez-vous, impossible avec la configuration actuelle des lieux. » Avec, pour objectif, non pas d’accueillir plus de camions mais d’augmenter la cadence du traitement des conteneurs. Toujours dans l’optique de fluidifier les flux, le changement du logiciel d’exploitation des terminaux de Port autonome de Strasbourg, en février dernier, n’a pas été simple. « Les perturbations que nous avons pu connaître appartiennent désormais au passé, assure Damien Nerkowski. Même si nous préparions ce chantier depuis des années, les premières semaines ont été particulièrement compliquées, ce qui est logique compte tenu des volumes. » Du côté des ressources humaines, la réorganisation des plannings des équipes d’exploitation, caristes et grutiers, permettent désormais de mobiliser plus de personnel au moment des pics de trafic. « C’est le résultat d’un travail de longue haleine : le nouveau fonctionnement est complètement opérationnel depuis début mai. »
En attendant de connaître les derniers chiffres d’Haropa, qui ne les communiquera qu’en juillet prochain, on peut juste évoquer la tendance récente du trafic conteneurs pour les ports de l’axe Seine. Les quatre premiers mois de l’année 2018 sont marqués par le renforcement de l’hinterland en nette progression tandis que les transbordements sont en baisse. Le trafic fluvial progresse également, indique de manière très succincte le service communication. Fin mars, le port du Havre a annoncé un plan d’investissement global de 500 M€ ; 150 M€ sont destinés notamment à la construction de 700 m de quais supplémentaires à Port 2000, (150 M€), et à l’aménagement du quai de l’Atlantique, dans le port ancien (85 M€). Le port se base sur une croissance attendue du trafic de conteneurs. Par ailleurs, pour améliorer la desserte fluviale de l’hinterland, ont été inclus, parmi ses projets, la chatière, l’optimisation des chaînes logistiques passant par le terminal multimodal, en y comprenant la navette ferroviaire et la baisse des coûts de manutention sur les terminaux. Ayant besoin d’un cofinancement européen, le port doit se prononcer le 29 juin sur le calendrier prévisionnel des travaux à réaliser. Par ailleurs, on peut rappeler qu’en 2017, les ports de l’axe Seine ont enregistré une hausse de 0,4 %. Au total, le trafic de conteneurs est passé de 161 261 EVP en 2016 à 161 887 EVP en 2017. Enfin, au premier trimestre de cette année, une nouvelle ligne fluviale a été inaugurée par Bolloré Logistics. D’une capacité annuelle de plus de 5 000 EVP vers Ports de Paris, le service comporte une desserte du dernier kilomètre par camions roulant au gaz et des tarifs préférentiels pour les franchises portuaires sur l’axe Seine, réservés aux clients du logisticien.