Si le camion autonome ou semi-autonome ne fait pour l’instant pas l’objet de réflexion au sein des organismes de formation, son implantation dans plusieurs décennies reste néanmoins prise au sérieux par la profession. « L’initiative du camion autonome remonte aux années 70 et 80, aux États-Unis, au Japon mais aussi en Europe avec le programme Prometheus(1), rappelle Jean-Paul Deneuville, président de l’organisme de développement de la formation AFT. Elle prend aujourd’hui de l’ampleur avec des premiers tests. » Mais deux orientations demeurent soutient-il. D’un côté, les constructeurs et équipementiers penchent vers un modèle connecté qui évolue à partir du véhicule actuel ; de l’autre, les entreprises de nouvelles technologies réfléchissent davantage sur un véhicule sans conducteur. « Des alliances ont lieu entre les deux écoles, explique Jean-Paul Deneuville. Mais selon les degrés d’automatisation envisagés, du niveau 1, qui correspond à des outils de type assistance à la conduite, à 5 qui vise une automatisation complète, tout le monde ne s’accorde pas sur la capacité de pénétration de cette technologie. Aujourd’hui, nous parlons davantage du camion connecté. »
Pour Olivier Leroux, référent national de la formation de conduite à Promotrans, l’une des premières formes d’autonomie qui devrait se développer serait le platooning, un système de camions en pelotons, sur les autoroutes. Mais, là encore, cette technologie pourrait prendre plusieurs décennies : « même sur autoroutes, beaucoup de solutions doivent évoluer aux niveaux réglementaire, de la sécurité routière et des infrastructures. Et faire entrer un camion totalement autonome en ville reste pour l’instant inenvisageable ». L’introduction de ces camions automatisés induirait de profondes transformations dans les emplois du secteur soulignent les deux organismes. « Leur nombre et leur nature évolueraient, suppose Jean-Paul Deneuville. Les conducteurs pourraient développer une polyvalence autour de ces nouvelles technologies qu’ils pourraient exploiter également dans d’autres secteurs. Mais je ne crois pas que la technologie remplacera totalement les conducteurs. Il y aura toujours une nécessité d’intervention humaine. » Parallèlement aux nouvelles technologies, un autre élément doit être considéré, souligne-t-il : des évolutions contractuelles non spécifiques au transport pourraient apparaître ou se développer, comme le travailleur indépendant. « Toutes ces évolutions se conjugueront inévitablement », indique-t-il.
Les organismes de formation et de développement de la formation dans le transport veillent pour le moment à évoluer en fonction des besoins des entreprises du secteur. « Même si l’anticipation s’avère parfois nécessaire, le transport routier possède une capacité remarquable d’adaptation », indique Jean-Paul Deneuville. Si les formations aux camions autonomes restent encore du domaine de la prospective, les transporteurs s’attachent de leur côté à ce que leurs conducteurs se familiarisent avec les nouveaux outils. « Des nouvelles boîtes robotisées aux systèmes électroniques comme l’ABS, nous essayons de suivre au plus près les nouvelles technologies qui se multiplient dans les véhicules lourds », précise Olivier Leroux. Les formations évoluent ainsi au fur et à mesure de l’arrivée sur le marché des technologies et des constructions. Et maîtriser ces nouveaux outils devient impératif pour que les conducteurs puissent les utiliser, voire éviter une panne. Mais, soutient Olivier Leroux, l’enseignement ne peut se limiter aux nouveaux produits puisque les parcs d’entreprises se composent également de camions anciens, dotés par exemple de boîte de vitesse manuelle et non robotisée.
(1) Initiative lancée en 1987 qui visait à améliorer la circulation routière à long terme et qui évoquait déjà la notion de véhicule intelligent.