TOMAS ENEROTH : Il y a beaucoup de projets. D’abord, il est important de rappeler qu’il s’agit d’initiatives collaboratives. Elles ne sont pas uniquement supportées par l’Etat, mais aussi par le privé : par l’industrie et par la recherche académique. C’est donc sur des fondations tripartites que s’appuient les différents programmes. Ainsi, c’est le gouvernement qui décide du périmètre des projets et ensuite les acteurs s’expriment librement. Par exemple, sur le projet « drive-me », les habitants de Göteborg pourront conduire un véhicule autonome sur presque 100 kilomètres. L’objectif est d’observer les réactions des gens face à une voiture sans chauffeur, de voir comment les voitures se comportent dans la circulation et de mesurer les conséquences sur la législation ou sur la planification du trafic urbain. Autre exemple : la E-Road, dans le Nord de la Suède, est la première « route électrique » mondiale. On charge les camions grâce à une ligne électrique pour effectuer la moitié de la distance parcourue sans combustible fossile. Les nouvelles technologies rendent cela possible. Si nous n’avons fait qu’un essai sur 2 kilomètres, mon intention est, dans les années à venir, d’implémenter cela dans les infrastructures ordinaires de Suède. Nous investissons 712,5 milliards de couronnes suédoises (71 Md€) sur les 10 prochaines années dans les infrastructures donc nous voulons en faire des réalités et pas seulement des projets d’études, ou des outils de recherche.
T. E. : Je pense qu’il est important de réfléchir avec les entreprises à comment nous pouvons améliorer l’activité des centres logistiques, les livraisons du dernier kilomètre grâce aux véhicules électriques à l’intérieur des villes. C’est d’ores et déjà possible. Nous avons des solutions à Stockholm, à Göteborg, qui nous permettent de rendre le transport durable, sans énergie fossile. Par exemple, si l’on prend le cas de Polarbröd – ils produisent un pain très connu dans le Nord de la Suède – qu’ils transportent jusqu’au centre-ville par voie ferrée, avant de le distribuer à toutes les boutiques avec des véhicules électriques. Dans ce cas, l’intégralité du transport s’effectue sans combustible fossile. Bien sûr, nous mettons nous aussi une pression législative pour interdire l’accès au centre-ville aux camions qui ne sont pas aux normes – Euro VI, biogaz, électrique – mais nous souhaitons également donner la possibilité aux municipalités de prendre la décision finale, à l’horizon 2018.
T. E. : Il y a de nombreuses raisons. Premièrement, ils ont tendance à obéir aux règles. Ils roulent prudemment, économisent de l’espace, sauvent des vies… Si l’on s’organise bien, ils offrent la possibilité de changer radicalement les centres villes. Il y a de grandes opportunités pour rendre le secteur du transport plus sûr, et plus efficient d’un point de vue énergétique. Surtout si l’on implique les entreprises, qui souhaitent faire de la distribution dans la ville mais également en dehors. Là encore, un exemple : il y a à Stockholm un projet appelé « Beloved City ». Nous avons mis en relation des entreprises comme DHL ou Schenker qui distribue en centre ville, avec Ragn-Sells en charge d’en faire sortir les déchets, et les avons fait collaborer pour qu’ils ne voyagent plus à vide, permettant ainsi de réduire les coûts de transports de 40 %. C’est très efficace, et réalisable puisque leurs marchés ne sont pas en compétition. Ils se soutiennent. Et je pense que combiner ce genre de solutions avec les technologies évoquées plus haut permettra de réduire drastiquement l’impact du transport sur la pollution, la congestion etc. au cœur des villes dans les années à venir.
T. E. : Beaucoup de choses. Votre Président et notre Premier ministre sont tous deux convaincus que c’est une situation gagnant-gagnant, et nous avons beaucoup de choses en commun, et beaucoup à retirer de cette collaboration. Quand j’ai rencontré Élisabeth Borne (le 21/11, ndlr), nous nous sommes concentrés sur les principaux aspects du transport et des nouvelles technologies environnementales. Nous avons réalisé qu’il y avait de nombreuses possibilités de collaboration dans les années à venir. Ici, à Lyon, j’ai visité Renault, qui collabore étroitement avec Volvo. On voit immédiatement les opportunités d’un partenariat d’entreprise entre la France et la Suède et on peut l’appliquer à un partenariat entre les gouvernements. Donc, je suis convaincu que nous verrons dans un futur proche une RoadMap pour les initiatives, qui suivront courant 2018.
T. E. : Par exemple, en juin, la ministre viendra en Suède, à Göteborg, où nous réunirons tous les ministres des Transports d’Europe pour voir l’expérience suédoise sur les véhicules autonomes et connectés. C’est une rencontre qui a déjà eu lieu à Amsterdam, et à Francfort. D’ici là, nous aurons des discussions bilatérales avec nos homologues français pour s’assurer que nous allons dans la même direction, en particulier en ce qui concerne les défis à relever en matière d’environnement, de réduction d’émissions, etc.
T. E. : Je pense qu’il faut que ce soit un mix entre l’électrique, à long terme, et dans un futur proche, le gaz, en particulier si l’on parle de poids lourds et de longues distances.
Cependant, pour que cela soit possible, il faut qu’il y ait des discussions sur les taxes, la réglementation, les infrastructures, et bien sûr, à la manière dont vous le faites en France, l’accompagnement économique aux entreprises (qui achètent des camions au gaz et bénéficient d’un amortissement), sur lequel nous réfléchissons en Suède.
J’espère que nous verrons d’autres initiatives communes à la France et à la Suède dans les années à venir, et je pense qu’elles pourraient être bénéfiques à l’Europe.