Le Livre noir de la palette est toujours d’actualité. Rédigé par l’Union nationale du transport frigorifique, cet ouvrage dénonçait déjà, en 2011, le poids de la gestion des palettes, qui alourdit le sac-à-dos des transporteurs. Huit ans plus tard, la situation n’a pas vraiment changé. Bon nombre de transporteurs endossent encore le coût de la gestion des palettes, comme l’a constaté Pierre-Édouard Robert. Cet ancien salarié d’un grand groupe de BTP a été conduit à prendre la direction, il y a deux ans et demi, de TMF Transports à Servian (Hérault), la PME de sa belle-famille. L’entreprise compte dix agences en France et 230 ensembles routiers frigorifiques. « J’ai découvert à cette occasion que la gestion des palettes avait un impact écologique et économique hallucinant, s’exclame Pierre-Édouard Robert. Depuis une bonne dizaine d’années, les transporteurs subissent cette situation qui démobilise les conducteurs et rabote nos marges », rapporte le dirigeant en rappelant que la gestion des palettes représente une perte de 10 % de la marge. En effet, le retour des palettes vides aux chargeurs mobilise plusieurs camions et chauffeurs et dans les grands groupes et grosses PME ainsi qu’une personne à temps complet pour assurer le suivi des palettes. Et ce, sans contrepartie financière de la part des chargeur !
Devant un tel constat, Pierre-Édouard Robert s’est attelé à développer une solution qui vise à réduire le coût de gestion des palettes Europe. Lesquelles offrent l’avantage d’avoir des dimensions standards. Partant du principe que chaque transporteur dispose de palettes en stock dans ses agences, il propose depuis décembre 2018 une plateforme baptisée Magic Pallet qui permet de les mutualiser et de les échanger. L’enjeu pour les transporteurs abonnés, c’est d’éviter que leurs camions parcourent des centaines de kilomètres pour rapporter des palettes vides à leur chargeur. Alors qu’à proximité de ce dernier, un transporteur n’a que quelques kilomètres à effectuer pour lui fournir les palettes manquantes.
« En l’espace de deux mois, nous avons échangé 30 000 palettes et économisé entre 24 000 et 25 000 euros en termes de kilomètres évités, de frais de péage et de salaires, indique Pierre-Édouard Robert qui propose trois niveaux de services. Le premier donne droit à trois jetons de mise en relation. De quoi découvrir gratuitement le service. Avec le second niveau, l’abonné a droit à des mises en relation ainsi qu’à des échanges illimités moyennant 39 euros par mois. « Le troisième niveau (soit 99 euros par mois) donne en plus accès au service Magic Search qui détecte automatiquement les échanges pertinents pour le transporteur », signale l’éditeur de la plateforme, qui ambitionne de s’étendre à l’étranger et d’atteindre, dans un premier temps, le cap des 250 à 300 transporteurs abonnés à sa plateforme. En s’y connectant, les utilisateurs peuvent non seulement échanger des palettes et des bons, mais aussi acheter des palettes Europe en ligne auprès des fabricants.
L’échange de palettes a rapidement fait des émules dans le monde du transport. Parmi les premiers abonnés, citons les Transports Perrier. Filiale du groupe Sobotram, cette PME compte plus de 200 véhicules et plusieurs centaines d’employés répartis sur sept agences en France. « Nous sommes spécialisés dans le transport de marchandises générales ayant pour destinataires des grandes et moyennes surfaces, commerçants, industriels, etc. », indique Florian Bertoletti, le responsable palettes Europe. Recruté en novembre 2013, celui-ci occupe un poste à plein-temps, au sein des Transports Perrier. Ce travail porte sur plusieurs centaines de milliers de palettes. Ce chiffre s’élevait à 300 000 unités, il y a cinq ans. Les entrées et sorties de palettes sont extraites à partir du progiciel maison de l’entreprise puis retravaillées sur tableur Excel. « La plateforme Magic Pallet vient compléter ces outils », confie Florian Bertoletti. Sur la question de la qualité des palettes échangées, ce dernier ne se fait pas de souci, car chaque abonné est noté en fonction de sa prestation. « En outre, lors de leur inscription, les nouveaux membres doivent montrer patte blanche en produisant notamment leur Kbis qui permet de vérifier que l’entreprise existe et qu’elle est bien en activité », signale Pierre-Édouard Robert, qui a convaincu des enseignes, comme Système U, et des industriels de l’agroalimentaire, comme Florette, de l’intérêt de sa plateforme et de l’intérêt d’en faire la promotion auprès de leurs transporteurs.
Parmi les autres abonnés de Magic Pallet figure l’entreprise In’terpech Transports, basée à Arpajon (Essonne). Ce transporteur fait partie d’un groupe qui compte trois autres sociétés ayant des activités de transport dans le sud-ouest, le sud-est et l’ouest de la France. À elles seules, ces quatre entreprises comptent quelque 400 camions. « Lorsque leurs conducteurs montent en affrètement en région parisienne, c’est à nous de récupérer leurs remorques », explique Clément Escarnot, directeur d’agence d’In’terpech Transports à Arpajon. Ce dernier est également chargé de récupérer et de gérer, pour le groupe, toutes les palettes Europe qui se situent en Île-de-France. Un travail qu’effectuent, par ailleurs, ses trois homologues en régions. « Nous nous appelons chaque jour pour faire le point sur le nombre de palettes à récupérer », témoigne le directeur de l’agence d’Arpajon. Lequel s’est abonné à l’offre Premium de Magic Pallet, qui permet de détecter automatiquement les stocks disponibles et les bons à échanger. En contrepartie, il alimente régulièrement le site avec ses stocks de palettes. « Grâce à ce service, nous réduisons nos coûts de transport mais nous limitons aussi le risque que les affréteurs bloquent le paiement des factures de transport à cause de palettes manquantes », indique Clément Escarnot, qui espère voir un jour les bons palettes se digitaliser sachant, qu’actuellement, certains d’entre eux peuvent être périmés ou difficiles à récupérer chez leurs détenteurs.
