Que sera le marché européen de la carrosserie industrielle en 2010 ? Les différences culturelles vont-elles s'estomper uniformisant les attentes et les besoins des clients ? L'attrait pour un produit individualisé ou personnalisé sera-t-elle la valeur dominante ? Les contraintes de mobilité vont-elles s'accroître modifiant du coup, l'organisation des transports de marchandises et de ses outils de production ? Trois scénarii aux conséquences bien différentes pour le marché de la carrosserie industrielle française. Dans le premier, il est susceptible de conduire à une réduction des gammes de véhicules et, par voie de conséquence, d'abaisser la charge de travail potentielle des carrossiers. Dans le second, la diversité des attentes conduirait à l'effet inverse, poussant vers davantage d'identification retardée sur les chaînes de production ou dans les ateliers des carrossiers avec des flux toujours plus tendus. Le troisième bouleverserait leur organisation et leurs outils de production avec l'émergence de nouveaux types de véhicules de plus forte mobilité et/ou de volume utile accru.
« Face à la puissance du constructeur de véhicules et de ses réseaux, à la prépondérance du standard et à la réduction des gammes, c'est en coopérant avec les constructeurs que les carrossiers pourront anticiper l'évolution de leur marché », indique en conclusion du scénario baptisé « Coopération » le cabinet BIPE/Stratorg dans son étude « Prospective et stratégie de la carrosserie industrielle française », publiée début mars.
Pour les carrosseries VUL et porteurs destinées aux constructeurs (absorbant respectivement sur ces deux segments 30 % et 15 % de la production des carrossiers), cette approche se confirme. Elle va en effet dans le sens de leurs préoccupations que sont l'européanisation et le développement d'une offre standard dans le but d'améliorer leur rentabilité interne. L'avantage que pourraient retirer les carrossiers de cette évolution est la possibilité d'accompagner la dynamique des constructeurs de VUL à travers l'Europe et la demande croissante de standard en porteurs, sous réserve de revoir leur outil de production. La relation partenariale entre le constructeur, avec de fortes exigences de professionnalisation, et le carrossier pourrait, en outre, être synonyme d'échanges voire d'appropriations réciproques de compétences technologiques et de savoir-faire dans le domaine des pré-études en vue d'améliorer la planification et d'optimiser les processus. A l'inverse, le danger principal pour le carrossier est de laisser aux constructeurs toute l'organisation de la filière, de la commande à la livraison de produits complets au client utilisateur. Les risques de fragilité économique avec l'obligation d'apporter des gains de productivité constants tout en préservant leurs marges, la concurrence européenne accrue avec l'arrivée de nouveaux entrants et la possibilité des constructeurs de choisir librement leurs fournisseurs sont les autres menaces de ce scénario.
Ce dernier semble très probable également pour la fourniture de carrosseries VUL, porteurs et semi-remorques/ remorques vers les clientèles loueurs et réseaux. Les attentes des concessionnaires ou filiales des constructeurs portent d'ores et déjà sur la recherche d'une interface unique pour tous les besoins en produits et en services des véhicules avec la mise en oeuvre d'une prestation globale non contraignante sur des matériels standards. Cette hypothèse a de fortes probabilités de réalisation puisqu'elle reflète les flux de distribution existants des produits fabriqués ou transformés par les carrossiers. Hormis le segment des remorques et des semi-remorques, les réseaux absorbent aujourd'hui 40 % des carrosseries VUL et 15 % des carrosseries porteurs des carrossiers qui, sur ces matériels, ne disposent pas de réseaux propres suffisamment maillés. « Ce scénario renforcerait leur efficacité logistique et commerciale. Il leur apporterait également une meilleure visibilité sur le niveau des commandes et des approvisionnements », note l'étude. En contrepartie, la perte de débouchés notamment locaux et le risque d'intégration sont les principales menaces d'une telle approche. S'agissant des loueurs, elle répond à trois tendances principales que sont la croissance de la demande de location à l'échelle européenne dont pourraient profiter les carrossiers, le développement de gamme de produits standards et leur dépendance vis-à-vis des constructeurs de VI. Là encore, le carrossier verrait son pouvoir de négociation se réduire vis à vis du loueur et, par voie de conséquence, subirait des exigences accrues en termes de maîtrise des prix. A cela s'ajoute, trois autres risques que sont l'arrivée de nouveaux entrants, la perte de débouchés et l'intégration à terme par le loueur.
Le scénario baptisé « Coopération » serait également le plus profitable aux carrossiers s'agissant des produits rigides et bâchés ainsi que bennes en porteurs et en semi-remorques et remorques à destination des utilisateurs finaux où pourtant ils alimentent jusqu'à 90 % de leurs besoins ! Il est avancé à condition d'industrialiser et de concentrer les moyens des carrossiers pour éviter que l'offre soit captée par d'autres acteurs. Sur ces segments où le carrossier détient une parfaite connaissance des attentes de la demande, on est en droit de douter des opportunités de croissance internationale ou de nouveaux savoir-faire retirés par les carrossiers d'un éventuel rapprochement avec des équipementiers ou des constructeurs, comme il est préconisé dans l'étude. Celle-ci justifie sa position par la nécessité de rattraper le retard de performance industrielle des carrossiers dans le domaine des porteurs Dry-fret.
« Face à l'externalisation des fonctions et aux attentes de personnalisation des produits et services, c'est en jouant sur le développement et la valorisation des savoir-faire spécifiques que les carrossiers consolideront leur indépendance », conclut l'étude sur l'approche baptisée « Indépendance ». Plus favorable, la vision fondée sur la multiplication des gammes disponibles sur le marché du fait d'une personnalisation poussée des produits pour répondre à la demande des clients finaux, redonne ses lettres de noblesse à la carrosserie industrielle et une charge de travail potentielle illimitée.
Ce scénario semble avoir une probabilité de réalisation forte dans deux marchés stratégiques pour les carrossiers que sont les porteurs, remorques et semi-remorques à l'attention des utilisateurs finaux. Dynamique et en développement, l'isotherme est le premier segment concerné. Celui-ci se caractérise par une spécialisation croissante de la demande avec des attentes spécifiques exprimées en produits et services. Une opportunité pour les carrossiers sous réserve toutefois qu'ils consolident leur haut niveau de qualité et de savoir-faire, nécessitant l'acquisition de compétences dans différentes fonctions (marketing, recherche & développement etc.) et la poursuite des investissements dans les domaines des matériaux et des équipements de gestion et de suivi électroniques.
Le second intéresse les produits citernes où apparaissent des spécificités liées à des marchés très réglementés en matière de sécurité. Après les bennes dans sa composante environnement, un quatrième segment est particulièrement concerné par le scénario « Indépendance ». Il s'agit des produits dits « de niches » en VUL, porteurs, remorques et semi-remorques qui sont, par essence, spécifiques et fabriqués pour des besoins sur mesure. Encore faut-il que les carrossiers français maintiennent leur savoir-faire en la matière.
« Face au bouleversement des marchés et à leur déclin partiel, c'est en se préparant à la métamorphose de leur offre que les carrossiers parviendront à anticiper et à s'adapter aux impacts d'un nouvel environnement », note, enfin, dans sa troisième hypothèse, l'étude précisant que la probabilité d'occurrence est faible contrairement à celles baptisées « Coopération » et « Indépendance ».
Une telle tendance aurait pour conséquence principale la transformation des marchés en volume et en gamme. Ainsi, les marchés du VUL et des porteurs légers dans leur composante fourgon, progresseraient fortement du fait de la croissance des parcours terminaux et d'approche avec un autre mode de transport et/ou de la concentration du fret autour de zones à forte densité. La diversification de la filière semi-remorques et remorques ferait apparaître de nouveaux segments spécialisés avec de petites unités de charge pourvues d'un seul essieu. A l'inverse, ce marché avec celui des porteurs gros tonnages, verrait sa part de marché décliner sensiblement sur le segment transport longue distance.
S'agissant des fonctionnalités, la mobilité et la facilité d'utilisation (ouverture des portes et manutention par exemple) seront au centre des préoccupations des utilisateurs finaux et ce, pour tous les types de matériels. De même, le segment intermodal serait plébiscité. Autant de changements qui induiraient une restructuration des capacités et des outils de production des carrossiers dont le nombre se réduirait par l'effet d'une concentration accélérée du fait des investissements nécessaires à cette refonte industrielle.
Cette hypothèse ne peut pas être exclue compte tenu des impacts négatifs qu'elle entraînerait sur le marché de la carrosserie industrielle. Et pourtant quelques affirmations caractérisant cette approche sont particulièrement d'actualité avec le renchérissement continu du prix du pétrole frappant le secteur du transport routier de marchandises (TRM) obligeant les transporteurs à réduire leur marge ou encore, la volonté de l'Union européenne de réguler la saturation des réseaux routiers.
Si le combiné rail-route représente près d'un quart des trafics de marchandises de la SNCF, on est encore très loin du développement promis dans les discours officiels. Comparativement, cette technique modale a réalisé en 2000, 14 milliards de tonnes-kilomètres contre 183 milliards pour le seul transport routier de marchandises ! En croissance de 73 % sur les huit dernières années, sa progression est toutefois inférieure à l'évolution du transport terrestre ; sa part de marché diminuant sur la période...
Si l'objectif du ministère des Transports de tripler, d'ici 2010, le combiné rail-route se réalisait, il bénéficierait aux carrossiers producteurs de caisses mobiles, matériels, où un jour ou l'autre apparaîtra une normalisation à l'échelle européenne.
Un autre exemple des enjeux du transport combiné rail-route pour la carrosserie industrielle concerne le franchissement des obstacles naturels comme les Alpes ou les Pyrénées. A titre d'exemple, la SNCF, la Compagnie Nouvelle de Conteneurs (CNC) et le carrossier Lhor ont récemment signé un partenariat en vu d'exploiter des navettes de ferroutage pour les traversées transalpines. Baptisés Modalhor, les wagons utilisés ont un plancher surbaissé permettant de transporter des ensembles routiers complets, comprenant le tracteur et sa semi-remorque sur des voies de chemin de fer classiques. Ce matériel pourrait être exploité entre la France et l'Italie à l'horizon 2005.