Pour évaluer les enjeux de la logistique urbaine en Île-de-France, plusieurs paramètres sont à prendre en compte. Rappelé le 3 juin à Paris par François Rispe, directeur Europe du Sud de Prologis, le premier est démographique avec une augmentation de 12,2 à 13,5 millions d’habitants d’ici à 2050. « Soit 1,3 million de consommateurs en plus à l’origine, aussi, de déplacements supplémentaires », relève le dirigeant. Avec un millier d’habitants au kilomètre carré et jusqu’à 21 000 dans Paris intra-muros, la forte densité régionale et le pouvoir d’achat élevé des Franciliens friands d’achats en ligne (56 000 euros/an moyen) sont d’autres critères impactant la mobilité urbaine. Tout comme la volumétrie fret annuelle de 220 Mt et de l’ordre 300 millions de colis qui s’appuie à 82 % sur la route « dont les véhicules industriels occupent déjà un quart de la voirie », précise François Rispe. Face à ces facteurs générateurs de flux appelés à augmenter, « la capacité des infrastructures de transport est stable et l’offre immobilière destinée à la logistique est insuffisante et chère ». À l’origine d’une multiplication des transports, elle est en outre mal répartie avec une forte concentration des entrepôts à l’est de l’Île-de-France alors que les grands bassins de consommation se trouvent à l’ouest.
Ces contraintes posées, les étudiants du Master Supply Chain International de l’Université Paris-Dauphine ont sondé des distributeurs tous canaux de vente, industriels, prestataires transport et logistique ainsi que des professionnels de l’immobilier logistique sur les pistes d’évolution de la logistique urbaine francilienne. Premier constat présenté le 3 juin lors des Rencontres annuelles Prologis : « Tous les acteurs se déclarent concernés par cette problématique. » Parmi les solutions mises en avant, l’espace logistique urbain (ELU) et la mutualisation des flux arrivent en tête devant l’entrepôt de proximité à étages, les solutions de livraison alternative (dans le coffre des voitures, en cas d’absence du destinataire…) et le Click&Collect ou le dépôt puis l’enlèvement en magasin. S’agissant des technologies futures, si le véhicule autonome se place en pole position, son bilan carbone, compte tenu des technologies nécessaires, pour le traitement des données par exemple, interpelle. Pour optimiser, anticiper et automatiser les flux, l’intelligence artificielle est citée ainsi que la blockchain pour sécuriser l’échange de données. L’utilisation de drones serait marginale et limitée à quelques niches.
Parmi les mesures susceptibles de porter ces solutions et technologies, les professionnels interrogés suggèrent « le développement des infrastructures de transport et de logistique », puis « la mise en place d’une législation incitative » sinon « contraignante ». Côté obstacles, ils pointent « l’absence de volonté politique » expliquée pour partie par « une méconnaissance des enjeux » puis les coûts et la complexité de déploiement. En termes de priorités, les sondés encouragent les pouvoirs publics à « aménager des ELU, développer des bornes de recharge, interdire la circulation des camions » et à « développer des moyens de transport alternatifs ». Quant aux actions que les entreprises pourraient prendre, « le recours à des véhicules verts » est plébiscité avec « la mutualisation des flux », loin devant la limitation des flux routiers et les livraisons à horaires décalés.
Selon les conclusions du sondage, la somme de ces actions aurait pour conséquences « une meilleure qualité de vie pour les Franciliens » avec une hausse ou une baisse selon les réponses du coût des livraisons. Sur le plan social, la logistique urbaine pourrait être à l’origine de nouveaux emplois. Quoi qu’il en soit, les déplacements urbains et les logistiques associées seront sans doute au cœur des prochaines élections municipales 2020. Les transporteurs routiers doivent définir sans tarder une stratégie de communication et de défense face à une probable surenchère de projets susceptibles d’impacter sinon de ternir la profession.