Sur la photo, un chauffeur sourit au volant d’un camion rutilant. En commentaire de ce post sur LinkedIn : « Encore un bon matériel pour un conducteur ravi. Bonne route Alain ! ». Voilà les candidats avertis : dans cette entreprise, on est heureux et encouragé. Les réseaux sociaux – et Internet en général – permettent cela : valoriser son image à la fois auprès de ses fournisseurs, de ses clients, de ses salariés et des candidats. « L’entreprise doit profiter des vecteurs qu’elle maîtrise, assure Chloé Guillot-Soulez, maître de conférence en GRH à l’IAE de Lyon. Comme tout candidat a maintenant le réflexe de “googler” le nom d’une société avant d’y postuler, avoir un onglet “carrières” sur son site est incontournable, voire une page spécifique sur Facebook, LinkedIn, Viadeo, etc. »
Depuis peu, la chaîne YouTube s’ajoute à la panoplie : « Depuis 2014-2015, la “marque employeur” est devenue une typologie vidéo à part entière, alors qu’auparavant, ce n’était qu’un but indirect des films corporate », assure Gaël Morin, rédacteur de EO Production, qui produit notamment pour STEF, les Transports Michaud, Coquelle, Astr’In… Selon lui, les portraits de salariés sont la forme la plus demandée, ainsi que les « plans drone » mettant en valeur les sites logistiques par exemple. Diffuser ces vidéos sur sa chaîne YouTube et sur son site Internet permet de mieux « qualifier les profils » : seuls les candidats se sentant en accord avec les valeurs diffusées par le film se présentent. « Mais le contenu vidéo sur Internet a tellement explosé qu’on est envahis, ajoute-t-il. Si l’on veut recruter en nombre, cela ne suffit pas. » Il faut alors acheter des campagnes sponsorisées sur les réseaux sociaux. « À partir de 300 €, 10 000 personnes, au sein d’une cible que vous aurez définie, verront votre vidéo s’afficher »,assure ce spécialiste. Pour aller encore au-delà, il faudra investir plusieurs milliers d’euros dans l’achat d’espaces médias. « Grâce à un mix des deux, l’un de nos clients a obtenu 100 000 vues en deux semaines », assure-t-il.
Mais même ces investissements ne garantissent pas aux employeurs une maîtrise totale de leur e-réputation : « C’est le véritable enjeu, estime Chloé Guillot-Soulez. Si elle est mauvaise, par exemple parce que des internautes pointent une distorsion entre l’image donnée sur le site et la réalité du travail, il sera très difficile d’en changer. » Or, les commentaires sur les sites et blogs d’emploi se répandent aussi vite que sur ceux de gastronomie ou de voyage. Avec du bon (« Très intéressant », « Personnel compétent et à l’écoute ») et du beaucoup moins bon (« Mauvaise boîte », « Aucune reconnaissance », « Salaire de misère »). Voire des règlements de comptes de salariés en poste (« Stratégie absente »). Des job boards, comme Indeed ou Glassdoor, notent ainsi les employeurs : plus ceux-ci recueillent d’avis positifs, plus ils ont d’étoiles. Mais les demandeurs d’emploi considèrent-ils ces sources comme crédibles ? Pour répondre à cette question, l’IAE a lancé depuis quelques mois une enquête, qui doit permettre à ses chercheurs de comprendre l’influence de ces avis sur les comportements des candidats à l’emploi. Si elle ne peut encore préjuger des résultats, Chloé Guillot-Soulez rapporte qu’en termes de consommation en ligne – réservation d’un restaurant, d’une location de vacances, etc. –, « les internautes sont plus influencés par les avis négatifs que par les positifs ». Reste à savoir si cela se confirme en matière d’emploi. Mais elle pense d’ores et déjà que, comme dans la consommation, répondre aux commentaires négatifs, sur un ton posé, « peut laisser supposer que l’on est un employeur à l’écoute et dans une démarche d’amélioration ». Tout en tempérant : « De là à inciter des salariés à poster des avis positifs, il faut se méfier : cela peut paraître louche. » Le plus important, rappelle-t-elle, est de réfléchir à ses valeurs et caractéristiques… avant de se préoccuper de les défendre.