Jean-Emmanuel Mongnot : Nous avons conclu un contrat avec un client [British Gypsum, Ndlr] pour l’optimisation de sa flotte, et avons l’idée de nous doter d’un outil qui doit nous permettre d’appréhender la gestion des flux par une analyse prédictive. Tout le monde parle de blockchain, de big data… Pour notre part, nous avons mis au point un système intelligent, qui auto-apprend, grâce à des algorithmes, comment l’on peut mettre à disposition les bons moyens au bon endroit, au bon moment, tout cela à l’appui d’un historique des flux sur une année.
J.-E. M. : Il y a des temps forts dans l’année (rentrée des classes, Noël, les achats de piscines, de peinture au printemps…) qui génèrent des flux récurrents. Lorsque l’on prend en compte l’ensemble de ces éléments, on dispose d’une cartographie de ce que sont et seront les besoins de nos clients habituels, détaillants, grossistes ou même le e-commerce. De l’autre côté, il y a nos moyens roulants sur la France. L’idée consiste à se demander comment disposer d’un prédictif pour engager les bonnes ressources au bon moment, de façon à ce que nos clients soient servis le plus rapidement, au moindre coût, car moins de kilomètres à vide, en étant donc le moins polluant.
J.-E. M. : Oui, aux États-Unis, XPO Connect, c’est son nom, est déjà une réalité. Ils ont observé que cet outil générait une diminution des coûts et de l’empreinte carbone, et offrait une adaptabilité extraordinaire sur le marché. Notre client British Gypsum, en Angleterre, nous a demandé de gérer ses flux sur ce principe. Notre idée est de proposer ce service à de gros industriels qui possèdent des flux importants. En France, nous allons engager cet outil prédictif d’analyse spécifique des flux de distribution d’un client, une première en France dans le TRM sans doute. Cette ambition dans le prédictif des flux associe bien entendu nos partenaires sous-traitants. Nous n’avons pas encore une grande connaissance des flux déjà concernés car cet investissement est trop récent. Nous ne sommes pas en mesure de déterminer précisément où il faut des volumes ou des camions. Nous sommes sur une courbe d’apprentissage pour le moment. L’autre idée réside dans notre volonté d’améliorer la productivité de nos livraisons « last mile ».
J.-E. M. : Nous disposons depuis mars 2018 d’une activité totalement autonome qui occupe une centaine de personnes, sur du dernier kilomètre avec le e-commerce. Nous parlons, pour l’essentiel, de produits blancs. Nous avons démarré dans la Région Auvergne-Rhône-Alpes et nous opérons sur la région PACA. En l’espace d’un an, nous avons augmenté nos volumes de 50 %. Nous livrons le particulier mais également les entreprises françaises en B2B sur du petit volume avec un suivi serré et exigeant.
J.-E. M. : Nous l’avons investi par le jeu de la croissance interne tout en se disant que l’on pouvait jouer sur les deux tableaux. Nous utilisons des petits véhicules, que nous essayons d’acquérir le plus « vert » possible, électriques autant que faire se peut. Nous appréhendons ce marché avec nos moyens propres et avec des sous-traitants (une centaine de véhicules en service).
J.-E. M. : Ce marché est très fragmenté, il se cherche. Nous estimons que nous ne possédons pas suffisamment d’analyses et de données pour avoir une idée précise de la nature de notre engagement. Je pense que le principe de l’ubérisation n’est pas adapté. On va continuer à investir. Pour l’heure, nous tâtonnons sur un grand Rhône-Alpes en B2C et en national pour le B2B.
J.-E. M. : Elle se porte très bien et continue de se développer. Nous avons mis en place notre système d’analyse prédictive y compris dans cette activité. Nous sommes donc à présent en mesure de positionner en semaine N–1 les volumes de la semaine suivante, à moins d’1 % de marge d’erreur. On parle, là, de notre logiciel Freight Optimizer, un système exclusif pour l’affrètement, qui identifie la meilleure option pour chaque chargement (camion et route) ainsi que le suivi longue distance. Le logiciel a recours à des algorithmes avancés dans le but de sélectionner le véhicule le mieux adapté à chaque chargement. Dès que ce chargement entame son parcours au sein du réseau XPO, il intègre des données sur la capacité du marché, la tarification, l’acheminement et d’autres aspects qui, pris dans leur ensemble, améliorent l’efficacité des équipes de XPO pour chaque chargement.
J.-E. M. : Personne n’est en mesure de savoir quelle réalité cela revêtira : aurons-nous un Brexit dur ou soft ? En ce qui nous concerne, nous nous sommes placés sur le scénario du pire car nos clients se posent des questions. Il nous faut donc imaginer la remise en service des frontières, des contrôles produits à l’import et à l’export, les contrôles de camions vétérinaires… Depuis des décennies, il n’y a plus de contraintes d’aucune sorte. Nous avons toutefois conservé nos infrastructures et nos moyens et sommes en mesure de penser que nous n’aurons pas de problématique de moyens humains (déclarants en douane), matériels et techniques ; ni de systèmes d’information. Nous savons donc gérer nos flux. La problématique va davantage venir des infrastructures portuaires. Avec nos clients, nous avons échafaudé des plans A, B, C… Nous sommes prêts sans réellement savoir vers quoi nous nous dirigeons. À l’heure actuelle, personne ne sait… Lors de la récente grève du zèle des douaniers à la frontière avec l’Angleterre, on a enregistré 23 kilomètres de file d’attente de camions. Le scénario du pire, c’est celui-là.
J.-E. M. : Aujourd’hui, je pense qu’il n’y a pas un industriel, pas un transporteur capable d’affirmer qu’il est prêt à 100 %. Le temps de réglage va être sensible pour le transporteur. Pour autant, je pense que le client qui veut exporter vers l’Angleterre ne sera pas sans ignorer la situation. Il devra la prendre en compte dans sa politique tarifaire, car le transporteur ne peut pas être la variable d’ajustement de surcoût. Il en sera de la responsabilité morale de tous les acteurs. Tous les industriels avec lesquels j’ai pu échanger m’ont déclaré qu’ils ont intégré dans leur réflexion le Brexit, dur ou soft.
J.-E. M. : Nous continuons d’investir dans des véhicules électriques pour la distribution dans les centres-villes et dans le gaz (GNC, GNL, GNV). En messagerie, nos navettes de nuit roulent de plus en plus au gaz (55 véhicules au GNL). Il nous faut continuer à rester en veille par rapport à la réglementation. Quel sera le carburant de demain ? Je ne suis pas un spécialiste en haruspiscine*.
• CA 2018 : 1,8 Md€
• Effectif : 13 000 salariés
• Parc : 3 700 véhicules
• Entreposage : 2,8 millions de m2
*Haruspiscine : art divinatoire consistant à lire dans les entrailles d’animaux.