« Pas question de remettre en cause la ristourne gazole »

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Les annonces gouvernementales du début de l’été continuent d’agiter le Landerneau du TRM. Le train de mesures annoncées* constitue une menace sérieuse pour la compétitivité des entreprises, estiment les fédérations professionnelles. Les pouvoirs publics semblent vouloir camper sur leur position. Les semaines à venir vont donner le « la » des négociations. Le point avec Aline Mesples, présidente de l’OTRE.
L’Officiel des transporteurs : Comment votre fédération accueille-t-elle le train de mesures en direction du TRM que le gouvernement a annoncé au début de l’été ? En clair, comment l’OTRE aborde-t-elle cette rentrée ?

Aline Mesples : Je tiens au préalable à rappeler que si nous voulons accompagner nos entreprises dans leur développement, il nous faut prendre à bras-le-corps trois sujets : le recrutement, la transition énergétique et notre avenir dans l’Europe. Or, nous nous rendons compte, en cette rentrée, nous organisations patronales et entreprises, que nous allons devoir adopter une position défensive pour tenter de préserver, de notre mieux possible, la compétitivité des entreprises françaises. Et, si cette compétitivité n’est pas au rendez-vous, on ne parle plus dès lors de recrutement, on ne peut plus se projeter sur la transition énergétique et on cède encore du terrain au niveau européen. J’avoue donc ma colère qu’on en soit réduit à cette situation après ces deux ans avec le ministère des Transports.

Pouvez-vous développer ?

A. M. : Nous avons abordé beaucoup de sujets, pendant cette période, avec le ministère. On a fait de la pédagogie et on pensait que les sujets avaient été compris. Or, on se rend compte que des décisions sont prises sur de simples bases fiscales et budgétaires, et qu’on ne parle même plus de transition énergétique. On ne discerne que la pénalisation d’un secteur. On va faire face mais la rentrée ne s’annonce pas sous les meilleurs auspices. Notre action va viser à défendre nos entreprises pour qu’un certain nombre d’entre elles ne disparaissent pas.

Votre fédération a déclaré que le gouvernement n’a aucune raison objective en matière de développement durable pour imposer au secteur cet arsenal de mesures fiscales et, qu’en fait, derrière ces mesures se cache une volonté de réduire des déficits. En l’espèce, le gouvernement semble bien avoir identifié sa vache à lait, non ?

A. M. : Nous sommes exactement dans ce cas de figure. Cela est d’autant plus contrariant que nous pensions avoir établi un certain nombre de constats communs avec le gouvernement sur un éventail de sujets. Or, on découvre que ces constats volent en éclats pour des raisons que je qualifierais de politique.

C’est-à-dire ?

A. M. : J’y vois un lien avec l’échec, en juin dernier, du vote définitif de la LOM (loi d’orientation des mobilités, Ndlr) sur un point, celui du financement des infrastructures. Non pas que l’argent manque. C’est surtout que la volonté d’engager l’argent où cela est nécessaire fait défaut, quitte à fâcher certaines collectivités. Et puis, il faut souligner que la Ticpe arrose tout le monde sauf… les infrastructures. On pense notamment aux quatre centimes que la profession s’est vue imputer au moment de l’annulation de l’écotaxe en 2015. C’est le problème du fléchage des 39 milliards versés par les usagers de la route. Là, on nous annonce un rabotage de deux centimes, demain on en ajoutera quatre de plus.

On voit bien que l’objectif véritable des pouvoirs publics consiste à faire croire à l’opinion publique que le TRM profite d’une niche fiscale et à la faire tomber. Or, nous ne sommes pas dans un schéma de niche fiscale mais sur un gazole professionnel qui nous permet juste de nous maintenir dans la moyenne supérieure des taxes perçues sur le carburant en Europe. Nous sommes stupéfaits d’observer qu’un secteur comme le TRM, qui est pourvoyeur d’emplois, ne soit pas davantage pris en considération.

L’UNTF (Union nationale du transport frigorifique) discute actuellement avec les pouvoirs publics sur l’établissement d’un mécanisme de répercussion pour le gazole non professionnel, sous le coup lui aussi d’une menace de suppression. Qu’en pensez-vous ?

A. M. : La leçon que l’on peut en tirer, c’est que les pouvoirs publics se montrent disponibles pour négocier avec un secteur (le « frigo ») et de grosses entreprises mais pas avec la branche professionnelle dans son ensemble. Les transporteurs sont rompus au mécanisme de répercussion. On n’ignore pas que ce n’est pas la panacée… On sait par ailleurs que, depuis les annonces de Mme Borne début juillet, beaucoup de renégociations de prix sont en cours et que des appels d’offres ont été avancés par rapport aux délais habituels car l’objectif est de faire baisser les prix de transport en prévision d’un coût de répercussion supplémentaire sur le carburant qui va tomber en janvier 2020.

La coupe est pleine ?

A. M. : On sait bien que le gouvernement mise sur la division, sur le fait que ses mesures ne touchent pas la globalité du secteur. Par exemple, toutes les entreprises ne sont pas concernées par la DFS, par la fiscalisation des entrepôts, par les contrats courts (surtout en vigueur dans le déménagement)… Il est vrai que notre sujet principal, ce sont les deux centimes sur le carburant, d’autant plus que Mme Borne n’hésite plus à affirmer ouvertement que la ristourne de Ticpe entre dans le cadre des niches fiscales, ce qu’elle n’avait jamais déclaré jusque-là. La ministre n’hésite pas non plus à nous qualifier de pollueurs et à affirmer que c’est le TRM qui doit mettre la main à la poche.

Les fédérations professionnelles ont demandé une entrevue au Premier ministre. Sur un plan général, quelles sont vos attentes pour les semaines à venir ?

A. M. : Pour nous, la rencontre avec Édouard Philippe constitue un préalable. En juillet, on a bien vu, au cours de nos discussions avec les représentants du Travail, des Transports et de Bercy, qu’il n’y avait pas un discours uniforme entre eux. Aujourd’hui, nous réclamons des arbitrages afin d’avoir de la visibilité pour débattre et argumenter.

Si l’on considère les mesures une par une, quelle sera la position défendue par l’OTRE si Mme Borne et (ou) M. Philippe accèdent à votre demande d’une entrevue ?

A. M. : Nous dirons : « Pas question de remettre en cause notre ristourne gazole. » Sur la fiscalité des entrepôts, nous poserons la question de la défense d’un outil français. Les pouvoirs publics devront démontrer leur attachement à la défense de ce secteur et leur volonté de l’accompagner (ainsi que le transport). Pour le GNR, je pense que nous devons travailler avec les secteurs concernés et poser la question du bien-fondé de la répercussion. Pour la DFS et les contrats courts, il faut y regarder de près. Face à nos difficultés de recrutement, nous dépendons de l’intérim. Cela fait deux ans que nous avons interpellé les pouvoirs publics sur nos difficultés de recrutement en lien avec des points réglementaires et administratifs (permis de conduire, multiplication des retraits de points et des radars…) et nous n’avons rien obtenu.

Votre organisation évoque « une colère qui grandit ». Les fédérations professionnelles (OTRE, FNTR, TLF, Unostra, CSD, Ndlr) sont-elles amenées à se rapprocher pour constituer une sorte de front commun dans les jours à venir ?

A. M. : Notre philosophie consiste à travailler ensemble et à parler d’une même voix. Notre objectif ? Obtenir ce que l’on veut pour notre profession, pas ce que l’on souhaite. Si nous n’obtenons pas ce que nous voulons, nous passerons à une troisième étape : nous discuterons ensemble sur un ou des modes d’action. Les échanges ont déjà lieu entre nous.

Est-ce que vous demandez, tous, le retrait des annonces gouvernementales ?

A. M. : En effet, il y aura solidarité sur les demandes de retrait des annonces gouvernementales.

Comment avez-vous accueilli la nomination, le 3 septembre, d’un secrétaire d’État aux Transports, Jean-Baptiste Djebbari ?

A. M. : Je sais bien que tout ministre ou secrétaire d’État n’a pas forcément besoin de connaître le sujet qu’il embrasse mais il est clair qu’il ne maîtrise pas du tout le secteur du routier. Il vient de l’aérien et a travaillé sur les dossiers SNCF au début de son mandat de député. Bref, il est très éloigné de notre monde, ce qui me rend d’autant plus inquiète qu’arrivent, sur la table, les négociations autour du paquet Mobilité. Et puis, notre secteur doit à présent, au travers de cette nomination, composer avec un secrétaire d’État. Il est indéniable qu’il y a un déclassement et on ne peut que le déplorer.

*Rabotage de la ristourne gazole de deux centimes, suppression de la DFS (déduction forfaitaire spécifique), réduction des allègements Fillon, fiscalisation des entrepôts, instauration de malus sur les contrats courts, suppression du GNR.

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