JÉRÔME PLÂ : Tous les domaines. Mon père a toujours été attentif aux nouveaux outils. Notre appartenance au groupement Astre [que Jean-Claude Plâ a présidé de 2008 à 2014, Ndlr] nous a certainement engagés tôt sur certains sujets, notamment pour l’exploitation ou la route. Nous utilisons le logiciel d’exploitation D’Artagnan, de GPI, des ordinateurs de bord et apps Transics, et des smartphones. Nous avons dématérialisé la facturation à 80 %, sauf pour certains clients qui préfèrent conserver le papier. En fait, les choses évoluent plus vite, quand on change d’interlocuteur… Et ce n’est pas qu’une question d’âge ! Il faut réussir à faire entendre l’intérêt de gagner en temps et en fluidité, en traçabilité, avec une remontée d’informations proche du temps réel. Quand je suis arrivé, il y a sept ans, j’ai aussi accéléré l’adoption d’outils pour la logistique, qui s’appuie maintenant sur WMS Speed, de BK System. En comptabilité, nous avons un logiciel de paie en full Web. L’entreprise compte un service informatique…
J. P. : L’e-CMR (lettre de voiture électronique) va apporter un grand changement. Elle va notamment supprimer des documents papiers, de l’archivage, des envois de courrier et de la saisie. Elle va faire évoluer l’organisation des exploitations, où il y a parfois un professionnel dédié à la saisie. Chez nous, en logistique ou à l’exploitation, nous privilégions la polyvalence des tâches. Or, les outils digitaux renforcent cette polyvalence. Avec l’e-CMR, on pourra passer d’un poste à l’autre, d’un dossier à un autre sans perdre ses repères. L’exploitant pourra se concentrer sur son expertise, sur l’organisation pertinente des tournées, par exemple, au lieu de perdre du temps à saisir des données. Les solutions doivent cependant s’adapter à chaque entreprise. Par exemple, les outils d’optimisation de tournées sont plus pertinents en messagerie que pour nous, dans le transport général. Et s’ils aident à la décision, nos exploitants doivent conserver la maîtrise de leur métier : ils restent bien la valeur ajoutée de nos sociétés. C’est pourquoi nous recherchons des professionnels de plus en plus formés, avec au minimum bac+ 2, voire + 3, + 4 ou + 5.
J. P. : L’ensemble du secteur se modernise, améliore ses outils de gestion de l’exploitation, des flottes, ou d’informatique embarquée… Mais il faut aller plus loin en s’engageant dans des plateformes sur Internet. Via la société e-Tradelog, par exemple, nous nous sommes lancés dans l’e-commerce. C’est un investissement, il faut plus d’expertise informatique, mais cela optimise notre connaissance du secteur, et nous permet aussi de conserver un peu de marge, au lieu de subir. Il faut que cela vienne de la profession, dans un esprit gagnant-gagnant, comme pour les bourses de transport. Aujourd’hui, B2P est détenue par les transporteurs. Demain, pourquoi ne pas l’ouvrir aux chargeurs ? Il faut convaincre les transporteurs que leur intérêt se trouve dans la solidarité, qu’ils travaillent majoritairement en parc propre ou plus en sous-traitance. À l’échelle de la profession, il ne faut pas être en retard sur ces sujets-là. Car si 100 % du business ne se fait pas comme ça, nous courons le risque de nous faire voler des marchés ou devenir de simples sous traitants…
J. P. : De moins en moins de dirigeants ont eu un parcours classique. Ils n’ont pas forcément passé le permis poids lourds, mais ont souvent suivi des formations différentes, hors transports, avec des expertises en comptabilité, en informatique ou, comme nous, en ingénierie. Cela nous offre une vision plus globale et, bien sûr, compte tenu de notre âge [Jérôme a 29 ans et son frère Cyril 26, Ndlr] et de ces formations, plus confiance dans les nouveaux outils de communication et de gestion. Moins de crainte. Nous recrutons par exemple souvent via les réseaux sociaux, même sur Leboncoin, pour les conducteurs. Par ailleurs, les entreprises gèrent plus d’outils informatiques et les maîtrisent mieux, avec souvent des informaticiens en interne. Cela éclaire les décisions, permet de s’inscrire davantage dans l’anticipation. Cela dit, il faut conserver la confiance dans la matière grise. C’est elle qui fait la différence.