CLAUDE BLOT : Je crois qu’Yves a été un président dynamique et performant. Lorsqu’il est arrivé à la barre de TLF, il existait de nombreux problèmes, de toute nature notamment financière. Les comptes ont été redressés et TLF se porte bien à présent. Yves est parvenu au terme d’une période personnelle qui impliquait beaucoup de sacrifices au plan personnel et familial. Et il éprouvait parfois avec peine le manque de reconnaissance que peut avoir la profession pour ces sacrifices. Il a considéré qu’il était arrivé au bout des efforts qu’il souhaitait consentir pour la profession. Sa réussite a été, selon moi, remarquable. Personnellement, j’ai perdu un président et, surtout, un ami. Nous sommes en fait juste éloignés…
C. B. : Oui, il a conservé la présidence du CNR (Comité national routier, Ndlr) et celle du Fongecfa. De fait, il reste, bien évidemment, dans la famille. Yves demeure également l’un des représentants du GITL (Groupement interprofessionnel du transport et de la logistique, Ndlr) au Medef. Avant son départ, Yves et moi avions, de toutes les façons, décidé de quitter TLF à la fin de l’année. On travaillait à trouver nos successeurs, ce qui n’est pas une tâche facile. Ce sont des métiers d’engagement. Je travaille, avec le concours du comité de direction, à la recherche d’une équipe de remplacement, avec un délégué général et l’arrivée d’un président qui soit un grand nom, un chef d’entreprise emblématique, idéalement qui disposerait d’implantations parisiennes. Avec Yves, nous avons établi de bonnes relations avec la ministre des Transports et son cabinet. C’est quelque chose qu’il convient de pérenniser.
C. B. : Notre souhait, c’est que – s’il y a un nouveau prélèvement – il soit pris en charge par les chargeurs et non pas par les transporteurs. Lesquels ont déjà suffisamment de charges à assumer. Nous travaillons dans des conditions déjà difficiles. Il suffit, pour cela, de voir comment évolue la part de marché détenue sur le territoire national par les transporteurs français. Cette part connaît un déclin régulier. Pa conséquent, nous nous battrons avec nos griffes pour éviter que les entreprises de transport soient pénalisées.
C. B. : Il existe différents types de dispositifs possibles, celui-là en est un. Pour autant, l’idéal serait qu’il n’y ait pas de charges à répercuter.
C. B. : Une contribution sur le carburant serait plus aisée à répercuter sur le client chargeur. Ce que nous voulons, c’est que soient reconnus tous les efforts déployés par la profession pour rouler mieux et moins polluant. On parle aussi beaucoup de report modal vers le train. Il me plaît de dire assez souvent dans toutes les réunions, ministérielles et autres, que chez TLF nous sommes transporteurs, pas simplement routiers. Si la meilleure façon de transporter du fret, c’est d’utiliser l’hélicoptère, le sous-marin ou le ballon dirigeable, alors nous préconiserons l’utilisation de ces moyens. Si, aujourd’hui, la demande des chargeurs va vers le camion, c’est pour des raisons bien évidentes : la souplesse, le prix, la sécurité. À propos de fret ferroviaire, j’ai eu l’occasion de dire en réunion avec madame Borne que fixer un objectif à 10 % était déjà courageux, pas facile à atteindre. Yves Fargues, qui a été un acteur aiguisé du ferroviaire au cours de ses expériences passées (il a été président de GEFCO, Ndlr), a eu l’occasion de souligner en réunion ministérielle qu’un train se compose de 40 wagons et que, pour le charger – avec des personnels dévoués et disponibles – il faut au minimum 3 heures. Or, le transport ferroviaire ne fonctionne que la nuit.
Dans ce contexte, combien de trains pouvez-vous envoyer sur une ligne entre un point A et un point B ? A mon avis 3, au maximum 4… C’est une évidence arithmétique qu’on ne veut pas regarder en face.
C. B. : Tout d’abord, ne perdons pas de vue qu’on ne peut pas faire n’importe quoi au regard de la Commission européenne, notamment subventionner à l’infini des activités qui perdent de l’argent. Y aura-t-il privatisation ? Je l’ignore. En tout cas, concernant Fret SNCF, je ne suis pas certain que l’on puisse parler de service public. Il est prévu d’ouvrir la voie à sa privatisation. Cela devra s’effectuer dans des conditions raisonnées, en évitant que seules les lignes les plus rentables aillent à la concurrence et que l’entité française conserve les canards boiteux. L’État pourra conserver une part importante. Ce scenario s’inscrirait dans un cadre moderne, loin des idéologies du passé.
C. B. : Tout d’abord, je voudrais dire que je ne connais pas un seul secteur économique qui ne soit pas confronté au même problème. Je n’ai pas participé à l’élaboration de Tremplin. Les résultats ne sont pas évidents car il s’agit d’un sujet extrêmement compliqué. Quand on sait que la SNCF peine elle-même à recruter des mécaniciens conducteurs de locomotive alors qu’existe encore le statut avantageux de cheminot, il n’est pas surprenant que le TRM soit confronté à ce problème de recrutement.
C. B. : C’est un sujet qui m’est cher. Nous avons été deux à prêcher pour ce rapprochement, René Petit côté FNTR, et moi pour TLF. Les choses se déroulent de la meilleure des manières, nous sommes en relation permanente. Pour autant, nous ne possédons pas les mêmes cœurs de métier. La FNTR est, même si elle déborde sur certains sujets, essentiellement focalisée sur le transport routier. Nous, TLF, sommes très attachés au transport routier par l’intermédiaire des grands groupes. Mais, TLF possède une activité overseas et douanes très importante. Nos structures sont très différentes : la FNTR est une organisation ancienne qui s’appuie sur des implantations régionales et départementales, alors que TLF possède une structure pyramidale avec des implantations légères sur le terrain et beaucoup de centres de décision à Paris. Par ailleurs, les procédures (de décision) sont différentes de l’une à l’autre des fédérations, leurs temps ne sont pas les mêmes.
C. B. : J’ai un regard assez particulier sur le sujet, qui pourrait faire bondir certains de mes amis… Il est vrai que le transport léger est très attaqué par, non pas des entrepreneurs, mais des services divers et variés élaborés par des gens un peu ignorants des règlementations. Mais, j’ai une approche qui est de dire : « si vous voulez être protégés, il vous faut accepter d’être réglementés ». Jusqu’où ? Il faut en discuter. En tout cas, la question est : faut-il équiper les VUL de chronotachygraphe ?
C. B. : Personnellement j’y suis favorable depuis longtemps. Cela fait un peu hurler car cela a un coût et constitue une contrainte… Mais existe-il d’autres moyens de contrôler cette activité ? Je n’en connais pas. Pour autant, notre discours n’est pas simple à élaborer car il est bien connu que certains de nos groupes expressistes ont recours à des sociétés françaises ou étrangères de VUL. Il règne un vrai désordre. Il suffit de se rendre les soirs du vendredi ou du samedi sur les parkings des grandes surfaces pour voir des dizaines de véhicules en attente de chargement dans des conditions que la morale réprouve. Il convient de ne pas progresser trop vite, au risque de nuire à nos propres entreprises expressistes ou autres, mais il est nécessaire dans le même temps de mettre de l’ordre.
C. B. : Nous avons été parmi les premiers, peut-être les seuls, à dire au début que leur évolution étaient une évidence et que l’on n’arriverait pas à endiguer leur développement. Nous avons d’emblée dit à ces nouveaux acteurs qu’il existait des règlementations et que, dans la mesure où ils les respectaient, nous étions prêts à les accepter parmi nous. A ce titre, le président de Chronotruck (Rodolphe Allard, le premier à avoir mis en service une plateforme numérique d’intermédiation en France, en 2015, Ndlr) est membre du comité de direction de TLF. C’était osé, il nous a fallu de longues discussions avec nos administrateurs. Nous sommes arrivés à la conclusion que l’on n’arrête pas la mer avec une motte de terre. Nous avons donc demandé à Chronotruck et aux autres de se conformer à la règlementation.
C. B. : Oui, d’être commissionnaire de transport. D’aucuns critiquent la façon dont ils exercent cette fonction mais, soyons sérieux, les choses vont évoluer dans le bon sens et les combats contre les plateformes d’intermédiation sont des combats du passé. D’ailleurs, beaucoup de ceux qui combattaient ce mode d’action commerciale s’en rapprochent beaucoup. Qui utilise Chronotruck ou Everoad (ex-Convargo, Ndlr) ? Ce ne sont pas des entreprises sud-américaines ! À propos de commission de transport, nous avons demandé à ce que soit intégré dans la LOM (Loi d’orientation sur les mobilités, Ndlr) que sa rémunération soit établie au forfait. C’est un point important en messagerie.
C. B. : Vous savez que TLF a eu des relations quelques fois difficiles avec l’Autorité de la Concurrence (soupçons d’entente sur les prix dans la messagerie, Ndlr) donc je ne m’étendrai pas plus sur le sujet. Je crois que ce qui est reproché à certains, c’est d’avoir prononcé des appels au boycott, ce qui constitue effectivement une faute grave si elle a été commise.
C. B. : Ce programme s’appuie sur un financement important, celui de Total, pour un montant de 15 M€ (pour 3 ans) dans le cadre des procédures certificats économies d’énergie. L’Ademe en est l’acteur principal. Elle souhaiterait hériter d’une bonne part de l’enveloppe des 15 M€. Ce qui pose quelques problèmes. L’ancien dispositif a mis au travail 13 chargés de mission, coordonné par l’AFT. Pour des raisons qu’il ne m’appartient pas de juger, Total et l’Ademe n’ont plus souhaité continuer avec l’AFT. Les organisations professionnelles (TLF, FNTR, FNTV et OTRE) ont proposé de prendre ce chantier. La DGITM nous a répondu que la condition était qu’il fallait travailler au-delà du cercle de nos adhérents ainsi qu’avec le parc propre. Ce qui nous conduirait à travailler avec d’autres syndicats professionnels comme la CGI. L’Ademe s’est lancée dans le recrutement d’un maître d’œuvre délégué, ce qui n’était pas prévu et possède un coût. A l’arrivée, les charges qui pèseraient sur les organisations professionnelles sont lourdes et les bénéfices à en attendre sont moindres.
C. B. : Cela coûtera beaucoup d’argent et engendrera beaucoup de travail. Nous avons donc adressé une contre-proposition avec des objectifs pour les OP en matière de sensibilisation.
C. B. : Les mêmes qu’avec la charte CO2 ou le Label CO2. C’est juste que notre effort principal consistera, avant tout, à sensibiliser les entreprises, sachant qu’une entreprise sensibilisée peut ou doit s’engager dans une démarche de charte puis de labellisation. Les organisations professionnelles seront-elles des acteurs premiers de la démarche EVE ? Ce n’est pas encore établi. Nous devons nous mettre d’accord. Le programme est censé démarrer fin juin.