VINCENT GIRMA : Depuis une bonne année, nous assistons effectivement à une vraie reprise. Une tendance de l’emploi dans l’intérim se retrouvant généralement 6 à 12 mois plus tard dans la conjoncture générale, cette croissance laisse présager une reprise globale et progressive de l’emploi. La courbe de l’intérim suit celle de la croissance, à l’inverse des CDD qui se multiplient pendant les périodes difficiles. Ainsi, entre 2008 et 2015, nous avons été affectés par la baisse de l’activité alors que le recours aux CDD grimpait dans les entreprises. L’intérim assure, d’un côté, une flexibilité pour les entreprises mais apparaît, d’un autre, comme un vecteur d’insertion pour les intérimaires. Sur la période janvier — fin juillet, le secteur du travail temporaire a progressé de 8 % au global et de 16 % concernant l’intérim transport logistique. Dans le même temps, RAS a enregistré une progression de 32 %.
V. G. : Elle consiste à nous positionner sur les critères de niche. Ainsi, le transport requiert des spécificités fortes que nous pouvons proposer aux clients grâce à notre expertise sur le secteur. Par ailleurs, dès la création de RAS, nous avons décidé de proposer un service 24 h/24 et 7 jours/7 car le transport ne s’arrête pas. À cette fin, 15 salariés de RAS travaillent la nuit et le week-end. Nous prévoyons d’en recruter 5 supplémentaires pour renforcer nos équipes. Nous travaillons de plus en plus avec les clients des transporteurs, notamment dans la grande distribution, comme Ikea pour la logistique (caissiers, mise en rayons…). De 23 agences en 2010 avec 85 collaborateurs et un chiffre d’affaires de 41 M€, nous sommes parvenus à près d’une centaine d’agences sur le territoire et 450 collaborateurs. Nous devrions atteindre un chiffre d’affaires de 230 M€ sur l’exercice 2017.
V. G. : La reprise d’activité se traduit effectivement par une pénurie de conducteurs mais aussi par le recours à des sous-traitants. Ce manque de conducteurs semble désormais être structurel et non simplement conjoncturel. Nous avons eu un avertissement dès septembre 2016. Alors qu’habituellement, l’activité se réduit à la rentrée, beaucoup de nos conducteurs ont été embauchés. Cette année, la pénurie a commencé dès février, au lieu d’avril-mai. Nous n’avons pas connu la baisse technique qui survient historiquement en juin, juste avant la forte hausse de la saison estivale. Cet été, nous avons missionné 4 500 conducteurs pour 2 600 équivalents temps plein.
V. G. : Des régions comme l’Île-de-France ont été très touchées cet été, mais cette tendance s’avère aussi structurelle. Nous avons ainsi toujours rencontré plus de difficulté à recruter en Île-de-France que dans d’autres régions. Mais nous parvenons généralement à pallier les besoins par un système de partage interagences. Une agence RAS peut ainsi s’appuyer sur les autres pour pouvoir fournir un conducteur à un client. La marge est alors partagée. Ainsi, dans les régions où nous avons plusieurs agences, comme en Rhône-Alpes, la pénurie de conducteur sera amoindrie même s’il manquera toujours des conducteurs en juillet et août. Nous notons aussi plus de difficulté à trouver des conducteurs selon les spécialités. Ainsi, la messagerie, qui reste un métier stressant, physique, peu rémunérateur, est moins prisée.
V. G. : Les missions peuvent être courtes, d’une journée par exemple. En revanche, bien orientées, elles peuvent se multiplier et surtout durer. Pour cela, nous devons placer le bon intérimaire pour la bonne mission. Mais, dans les métiers de services, les missions sont toujours courtes au début. Puis, petit à petit, la personne fait ses preuves et les missions confiées deviennent alors plus longues et plus intéressantes.
V. G. : Les conducteurs viennent parfois directement se présenter chez nous puisque nous sommes identifiés comme spécialistes du transport. En outre, les métiers que nous proposons en intérim ne sont pas cloisonnés. Les conducteurs représentent 1/3 de notre activité, un autre tiers est consacré à la logistique et le dernier regroupe diverses spécialités, comme l’hôtellerie-restauration et le BTP. Des personnes issues d’autres métiers chez nous, des manutentionnaires par exemple, peuvent aussi s’intéresser à la conduite. Si une personne veut exercer ce métier et qu’elle en a l’aptitude, nous lui donnons les moyens d’entrer dans la profession. Il doit toutefois au préalable répondre à certains critères d’exigence. Nous procédons ainsi à un entretien de recrutement de 1 h 15 et à un test de conduite. Nous avons par ailleurs un partenariat avec Pôle Emploi qui fonctionne bien. Nous organisons parfois des job dating. Mais sur 300 demandeurs d’emploi, 30 répondent, 10 se rendent sur place et un ou deux seulement prendront un emploi. Je fais partie de ceux qui pensent que l’on devrait donner un peu moins à ceux qui ne travaillent pas pour donner un peu plus à ceux qui travaillent. La pénurie actuelle est difficile à admettre avec le niveau de chômage en France.
V. G. : La formation est un élément-clé du succès de demain dans lequel je suis très investi en tant que président de l’Agefos Auvergne-Rhône-Alpes. C’est un investissement sectoriel qui prend du temps. Nous formons pour notre compte, avec tous les financements que nous pouvons obtenir. Cette année, nous avons fait passer les permis a plus de 300 candidats et nous comptons en former 1 000 l’an prochain. Nous avons mené des opérations spécifiques avec certains clients. Par exemple, nous avons participé à un projet de formation de 300 conducteurs pour les Transports Perrenot. Une centaine d’entre eux a été formée par RAS. Nous avons une équipe de deux personnes uniquement orientées sur la recherche d’outils et la mise en place des formations de conducteurs pour le réseau. L’année prochaine, nous devrions dépenser 10 M€ en formation.
V. G. : La valorisation passe notamment par la possibilité d’être embauché en CDI. Nos clients ont en effet retrouvé la démarche d’avant-crise : ils nous demandent de recruter pour eux. Tous secteurs confondus, nous avons réalisé 45 CDI cette année et nous visons 300 l’année prochaine. Nous notons une fidélité de nos intérimaires. Certains reviennent à RAS après avoir quitté un CDI. Nous valorisons aussi nos conducteurs en les invitant à des événements qui leur sont destinés et qui les fascinent, comme les 24 h du Mans Camions.
V. G. : Oui, notamment parce qu’il a débloqué le financement de la part des pouvoirs publics afin que tout le monde puisse former dans plusieurs domaines, notamment les sociétés de travail temporaire.
Ainsi, au niveau local, les Pôle Emploi nous ont aidés à financer des formations en conduite mais aussi en logistique. Cela nous a permis de passer un cap : on a multiplié par 4, voire 5, le niveau de formation entre 2015 et 2016 chez RAS. Et nous allons remultiplier par 2,5 voire 3 entre 2017 et 2018. De 900 000 € en 2015, nous formons pour 4,2 M€ cette année, l’année prochaine ce sera 10 M€. Il y a un vrai engagement de Pôle Emploi avec les acteurs qui forment sérieusement et remettent en emploi car 40 % de nos candidats sont embauchés par nos clients à terme. Nous sommes ainsi un vecteur de formation et d’insertion fort. Pour cela, le partenariat avec Pôle Emploi est très important.