MARC MEUNIER : Pour nous, même s’il y a toujours des améliorations à apporter dans la gestion d’un événement d’une telle ampleur, la mobilisation des services de l’État sous l’autorité du préfet de police, préfet de zone, a été au rendez-vous et tout a été mis en œuvre pour pénaliser le moins possible la circulation des poids lourds.
M. M. : Je suis compétent pour l’Île-de-France et nous avons assuré une bonne coordination pour qu’il y ait une cohérence entre les différentes décisions prises. Nous avions 5 entretiens par jour avec mes homologues des régions du Nord, de l’Est et de l’Ouest mais aussi avec les forces de police et les directions régionales des routes pour définir les plages de circulation et de stockage des camions. On a décidé de laisser les axes ouverts le plus possible et dès que nous prenions des décisions, nous prévenions par courriel les principales fédérations, de transporteurs, avant même la parution de l’arrêté correspondant. Mais certains transporteurs attendent d’avoir reçu l’arrêté avant d’agir. Or il faut compter au moins entre une heure et deux heures pour qu’il soit publié. De même, nous avons adapté en temps réel les horaires de stockage et de déstockage des poids lourds en fonction des évolutions météorologiques pour leur permettre de circuler le plus longtemps possible. Ces jours-ci, je suis en train de les recevoir les différentes fédérations pour débriefer avec elles.
M. M. : On décide sur la base des informations fournies par Météo France, la DIRIF (Direction des routes d’Île-de-France, Ndlr) et les informations remontées par les forces de police. Cependant, pour Météo France, les précipitations neigeuses sont les plus difficiles à prévoir – la situation pouvant évoluer au fil de la journée – et il faut le temps de vérifier leur traduction sur la circulation.
On prévoit toujours un délai de 2 à 3 h avant la mise en place d’une zone de stockage pour que les véhicules aient le temps de traverser l’Île-de-France. Par exemple, si une zone de stockage est prévue dès 17 h, à 20 h, il ne faut plus qu’il y ait de camions en circulation. Le 6 février, on a arrêté un plan d’action au niveau maximum dès 11 h, avec prévision de zones de stockage dès 14 h pour les poids lourds voulant entrer en région parisienne et dès 16 h pour ceux qui devaient en sortir, de manière à « vider » la région et en accord avec les territoires voisins.
M. M. : Les fédérations de transporteurs ont bien joué le jeu et ont été de bons relais de l’information. Cependant, certains conducteurs ont enfreint les interdictions, contourné le dispositif mis en place, ce qui a conduit à des situations critiques. Ainsi, sur l’A 4, on a eu un bouchon de 10 km, dans le sens Paris-Province, à une heure du matin, à cause d’un ensemble articulé qui s’est mis en travers de la route, alors que dans l’autre sens, les camions étaient « stockés ». On est quand-même tributaire du comportement des usagers de la route. Certains camions empruntent des départementales pour rejoindre l’autoroute après la zone de stockage…
M. M. : Nous avons fait de notre mieux pour gêner le moins possible la profession. À l’avenir, on sera peut-être plus contraignants avec des restrictions pour tous les usagers. Le système mis en place, à mon avis, a été relativement satisfaisant. Je trouve qu’en Île-de-France, qui a été la région la plus impactée, la coordination entre départements a été bonne. Mais je remarque aussi que si nos concitoyens souhaitent circuler le plus longtemps et le plus librement possible lors d’un épisode de neige, ils supportent mal le risque d’être bloqués.
M. M. : Nous avons mis en place des équipes qui remontaient les files de camions pour voir si les conducteurs n’avaient besoin de rien. Nous avions, en tout, 600 hommes mobilisés pour toutes les opérations, de la mise en place des zones de stockage, aux contrôles de la circulation sur les routes et à l’assistance aux conducteurs à laquelle ont aussi contribué des associations de sécurité civile. Mais, outre la difficulté d’accès aux axes, il a également fallu se rendre auprès des occupants des voitures particulières bloquées.
M. M. : Il nous faudrait plus de capteurs pour recevoir plus d’information du terrain. En plus des caméras et des patrouilles des forces de l’ordre, on pourrait bénéficier des capteurs numériques installés sur les véhicules eux-mêmes, s’appuyer sur des outils plus modernes de remontée d’information comme les réseaux sociaux. On pourrait aussi essayer de gagner du temps dans la rédaction et la diffusion des arrêtés de circulation. Il faudra enfin réfléchir à l’avenir sur l’instauration éventuelle d’un régime différent pour la circulation entre véhicules porteurs et les véhicules articulés.
Mais, quelles que soient les améliorations apportées, il faudra également que tous les conducteurs jouent le jeu et respectent les interdictions de circuler lorsqu’elles sont prises.