Christine Revault d’Allon-nes-Bonnefoy : Avant le vote de la commission des transports en juin, il y avait eu celui de la commission emploi. Celle-ci défend une position opposée, puisqu’elle propose de rattacher les conducteurs routiers aux règles du détachement des travailleurs, notamment en instaurant l’idée que les règles du détachement doivent s’appliquer dès le premier jour d’un transport international. Pour sa part, la commission des transports a considéré qu’il fallait exclure totalement le transport international du champ de la directive détachement. En plénière, les députés ont rejeté les propositions de la commission des transports, car on voyait se profiler une position éloignée de celle des pays occidentaux.
C.R. D’A-B. : Cela a conduit les deux commissions à tenter de trouver un compromis pour faire avancer les choses. Et là, je dois dire que l’on n’avance pas très vite, car la commission des transports considère que c’est sa position qui doit prévaloir – ce n’est pas le cas de Karima Delli, présidente de ladite commission, qui partage beaucoup de nos positions. De son côté, la Commission européenne a fait un gros travail de lobbying auprès des députés européens (approchés un par un) qui ont suivi les discussions autour du paquet Mobilité. Elle a tenté de leur vendre une position de compromis.
C.R. D’A-B. : La Commission européenne propose quatre options. La première consisterait à exclure le transport international du champ de la directive détachement en deçà d’un délai de 10 jours. En clair, pendant dix jours, le chauffeur peut faire ce qu’il veut, y compris du cabotage. Il est hors cadre. La deuxième option réduit ce délai à 5 jours. La troisième exclut le transport international en provenance ou à destination du pays d’établissement du transporteur. La quatrième option fait passer le délai de jours en heures, soit 50 ou 30 heures en dehors du cadre de protection des travailleurs détachés. Mon sentiment est qu’on ne peut pas tenir une négociation de marchands de tapis sur le dos des conducteurs routiers.
C.R. D’A-B. : La Commission européenne travaille davantage sur l’exclusion des 50 heures. Ce qui aurait pour intérêt de ne pas avoir à subir la contrainte des temps de conduite. Les syndicats regrettent que la Commission européenne ne s’engage pas vraiment, notamment en ce qui concerne le temps de repos des chauffeurs. À nos yeux, le temps de repos en cabine n’est pas un temps de repos réel et on n’a pas avancé sur ce sujet.
C.R. D’A-B. : En parking sécurisé, ce temps de repos peut avoir lieu mais ponctuellement. Une fois par semaine, mais cela ne peut constituer la règle pendant trois ou quatre semaines. Même si nous reconnaissons que ces parkings offrent un certain nombre de garanties pour la marchandise et de confort pour le conducteur en matière d’hygiène, ce qui est indispensable.
C.R. d’A.B. : Oui. La présidence autrichienne devrait en outre proposer des compromis aux pays de l’Alliance du routier (composée de 10 pays d’Europe de l’Ouest). Mais, sur le fond des choses, je ne vois pas comment on va atterrir sur le paquet Mobilité. Les différences de points de vue sont tellement grandes !
C.R. D’A-B. : Je pense qu’il faut interdire le repos hebdomadaire en cabine. D’autre part, on ne doit pas flexibiliser les temps de repos comme cela est proposé (il doit y avoir un repos normal de 45 heures toutes les deux semaines, c’est notre ligne rouge). Pour nous, il est également important que la règle du détachement s’applique aux opérations de transport dès le premier jour. Et sur la question du cabotage, nous sommes favorables à une période limitée à 48 heures maximum par État membre.
C.R. D’A-B. : Pour l’instant, la présidence autrichienne n’a pas fait de propositions pour que l’on puisse entamer les trilogues (négociations associant le Parlement européen, la Commission et la présidence du Conseil et permettant d’obtenir des compromis, Ndlr). En l’espèce, sur la question des péages routiers (liés à la distance parcourue et à la pollution du véhicule*), nous sommes prêts à aller en trilogue (j’ai le mandat du Parlement), la Commission l’est également mais pas le Conseil. Par conséquent, tant qu’on ne fait pas les trilogues, on ne va pas à la loi qui s’applique. Si jamais le Conseil n’entame pas les trilogues avant la fin de la mandature, je ferai passer le texte adopté en commission des transports à la plénière de fin octobre.
*50 euros en plus pour un Euro III ou IV sur un Paris-Strasbourg, par exemple, 10 euros pour un Euro VI. Pour les VL, la fourchette oscillerait entre 1 euro et 3-4 euros supplémentaires.