Déplacement tardif d’intérêt ou intéressé ? À deux jours d’un nouvel épisode de grève et à la veille du vote du projet de loi de la réforme ferroviaire à l’Assemblée nationale, le 16 avril, le Premier ministre, Édouard Philippe, accompagné du ministre de la Transition énergétique et solidaire, Nicolas Hulot et de la ministre des Transports, Élisabeth Borne, se sont rendus sur le terminal ferroviaire de Bonneuil-sur-Marne (94) « afin d’évoquer la question du fret fluvial et ferroviaire, essentiel tant au plan économique qu’environnemental ». Pour cette visite organisée à la hâte – et provoquée suite à différentes réunions de concertation –, le président de la SNCF, Guillaume Pepy, et Patrick Jeantet, DG de SNCF Réseau, étaient même venus en renfort. À cette occasion, l’exécutif a pu échanger avec l’emblématique Jean-Claude Brunier, PDG de l’opérateur T3M. Cette visite gouvernementale s’est avérée la meilleure tribune pour l’opérateur privé qui bataille depuis plusieurs années pour convaincre des bienfaits qu’apporte le combiné dans le transport de marchandises. « J’ai expliqué au Premier ministre l’avantage de l’alliance de la route et du rail, la nécessité d’obtenir des sillons fermes et de qualité, de stabiliser les tarifs des péages car l’inflation ferroviaire est insoutenable, de sortir davantage de trains longs de 850 m et de pérenniser l’aide au coup de pince », a confié Jean-Claude Brunier, heureux d’avoir trouvé une oreille attentive à son message, qui semble entendu.
Dans sa déclaration, Édouard Philippe a repris l’exemple du train de 850 m de long, équivalant à 60 camions, tout juste chargé d’un container qui rejette dans l’atmosphère 85 % de CO2 en moins. « Sur le plan sociétal, environnemental, humain et sur le plan de la sécurité des transports aussi, c’est un avantage absolument considérable », a souligné le Premier ministre. « La situation de notre pays en matière de transport de fret n’est pas bonne, a poursuivi Édouard Philippe. Compte tenu de la réforme ferroviaire en cours, j’ai demandé à la ministre des Transports, Élisabeth Borne, de réfléchir à l’avenir du secteur […], en mettant tous les éléments sur la table. C’est-à-dire la nécessité de mieux investir dans le réseau, y compris dans le capillaire […] et la question de la filialisation de Fret SNCF. » Élisabeth Borne est chargée d’étudier l’organisation opérationnelle de l’entreprise et présentera « d’ici un mois, un plan pour la relance du fret ferroviaire, en lien étroit avec la SNCF », a-t-elle précisé sur Twitter.
Quelques heures plus tard, SNCF Mobilités a publié un communiqué évoquant les propos du chef de l’exécutif et défendant le ferroviaire comme « une solution d’avenir face à l’asphyxie et l’impact écologique des trafics routiers ». Fret SNCF compte sur les actions que l’État mettra en œuvre en faveur du développement du transport de marchandises pour que les entreprises ferroviaires puissent « bâtir des plans de développement réalistes ». Quant à l’opérateur public, il « doit bâtir un plan d’affaires rentable ». Dans son scénario, il prévoit « l’assainissement de sa situation financière », qui appelle une recapitalisation. « Cette activité serait dotée d’une personnalité juridique propre, société dont le groupe public ferroviaire détiendrait 100 % du capital », indique le communiqué. En octobre dernier, quand la filialisation a été évoquée, SNCF l’avait catégoriquement démentie. À se demander qui tire les ficelles de cette réforme aujourd’hui…