Personne n'imaginait, vers le milieu des années 80, que le système de suivi par satellites se démocratiserait avec une telle rapidité et introduirait une véritable révolution dans la gestion des moyens de transport. Certains transporteurs se souviennent encore de leurs déboires quand la technique en était encore à ses prémices. Ainsi, on raconte qu'un véhicule de transport frigorifique équipé à des fins expérimentales, parti du nord de la France pour rejoindre la Pologne, disparut corps et bien pendant son trajet au cours de la première démonstration... Il fallut attendre plusieurs jours et que l'ambassade locale avertisse l'entreprise pour apprendre que le camion avait été confisqué par la douane, la balise démontée par la police et le conducteur incarcéré pour espionnage! C'était là la version des détracteurs d'un système auquel ils ne voyaient aucun avenir. En fait, car cette histoire n'appartient pas totalement à la légende, la balise fut confisquée parce que l'opérateur n'avait pas demandé de licence aux autorités locales.
Mais, conséquence de cet avatar (?), au démarrage, les transporteurs ont manifesté certaines réserves. C'est le Japon qui a fait décoller le marché au début des années 90. Au départ, ils n'en ont pas perçu le côté utilitaire et le GPS est entré directement au royaume des gadgets de haute technologie. En 1995, plus d'un million d'équipements étaient vendus par les industriels nippons. La plupart avaient pour vocation de guider les usagers dans un pays où l'adresse ne suffit pas pour retrouver un lieu... A la même date, le marché américain et le marché européen totalisaient respectivement 50 000 et 6000 équipements.
Actuellement, près de 4 millions de récepteurs civils sont connectés au GPS et leur nombre augmenterait de 250 000 par an. Le secteur qui représentait un chiffre d'affaires de 25 milliards de francs en 1998 est estimé à 300 milliards de francs par la Commission européenne à l'horizon 2004. A cette date, la répartition du marché des équipements d'aide à la navigation par satellite devrait être la suivante: 9% pour les loisirs (hors transport), 5% pour l'aéronautique, 1% pour le chemin de fer et autant pour le maritime, contre 84% pour le transport routier. C'est dire si, jusque dans les sphères politiques, on croit à l'intérêt de cette technique, à son avenir, et à sa nécessité dans l'organisation des transports à très court terme même si le développement qu'elle connaît actuellement en France paraît la réserver à quelques grands opérateurs. Il faut se souvenir, par exemple, que l'accès à Internet, initialement réservé à quelques chercheurs isolés dans des laboratoires internationaux a vu passer ses utilisateurs, respectivement, à 4 millions de personnes en 1992 et à quelque 230 millions l'an dernier!
« En France, Euteltracs a été le premier service mobile de communication par satellite spécialement développé pour améliorer la productivité des opérateurs de transport », rappelle Reynald Paris, directeur commercial. Deux satellites en orbite géostationnaire et couvrant l'ensemble de l'Europe, le bassin méditerranéen et le Proche-Orient, transmettent en permanence les messages envoyés et reçus par les mobiles et la station fixe qui, en France, se situe à Rambouillet, vers leur point de destination final, en donnant la position des véhicules avec une précision inférieure à 100 mètres. Depuis avril dernier, le satellite Sesat, lancé par Eutelsat à Baikonour, et placé en orbite à 36 000 km d'altitude a élargi la couverture à l'Asie et au Moyen-Orient.
L'équipement comprend 3 éléments. Un poste fixe à la disposition de l'exploitation de l'entreprise avec plusieurs solutions logicielles, en réseau ou sur un serveur isolé, qui permet au gestionnaire du parc de gérer à distance, de localiser le véhicule et de communiquer avec lui en temps réel. Le matériel embarqué se compose d'un ordinateur de bord avec clavier pour saisir les messages et écran de réception à cristaux liquides. L'ensemble est complété par une antenne de télécommunication qui contient la boîte de traitement des données et des différents messages, avec une prise série RS 232 qui permet le raccordement de systèmes périphériques. « Les capacités sont de 1900 caractères par message, la rapidité de transmission est de 3 secondes, en outre l'équipement résiste aux chocs et aux variations de températures entre -30 et +70° pour pouvoir être opérationnel sous toutes les latitudes », précise Raynald Paris. « Deux types de messages sont admis: des messages avec un contenu de format libre, c'est-à-dire sans champ désigné, avec la possibilité de messages aller/retour. Les messages macro sont des messages préformatés avec des champs désignés afin de rentrer des informations et des données spécifiques ».
Les utilisateurs peuvent, grâce à ce système informatique embarqué: automatiser et maîtriser la gestion des heures de service, augmenter la productivité de leur exploitation par une gestion intégrée de la commande à la facturation, améliorer leur productivité, soit en déroutant un véhicule pour rechargement ou en ayant une meilleure anticipation des ruptures de charges. La possibilité de mise en alerte permet d'assurer une meilleure sécurité et le positionnement des véhicules offre la possibilité de contrôler les parcours ou de diminuer les kilomètres inutiles. Outre le fait que pouvoir communiquer par écrit et en temps réel permet de rationaliser les appels téléphoniques. « Par ailleurs, Qmass fournit une autorisation d'accès multiple, ajoute le directeur commercial d'Euteltracs. Il permet aux clients de suivre ses chargements en choisissant les messages qui lui sont accessibles ce qui contribue à la valorisation du service ».
Près de 300 000 camions ou bateaux dans le monde sont aujourd'hui équipés d'Euteltracs. En Europe, ils sont près de 30 000, dont 2500 chez Willi Betz, 1250 chez Harry Vos, 750 chez Fixemer, 700 chez Westermann, 400 pour Meyer & Meyer et 200 pour JPV. « Afin de permettre l'accès à des flottes plus réduites, nous allons commercialiser prochainement une version simplifiée de notre système, explique Raynald Paris. Il ne s'agit pas d'une version dégradée. Elle sera tout aussi performante mais devrait être moins onéreuse ». Par ailleurs, lors du dernier Salon de Francfort, Euteltracs a annoncé un accord de commercialisation avec Renault Véhicules Industriels.
« Dans le cadre d'un projet européen rassemblant plusieurs entreprises du monde du transport routier, notre système est conçu sur une architecture ouverte qui apporte la continuité dans la chaîne logistique du client et une ouverture sur l'avenir », explique Philippe de Guyon de data Proxima. « Il est architecturé autour des grands standards informatiques, mais ce n'est pas une solution "propriétaire". Il n'est lié à aucun type de matériel et peut s'adapter sur tous types de véhicules. Il accepte différents types de capteurs pour la partie embarquée et différents types de bus, Can ou autres. Il est constitué de systèmes indépendants qui peuvent être installés à la demande. Par exemple, nous proposons un module d'optimisation de chargement et de tournées dans la parte fixe mais ces calculs peuvent être faits en amont dans les systèmes informatiques du client. Il permet aujourd'hui de gérer les camions, les colis, les remorques ainsi que le personnel roulant dans une mise en charge progressive ».
Le système comporte 3 parties, dont le module de communication qui est la partie embarquée et qui constitue un système d'information pour le conducteur qu'il va aider dans la conduite de sa mission. Elle permet également d'enregistrer toutes les informations nécessaires à l'entreprise pour optimiser la gestion globale du personnel et du matériel roulant. Ce module permet de téléphoner (transport de la voix), il permet également d'envoyer des messages dans les deux sens dont certains peuvent être pré-définis. Le module est composé de deux applications, gestion des messages et gestion des communications. Il utilise, pour cela, plusieurs supports: le téléphone qui supporte différentes normes (GSM, Mobitext, etc), des liaisons radio locales pour des réseaux captifs, des liaisons filaires avec chargement/déchargement de données entre le camion et sa base, et un suivi satellitaire. Pour cela, data Proxima s'appuie sur Immarsat.
C'est en matière de suivi satellitaire que certaines évolutions pourraient apparaître dans les prochaines années. Le Global Positionning System (GPS) a été développé à partir de 1978 aux Etats-Unis par le ministère de la défense et permet à l'échelle planétaire, de façon permanente et à un nombre illimité d'utilisateurs équipés d'un récepteur agréé, de se positionner et de se synchroniser avec une très grande précision par rapport aux « référentiels géographiques et temporels ».
Le GPS offre deux niveaux de services: un service crypté réservé à des utilisateurs référencés par le Pentagone qui donne une précision décamétrique et une application « civile » accessible gratuitement à tous les opérateurs, depuis 1983, dont la précision est limitée à 100 m à l'horizontale par un système volontairement dégradé par le contrôle stratégique américain.
Le Global Positionning System se compose d'une constellation de 24 satellites répartis sur six orbites à 20 000 km de la terre. Il est relayé par des installations au sol qui sont toutes situées sur le territoire américain ou sur ses bases.
Par la mesure du temps de propagation et du décalage Doppler des signaux émis par les satellites, un récepteur détermine sa position, sa vitesse et recale son horloge interne par rapport au temps mondial de référence (GMT).
Par rapport à des solutions plus classiques, grâce aux caractéristiques de services apportées et à leur compétitivié économique, le GPS a connu un développement fulgurant et est devenu l'un des éléments déterminants du transport dans le monde pour tous les modes, outre ses intérêts militaires. C'est d'ailleurs l'armée américaine qui continue à assurer la maintenance opérationnelle et la modernisation du système dont la précision pourrait être portée entre 5 et 10 mètres.
Les Russes disposent également de leur propre système satellitaire baptisé Glonass. Il comprend aussi 24 satellites répartis sur 3 orbites à 19 000 km d'altitude par rapport à la terre. Mais en raison des difficultés économiques rencontrées par le pays au cours de ces dernières années, sur les 24 satellites nécessaires au positionnement des mobiles, une douzaine seraient hors service.
C'est donc sur le seul système GPS contrôlé par un seul pays et, de surcroît, par les militaires, que repose toute l'infrastructure mondiale de positionnement et de datation. L'Union européenne a considéré qu'une dépendance dans un domaine qui revêt désormais une telle importance était inacceptable. D'autant que les autorités américaines, à l'occasion de la guerre du Golfe, en 1991, ont averti les utilisateurs civils que l'armée était susceptible de brouiller les signaux pour rendre le service inopérant. Il semblerait, d'ailleurs, qu'ils aient mis cette menace à exécution durant le conflit du Kosovo ce qui aurait joué le rôle de déclencheur auprès de la communauté européenne.
Aussi, l'Europe a-t-elle décidé de s'affranchir de la tutelle américaine et, lors du conseil européen des ministres des transports de juin 1999, il a été décidé de « déployer aux côtés du GPS un second pilier de l'infrastructure mondiale » en relançant le programme GNSS (Global Navigation Satellite System) qui avait été présenté par la précédente Commission européenne. Galiléo et sa composante spatiale Galiléosat, dont la phase de définition devait s'achever à la fin de cette année. Le système doit reposer sur une constellation de satellites placés en orbite moyenne, indépendant mais complémentaire et interopérable avec le GPS. Les ministres européens des transports ont dégagé une enveloppe budgétaire de 80 millions d'euros pour financer ce projet qui devrait aboutir d'ici 2008.
Comme les Etats Unis avec le GPS, l'Union européenne prévoit d'émettre gratuitement le signal satellitaire. Mais celui-ci devrait être doublé d'un signal codé extrêmement puissant pour répondre à la demande des armées européennes formulée auprès de l'Agence Spatiale Européenne après qu'elles aient mesuré le retard pris par rapport aux Américains en matière de localisation électronique lors de la guerre des Balkans. Ce réseau ne serait cependant pas réservé au seul usage militaire et pourrait être accessible à la clientèle privée, moyennant une redevance. Si l'on se réfère aux propos de Mattias Ruete, responsable du programme à l'échelon européen et chargé de le promouvoir, « le premier bénéficiaire de Galiléo devrait être le transport routier auquel seront accordés 80% des capacités disponibles ». Le reste devrait se répartir entre la recherche pétrolière, l'étude des fonds marins, la topographie, les autres modes de transport, etc.