Le TRM espagnol a suivi de très près les longues négociations du paquet Mobilité de l’Union européenne et a mené un lobbying actif pour défendre ses positions. L’Europe est en effet un enjeu crucial. L’activité internationale, c’est-à-dire les flux avec le reste du Vieux Continent, a progressé régulièrement au cours de la période récente, en ligne avec la forte poussée des exportations espagnoles qui ont permis à l’Espagne de renouer avec la croissance. Actuellement, l’international représente un tiers du trafic du secteur dans son ensemble, un ratio sans commune mesure avec ceux de la France ou du Royaume-Uni. L’Espagne se situe au deuxième rang en Europe, après la Pologne, pour ce qui est du trafic routier international. La profession dispose même d’une entité spécifique qui rassemble les entreprises travaillant hors des frontières : l’Association du transport routier international (ASTIC).
La situation espagnole diffère sensiblement de celle des pays d’Europe centrale et orientale. Les rémunérations (charges comprises) des conducteurs espagnols y sont nettement plus élevées et sont maintenant proches de celles du reste des pays d’Europe occidentale. Cependant, l’intensification de la présence ibérique a créé des tensions dans cette partie du continent, notamment sur la question délicate du cabotage. À cela s’ajoute la multiplication des normes et des réglementations au niveau national : l’Espagne a vu dans le nouveau paquet européen la possibilité de simplifier et clarifier les normes tout en réduisant les contraintes bureaucratiques. La dernière mouture du dispositif, telle qu’elle émane du vote du Parlement européen, n’apparaît pas trop défavorable au TRM espagnol. C’est le cas pour le cabotage, réalisé au moins une fois dans plus des deux tiers des opérations internationales du TRM espagnol, comme l’a expliqué Ramón Valdivia, directeur général d’ASTIC, lors d’une réunion organisée par la Fondation Francisco Corell, le 8 mai 2019 à Madrid. Il a estimé que ce qui avait été voté par le Parlement européen (trois jours sans limite du nombre d’opérations) était « moins favorable » que le dispositif actuellement en vigueur. Cependant, d’autres propositions encore plus défavorables ont été écartées. Le délai de carence de soixante heures peut couvrir le temps de retour d’un conducteur en Espagne puis de nouveau le départ et autoriser la reprise du cabotage à l’occasion de la mission suivante. C’est sur le temps de conduite et de repos que les Espagnols ont obtenu le moins d’avancées concrètes. Le nouveau dispositif reprend l’interdiction du repos hebdomadaire normal en cabine, qui a fait l’objet d’une décision de la Cour de justice de l’Union européenne. ASTIC avait proposé que cela soit possible dans des lieux disposant de conditions adéquates (sanitaires, restauration, loisirs, etc.). Le TRM espagnol prend acte mais s’inquiète du flou des conditions d’application et de contrôle dans chacun des pays. Un conducteur qui revient dans la cabine pour chercher un objet ou un document et qui est surpris par les forces de l’ordre sera-t-il sanctionné ? Quelles sont les preuves à fournir ? Qui doit les fournir ? Autant de questions posées par les responsables du TRM espagnol depuis plusieurs années sur ce sujet très sensible en Espagne.
La grande revendication du TRM espagnol, et en particulier d’ASTIC, demeure celle du « retour à la maison » (« la vuelta a casa »). Les professionnels ont toujours demandé une flexibilisation du dispositif, et ASTIC a même reçu à ce sujet l’appui d’organisations professionnelles d’autres pays européens. ASTIC a proposé d’augmenter de trois jours le temps de conduite autorisé sur le chemin du retour vers l’Espagne avec, en compensation, une augmentation du temps de repos à domicile. L’idée n’a pas prospéré. Confrontées à une pénurie croissante de conducteurs, les entreprises espagnoles souhaitent que la profession demeure attractive.
Les organisations professionnelles du TRM espagnol estiment que la directive sur les travailleurs détachés ne devait pas s’appliquer au TRM parce qu’elle avait été conçue pour d’autres secteurs (construction automobile, BTP, etc.). À cela s’ajoute la multiplication de mesures prises au niveau national dans les pays européens, d’autant plus contraignantes que les camions peuvent être conduits à traverser plusieurs frontières. Cette question est un vrai sujet d’inquiétude pour les Espagnols. Le Parlement européen a décidé de faire entrer le TRM dans le champ d’application de la directive. Mais le texte comprend des dispositions en ligne avec les demandes espagnoles. Si la directive s’applique au cabotage, les livraisons bilatérales, qui représentent plus de 70 % de l’activité internationale des entreprises espagnoles, sont épargnées. Celles-ci pourront réaliser deux opérations de triangulation pour chaque opération bilatérale, aller et/ou retour, sans que la directive soit appliquée.