En Suisse, le cabotage est interdit pour le transport de marchandises. A l’heure actuelle, un transporteur roumain ou polonais ne peut véhiculer de fret entre Zurich et Genève, en vertu d’un accord bilatéral – aujourd’hui menacé aux yeux des fédérations – entre la Confédération et l’Union européenne. « Le risque existe que la Suisse sacrifie l’interdiction du cabotage dans le cadre des négociations en vue de parvenir à un accord-cadre avec l’Union européenne, estime André Kirchhofer, vice-directeur de l’Association suisse des transports routiers Astag. Nous supposons que l’Union européenne pourrait exiger un assouplissement de l’interdiction du cabotage, à titre d’échange pour ce que la Suisse réclame dans le domaine de la libre circulation des personnes ou de l’énergie par exemple. »…En clair, le secteur routier pourrait être sacrifié par le gouvernement fédéral suisse, d’autant que les milieux industriels suisses seraient eux aussi favorable à la levée de l’interdiction du cabotage. Les différences de salaires sont en effet considérables entre la Suisse (le salaire minimum d’un routier y est de 4 000 francs par mois, soit 3 300 euros) et l’Europe de l’Est (400 euros par mois en Bulgarie ou en Roumanie). Les industriels helvétiques voient dans la suppression de l’interdiction du cabotage un moyen de faire baisser leurs coûts.
Les fédérations de transporteurs estiment pour leur part qu’un assouplissement de l’interdiction menacerait jusqu’à 30 000 postes dans la branche, transports et logistique compris. Selon une étude commandée au bureau Ecoplan par les deux fédérations, « plus de 5 000 emplois seraient menacés dans le transport de marchandises en Suisse », tandis que les pertes de parts de marché sont estimées à 12 % pour le transport de marchandises par route. Aux départements des Affaires étrangères et des Transports, à Berne, on dément. La suppression de l’interdiction du cabotage ne serait pas à l’ordre du jour. Mais il en faudrait plus pour rassurer les fédérations. D’autant que sur les routes de Suisse, le cabotage fait déjà partie du quotidien. Malgré l’interdiction, les infractions sont nombreuses, les contrôles de police rares, et les amendes (de l’ordre de 500 euros) peu dissuasives. « Avec la fin du taux plancher pour l’euro en 2015 (qui a mis fin au contrôle de l’envolée des cours par la Banque centrale suisse, ndlr), la situation a encore empiré, souligne André Kirchhofer. La force du franc représente un attrait irrésistible pour les transporteurs étrangers et les amendes ne sont pas assez dissuasives ».