Inventées dans les années 1950, les palettes en bois perdues ou réutilisables n’ont pas pris une ride. À l’heure de l’économie circulaire, elles sont plus que jamais le support favori des industriels, des transporteurs, et du monde de la distribution. Et ce, en dépit notamment de leur poids (de 15 à 30 kg), qui courbe surtout l’échine des transporteurs. Lesquels se plaignent également que la gestion des palettes leur coûte entre 7 et 12 % de leur budget transport. Or, avec la hausse du prix du gazole, ces coûts devraient encore progresser. À commencer par l’augmentation du prix de la palette neuve en bois qu’il leur faut remplacer en cas de perte ou de casse. En 2018, en effet, la forte demande en bois due à la reprise économique a particulièrement pesé sur le prix des palettes.
D’autant que, outre la demande de palettes, celle d’autres secteurs comme la construction et l’énergie, ont contribué à fortement renchérir les cours. À cela s’ajoute la demande émanant de la Chine et des États-Unis. De quoi réduire la disponibilité de cette matière première dans un contexte où les nombreuses tempêtes climatiques ont décimé une partie des forêts françaises. Plus la demande de bois est forte, plus son prix est élevé. Quels que soient les modèles de palette, les prix sont à la hausse. Pour les plus fines, par exemple, les palettes perdues de 14 mm à 15 mm d’épaisseur, l’augmentation du prix des sciages (du nom de la plaque de bois utilisée pour confectionner les palettes) oscille entre 20 % et 25 %. Quant à la palette Europe Epal (appelée aussi « palette échange ») qui présente une épaisseur de 22 mm, son prix bondit de 13 % à 15 %. « Sachant que le bois représente 70 % à 75 % du prix de la palette Europe, l’augmentation est de 10 % en moyenne », rapporte Jean-Philippe Gaussorgues, président du Sypal, la commission des métiers et services de la palette bois, au sein de la Fédération nationale du bois.
Dans l’Hexagone, le nombre de palettes neuves s’élève à 52 millions. Selon le Sypal, qui réunit 220 acteurs de la production, réparation et reconditionnement des palettes en bois, 1,4 million de ces supports a été produit en 2018 par des industriels français. À ces palettes neuves, il faut ajouter les 106 millions de palettes d’occasion qui ont été collectées puis réparées. « Pour 2018, on estime à 3,1 millions le nombre d’unités réparées dans un centre français », indique Jean-Philippe Gaussorgues, qui est également président d’Epal (European Pallette Association) France, l’association qui regroupe les fabricants et les réparateurs de palettes Europe. Il y aurait dans le monde plus de 500 millions de palettes Epal en circulation. Ce chiffre progresse chaque année. En 2017, la progression enregistrée était de 10 % par rapport à 2016. Ce qui porte à 116 millions d’unités fabriquées et réparées par an dans le monde pour 2017. Environnement oblige, les fabricants et utilisateurs de palettes cherchent à réduire leur empreinte environnementale et leurs émissions de CO2. Et ce, dans un contexte de pénurie de conducteurs et de hausse du prix du gazole. Face à ces problématiques, le secteur s’efforce de massifier les flux, de sorte à réduire le nombre de kilomètres effectué par les transporteurs pour ramener des palettes vides chez l’industriel. En témoigne PGS, leader en France de la production de palettes. Ce groupe en commercialise plus de 40 millions par an, avec 1 000 collaborateurs, et dispose d’un parc de 85 camions et 1 000 plateaux. En 2018, il a réalisé un chiffre d’affaires de 305 millions d’euros contre 265 millions d’euros en 2017. « Notre capacité de production s’élève à 25 millions de palettes par an », indique Éric Demé, directeur général de PGS Reverse, une filiale du groupe qui dispose de treize sites de fabrication en France, Belgique et Espagne ainsi que sept scieries. Pour aider les chargeurs à réduire l’impact environnemental lié au retour des palettes par camion, PGS Reverse propose notamment une solution de relocalisation baptisée RLS (Reverse Logistic Solutions). À l’instar de la solution locative, le transporteur ou le chargeur en sont plus contraints de rapporter les palettes à un dépôt.
Cette tâche est effectuée par PGS Reverse, qui massifie l’opération en récupérant les palettes sur plus de 7 000 lieux de collecte, chez des distributeurs comme Carrefour ou Systeme U, des industriels et des transporteurs. Ce qui représente plus de 10 millions de mouvements par an. Le principe est simple. Lorsque le conducteur dépose les palettes chez le destinataire, celui-ci lui remet des bons papiers qu’il lui suffit d’expédier chez PGS RLS. Lequel ira alors récupérer les palettes pour les rapporter chez le chargeur. Parallèlement, le bon papier sera crédité sur le compte de l’entreprise de transport. Cette dernière pourra le consulter via un extranet et vérifier que le nombre de palettes déposées correspond aux bons qu’elle a envoyés. L’an prochain, PGS prévoit de dématérialiser ces documents. « Cette digitalisation intéresse les magasins, sachant que les bons papiers leur réclament une gestion rigoureuse », indique Éric Demé qui travaille depuis deux ans sur ce sujet. Une première application numérique est d’ailleurs disponible pour les transporteurs et les distributeurs.
La digitalisation de l’activité palette est aussi en cours chez les loueurs de palettes comme en témoigne LPR-La Palette Rouge, une division du groupe hollandais Euro Pool, qui lance une application destinée aux distributeurs. « Le portail MyLPR va simplifier et automatiser la gestion de la collecte des palettes », indique Clarisse Chamayou, coordinatrice communication et marketing de l’entreprise. Depuis le portail, le distributeur a accès à différentes fonctionnalités telles que la création et le suivi des collectes, la visualisation des plannings, la gestion des réclamations… Il dispose aussi de tableaux de bord qui l’aident à gérer plus efficacement ses besoins en collecte. « En favorisant la planification et la collecte des palettes, le portail peut contribuer à réduire le temps d’attente des transporteurs », fait valoir le loueur, qui enregistre chaque année plus de 28 millions de mouvements de palettes en France et mobilise pour son activité une trentaine de transporteurs. Soucieuse de son impact environnemental, LPR-La Palette Rouge utilise des camions qui roulent au GNV et met en place des boucles triangulaires avec ses clients afin de réduire les trajets et éviter ainsi les retours à vide, comme en témoigne son partenaire CFC transports basé à Saint-Martin-de-Crau (13).
L’optimisation des flux pour limiter les coûts et l’impact environnemental est aussi un sujet phare pour Chep, le leader de la location de palettes dont les supports sont reconnaissables par leur couleur bleue. Ce groupe international compte 11 000 collaborateurs dans le monde et a réalisé près de 5 milliards de dollars de chiffre d’affaires au 30 juin 2018 avec 15 000 clients. Présent dans 55 pays, il s’appuie sur 510 000 points de ramasse. Son activité repose sur le traitement de 300 millions de palettes. Il exploite 750 centres de service où les palettes sont repeintes et entretenues. Dans l’Hexagone, Chep France compte 1 300 clients industriels ainsi que des producteurs de fruits et légumes. Son chiffre d’affaires s’élève à 190 millions d’euros pour 2018 – contre un peu plus de 182 millions d’euros en 2017. Pour massifier ses flux, l’opérateur est en discussion avec ses clients industriels et les distributeurs afin de mutualiser les camions. L’enjeu étant de développer en France et en Europe des synergies de transports. Par ailleurs, le loueur de palettes travaille avec des fabricants sur la mutualisation des flux de palettes. « Des pilotes sont en cours », indique Sébastien Deloume, directeur général adjoint chargé des ventes, du marketing et du service clients de Chep France. Pour effectuer ses 46 millions de rotations entre les sites de ses clients et leurs destinataires, l’entreprise s’appuie sur trois principaux transporteurs qui travaillent pour elle depuis plus de trente ans. Il s’agit de Depaeuw pour les livraisons et collectes des Hauts-de-France, Lomatrans pour la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, et Le Roy Logistique, qui opère notamment en Bretagne. Tous trois gèrent la grande majorité des livraisons et collectes sur le territoire. « En complément, ils effectuent des transports nationaux pour le compte de Chep », indique Sébastien Deloume. Les tâches d’entretien, de réparation et conditionnement des palettes sont effectuées dans 27 centres de réparation dont un site fonctionne en propre et 26 autres sont sous-traités auprès de partenaires.
À l’heure de l’automatisation des entrepôts, ces derniers ont un rôle stratégique à jouer. « Les chaînes de production nécessitent des palettes de qualité. Ce qui réclame de les stocker dans un endroit sec et propre de sorte à ce qu’elles ne s’altèrent pas sous la pluie », fait savoir Serge Rambault, président de Le Roy Logistique. Le loueur de palettes constitue le deuxième plus gros client de l’entreprise, spécialisée dans le transport et la logistique avec ses 600 salariés dont 70 sont affectés à l’activité palettes. Sur la vingtaine d’agences de Le Roy Logistique, quatre sont mobilisées pour le tri, la réparation et le stockage des palettes bleues. Le site le plus récent, celui de Melgven (29), s’est ouvert en 2016 et fait figure de référence. Il répond aux nouvelles exigences de Chep, qui a accompagné son partenaire dans sa conception. Pour éviter que les palettes s’abîment sous la pluie, elles sont stockées dans un endroit couvert. Le Roy Logistique travaille sur un projet qui vise à couvrir les autres sites. Autre particularité de l’agence de Melgven, elle est équipée d’automates qui facilitent le tri et la réparation des palettes, parmi lesquels, le robot qui soulève les palettes pour aider l’opérateur à mener son inspection visuelle sans effort. Une fois le contrôle terminé, ce dernier envoie – à l’aide de sa télécommande – la palette vers la chaîne de réparation ou vers le lieu d’expédition si elle est en bon état. « Cette installation a contribué à améliorer les conditions de travail de nos salariés et à abaisser l’accidentologie liée à la manipulation des palettes », constate Serge Rambault, qui voit dans cette amélioration des processus un bon moyen pour attirer la main-d’œuvre.
Concernant le ramassage des palettes, l’entreprise fait appel à des prestataires de transport et à ses propres conducteurs sans qu’ils soient forcément dédiés à cette activité. « Nous sommes dans l’organisation et l’optimisation du transport pur et dur », indique le dirigeant. Son équipe rencontre tous les mois des représentants de Chep lors d’un comité de pilotage de manière à optimiser les flux et travailler sur les bonnes pratiques. « Cela passe par la réorganisation des flux en prévision de l’arrivée de nouveaux clients ou de nouveaux volumes », indique Serge Rambault qui fait de l’anticipation et de l’adaptation les maîtres mots de son activité.