Depuis l’entrée en vigueur de la directive européenne du 29 juillet 2004 et de la décision de 2009, le système européen du télépéage ne cesse de gagner en couverture géographique et en audience. En France, le nombre d’abonnés au télépéage inter-sociétés pour les poids lourds (TIS-PL) a doublé de 2009 à 2018 en passant de 468 000 à 907 000 selon les chiffres fournis par l’Association des sociétés françaises d’autoroutes (Asfa). Concernant le nombre de transactions effectuées par les poids lourds, il s’est élevé pour 2017 à 179 millions contre 193 millions (soit 12 % du nombre total de transactions) payées à hauteur de 92 % avec les badges TIS-PL.
La progression du TIS-PL se mesure aussi en nombre d’abonnés. En 2018, l’Asfa a compté 907 000 abonnés contre près de 814 841 en 2017, soit une croissance de 11,3 %. Cette progression promet de se maintenir avec l’ouverture des services de télépéage aux autres pays européens comme l’Italie ou l’Allemagne ainsi que les pays de l’Europe de l’Est et du Nord. Les émetteurs de badges TIS-PL s’y emploient activement avec de nouveaux badges embarquant des technologies satellites. Cette génération de boîtiers apporte d’ailleurs de nouvelles fonctionnalités aux abonnés en améliorant le suivi de flotte.
À l’instar d’Eurotoll, le fournisseur de la Tribox Air et de systèmes de télépéage dans 16 pays en Europe qui annonce cette année deux nouveaux télébadges. Il s’agit d’un DSRC (dedicated short-range communications) baptisé Pronto et d’un satellitaire dénommé Pronto Sat. Le premier permet de circuler dans six pays européens. En dehors de la France, citons l’Autriche, l’Espagne, l’Italie, le Portugal et le tunnel du Liefkenshoek en Belgique. Ce boîtier ne requiert ni manipulation du chauffeur ni câblage. Un simple paramétrage du nombre d’essieux suffit. Le second télébadge, en l’occurrence Pronto Sat, ajoute quant à lui l’Allemagne et l’intégralité du réseau belge Viapass aux pays précédemment cités. « C’est ce boîtier qui est appelé à intégrer de nouveaux réseaux européens dont les pays nordiques », indique Nadi Kanaan, directeur ventes et marketing Europe chez Eurotoll, qui dénombre 10 000 clients en Europe.
Pour les aider à optimiser leur poste de péage, la filiale d’Abertis leur propose des services additionnels comme la récupération de la TVA, la gestion des TPLC (temps de trajet le plus cher), etc. En complément de ces services, elle vient de lancer MyScope++, une fonctionnalité de reporting automatisé et personnalisé sur son portail clients. Grâce à quoi, les utilisateurs peuvent identifier par exemple les badges sous-utilisés mais aussi consulter les consommations de péage par pays, suivre les alertes, les TLPC (trajets les plus chers, montants remboursés) et identifier rapidement les sections à péage les plus fréquentées et les plus chères.
« En 2020, en complément des systèmes de géolocalisation existants, nous intégrerons un nouveau service de connexion au chronotachygraphe de sorte à télécharger les données sociales à distance et à l’échelle européenne au format DDD », prévoit Nadi Kanaan. Lequel veut aussi aider les TPE et PME à se connecter aux plateformes des chargeurs afin d’accéder aux appels d’offres et au suivi des affrétés. Grâce à cette fonctionnalité déjà existante sur l’ensemble de l’offre de géolocalisation, les petits transporteurs ont accès à des marchés qui réclament d’avoir un système de traçabilité par le donneur d’ordre.
Eurotoll n’est évidemment pas le seul émetteur à proposer ce type de fonctionnalités. C’est notamment le cas du groupe italien Telepass (plus de 250 collaborateurs dont une dizaine en France). À la différence des autres émetteurs de TIS-PL, ce dernier ne vend pas en direct mais passe par des distributeurs comme UTA, Vialtis, Easytrip. « En 2020, nous dépasserons les 200 000 véhicules équipés dont plusieurs dizaines de milliers en France », pronostique Régis Cottereau, directeur commercial chez Telepass France. L’an dernier, ce groupe a lancé une nouvelle génération de boîtier, le Telepass Sat. Ce télébadge géolocalisable lui a demandé plus de 10 millions d’euros d’investissement et plusieurs années d’études et de recherche.
Des efforts qui se sont soldés par un joli succès puisque plus de 100 000 badges ont été installés. Et pour cause, comme il est utilisable dans de nombreux pays, un seul boîtier suffit pour se rendre en Allemagne, Autriche, Belgique, Espagne, France, Italie, Pologne, Portugal et Scandinavie. D’autres pays notamment ceux d’Europe centrale vont suivre. Ce boîtier peut être associé à l’application télématique KMaster. Disponible en sept langues, elle permet, entre autres, d’affecter des missions aux chauffeurs et de faire du geofencing (géorepérage), une fonctionnalité qui alerte le gestionnaire lorsque le camion entre ou sort d’une zone prédéfinie.
Telepass Sat peut aussi être couplé au chronotachygraphe pour y récupérer les temps de conduite. « Nous sommes les premiers à proposer sur le marché le tout-en-un (péage, télématique, gestion de temps de conduite) », revendique le directeur commercial de Telepass France. Pour le transporteur qui ne dispose pas de logiciel de gestion de flotte, il s’agit d’une avancée. Lorsqu’il reçoit un ordre de commande et qu’il veut l’affecter au conducteur le plus proche, il peut voir si son temps de conduite l’autorise à accomplir sa mission. Par ailleurs, le boîtier est aussi connectable au bus CAN de sorte à consulter les consommations du véhicule et promouvoir l’écoconduite. Toutes ces informations sont consultables sur un tableau de bord disponible dans l’espace client du transporteur. Idem pour le suivi en temps réel des température des remorques réfrigérées. « Nous produisons tous les reportings nécessaires pour garantir le respect de la chaîne du froid », fait valoir Régis Cottereau qui, par ailleurs, vient de lancer en France sa première carte de paiement. Il s’agit en l’occurrence de Telepass Pay. Ce moyen de paiement, accepté dans tout le réseau Mastercard, peut être limité à certains types de dépense et de marchandises. Ce qui permet d’éviter les fraudes tout en libérant le conducteur de contraintes financières en cas de panne. À l’instar de Telepass et d’Eurotoll, les autres émetteurs de badges rivalisent d’ingéniosité pour délivrer aux transporteurs des outils suivant leur flotte en temps réel afin d’optimiser leurs opérations de transport. C’est notamment le cas d’Axxès.
Basée à Lyon, l’entreprise compte 90 collaborateurs dont 35 % d’informaticiens dont quelques spécialistes en cartographie et gestion de données. Figurant parmi les poids lourds du marché, elle recense un peu plus de 330 000 badges déployés par 40 000 clients dont 60 % sont implantés à l’étranger. « Il s’agit majoritairement de PME qui disposent d’une flotte d’une trentaine de véhicules au maximum », rapporte Frédéric Lepeintre, le président d’Axxès. L’entreprise met actuellement les bouchées doubles pour que son système de télépéage soit accessible en Italie et en Allemagne où elle finalise la certification de ses boîtiers. Des tests en grandeur réelle y sont en cours. Ces deux pays vont étoffer la liste des pays accessibles avec le badge d’Axxès ; en plus de la France, l’Autriche, la Belgique, l’Espagne et Portugal. « Nous travaillons à rendre notre système interopérable avec les pays de l’est et du nord de l’Europe en réponse à nos clients d’Europe centrale qui en sont demandeurs », indique Frédéric Lepeintre. En plus de se mobiliser sur l’interopérabilité des systèmes de péage, l’entreprise lyonnaise s’emploie à étoffer les fonctionnalités de son service Axxès Fleet Manager L’objectif est double. Il s’agit de fournir à ses clients les fonctionnalités d’une tour de contrôle pour les aider à piloter leur flotte en temps réel.
Par exemple, le gestionnaire de la flotte peut être alerté dès lors que ses camions entrent dans des zones de livraison afin de pouvoir prévenir les chargeurs concernés. D’autre part, Axxès veut leur fournir des outils pour accroître leur business en les connectant aux bourses de fret. Dès lors, les entreprises pourront envoyer des ordres aux conducteurs et éviter ainsi qu’ils remontent à vide. Dans cette perspective, l’entreprise lyonnaise travaille avec plusieurs opérateurs qui appartiennent ou non à des syndicats professionnels de sorte à faire coïncider la position des camions avec le fret à charger.