Les hausses de trop ?

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Les hausses de trop ?

Tous les ans, le rendez-vous avec les hausses des péages autoroutiers arrive ponctuel au 1er février. Mais est-ce que les transporteurs peuvent encaisser une nouvelle hausse alors que la grogne monte depuis des années contre ces augmentations ?

Dans un peu moins d’un mois, les tarifs des péages autoroutiers vont subir une hausse comprise entre + 1 % et + 2 %, dans la plupart des cas, soit une augmentation plus importante que celles subies en 2016 et en 2017. Telle est la fourchette, qui reste à confirmer par décret, et qui a été annoncée en novembre dernier par le ministère devant le Comité des usagers de la route. Ces hausses tiennent compte des prévisions d’inflation les plus pessimistes, du rattrapage de la redevance domaniale – pour financer les infrastructures de transport – et du financement des travaux. Toujours est-il que la hausse des péages n’est pas du goût de tout le monde et surtout pas de celui des transporteurs.

« C’est un scandale d’État », s’insurge Philippe Bonneau responsable de l’OTRE en Normandie — où les péages pèsent particulièrement lourd dans les comptes des entreprises — et auteur d’un édito très remonté sur le site de la fédération. « L’Arafer, le Conseil d’Etat et la Cour des Comptes l’ont dit également », souligne-t-il. Et le même de poursuivre : « Je n’entends rien du côté du gouvernement qui se cache derrière l’accord de privatisations de 2005 ». En attendant, les transporteurs, et notamment les PME, essaient de s’organiser pour éviter que les péages — troisième poste dans les coûts d’exploitation — ne connaissent une inflation qui n’est pas toujours répercutée dans le prix du transport.

Du coup, les transporteurs s’activent pour trouver des solutions, dans la mesure du possible. « On mène en ce moment une grande réflexion sur le sujet du poste péage. On a des contrats où l’on ne peut pas se passer des autoroutes et on ne peut pas toujours les répercuter. Le péage est le plus gros poste, environ 7 % de nos coûts, après les salaires et le carburant. On vient d’envoyer un mail à tous nos chauffeurs car nous souhaitons baisser ce taux de 2 % », indique Patrice Bataillard, directeur général international de CGVL (69). L’entreprise est justement en train de travailler avec son éditeur de TMS, Akanea, à l’optimisation des tournées via une cartographie qui calcule les coûts de péage. L’objectif étant d’augmenter la rentabilité des trajets. « On regarde également ce que peuvent apporter le système d’informatique embarquée Fleetboard et Total qui nous fournit le système de télépéage pour déceler les gains », explique-t-il. Encore faut-il avoir des activités qui permettent d’éviter les autoroutes. Sur certains trajets, rouler sur la nationale ne fait perdre que 15 minutes maximum puisque, de toute façon, les camions ne peuvent pas rouler à plus de 90 km/h/. « Certains clients auxquels on répercute au réel, nous demandent de faire un effort pour réduire le coût des péages ». Mais c’est l’attitude du conducteur qui fait que ces efforts peuvent aboutir. Or, reconnaît, le dirigeant, ses conducteurs ne vivent pas toujours très bien le sentiment d’être « fliqués » en permanence car il faut constamment surveiller qu’ils respectent bien les consignes d’itinéraire données. « Sur certains trajets type, ils doivent nous demander l’autorisation s’ils veulent prendre l’autoroute », précise-t-il. Quant à l’impact de la classe Euro de la flotte, il n’est pas significatif. « On a déjà fait le maximum et la quasi totalité du parc est Euro VI ».

Quid de l’acceptabilité par les autres usagers ?

Alors que les transporteurs font tout pour s’éloigner des autoroutes, les automobilistes veulent les y pousser. « Si déjà les camions prenaient les autoroutes systématiquement, les sociétés d’autoroute n’auraient pas à augmenter les tarifs à tout le monde », estime ce lecteur de La Tribune. Et un autre de lui répondre : « malgré les panneau d’interdiction en transit chez moi, ça continue de rouler sans jamais la moindre amende ». Autant dire que ce n’est pas demain que les automobilistes verront d’un bon œil se multiplier les camions sur les nationales !

Une sensibilité changeante selon l’activité

S’il est indéniable que la hausse continue des péages n’arrange pas forcément les affaires de bon nombre d’entreprises, il faut toutefois souligner que la réduction de ce poste de coût n’est pas toujours une demande prioritaire pour eux lorsqu’ils souhaitent optimiser leur exploitation. « Le respect des délais et des contraintes horaires sont les éléments essentiels dans la qualité de service des activités de messagerie et express », souligne Mehdi Jabrane, Dg de Mapotempo, éditeur de logiciels d’optimisation de tournées multipoints. Ce sont surtout des entreprises qui font de la livraison urbaine et interurbaine et qui sont liées au e-commerce. « La qualité de service est primordiale mais peu de transporteurs font de la comptabilité analytique et ont une connaissance fine de leur coût de trajet », ajoute-t-il. « Les demandes que nous avons c’est pour trouver l’itinéraire le plus rapide. Nous pouvons comparer les itinéraires en fonction de leur coût mais les clients ne nous le demandent pas. La hausse des coûts des péages n’a pas d’incidence sur la solution retenue ». Parallèlement, « ces coûts sont de plus en plus à la charge de la sous-traitance dont les marges baissent », constate-t-il. Pour Akanea, éditeur de solutions TMS, notamment, l’analyse du comportement des transporteurs est très proche. « Nos clients demandent à optimiser la gestion des itinéraires pour rentabiliser les voyages. On établit un plan de transport en s’appuyant sur la cartographie de PTV pour proposer des routes avec le calcul des coûts. On peut proposer trois itinéraires différents », explique Pierre Battini, directeur commercial d’Akanea. Ce que les transporteurs demandent c’est d’avoir une visibilité sur leur rentabilité. Dès lors, Akanea propose à la fois des solutions prévisionnels et à coût réel (en fonction du trajet effectivement réalisé). « Les coûts de péage sont l’un des facteurs de la rentabilité intégrés dans les outils de pilotage global à disposition du chef d’entreprise ou de l’exploitant », note Pierre Battini. Encore faut-il que les entreprises investissent dans ces solutions. Ce qui est loin d’être le cas pour la majorité d’entre elles.

Kilométrage

Comme le rappelle l’étude du Commissariat général au développement durable sur l’évolution du TRM français, ces 20 dernières années (cf. pages 6 à 8), les distances parcourues sur une année sont passées d’un peu moins de 50 000 km en 1996 à un peu moins de 40 000 km en 2016 (+ 12,7 %). Toutefois, si le kilométrage total des poids lourds a baissé de 29,3 %, les tracteurs n’ont connu qu’une baisse de 1,2 %, note l’étude.

L’open data à la rescousse ?

Aujourd’hui, les données de cartographie PL sont l’apanage d’un petite poignée d’opérateurs. Les éditeurs aimeraient l’accès libre à ces données et demandent l’application de la loi sur la république numérique, dite loi Lemaire, d’octobre 2016. Elle prévoit notamment « une obligation pour un délégataire de missions de service public (par exemple dans le domaine des transports, de l’énergie ou du traitement des déchets) de permettre à l’autorité délégante de publier en “open data” les données produites dans le cadre de cette délégation. Il ne sera possible à l’autorité délégante de déroger à cette obligation qu’à condition de motiver cette décision et de la rendre publique. portant sur l’open data et le transport ».

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