La ministre des Transports prépare depuis de longs mois les esprits à l’introduction d’une fiscalité poids lourds pour le financement des infrastructures. Le second étage de sa fusée est sorti du rapport Duron, qui est venu clore les Assises nationales de la mobilité de septembre 2017. Le TRM doit apporter sa contribution au financement des infrastructures : vignette, suppression ou rabotage de la ristourne gazole, hausse de la TICPE… Ce n’est pas encore officiel – c’est le conseil des ministres qui en décidera dans les prochaines semaines – mais l’idée d’une vignette dite « temporelle » a germé dans l’esprit d’Élisabeth Borne. Elle s’en est confiée tout récemment à une association de journalistes des transports et de la mobilité. Plus récemment encore – le 4 juin, devant la commission des finances de l’Assemblée nationale – la ministre des Transports a maintenu son cap en évoquant la perspective de l’introduction d’une vignette temporelle ou d’une augmentation de la TICPE. Comme si les quatre centimes supplémentaires acquittés, depuis fin 2013, par les transporteurs pour compenser la suspension de la défunte ex-future écotaxe ne suffisaient pas ou plus, et étant entendu qu’ils devaient « être pour solde de tout compte », selon la formule utilisée à l’époque par l’OTRE. L’organisation patronale, tout comme ses homologues FNTR et TLF, rappelle que le mode routier contribue déjà à hauteur de 39 Md€ pour le financement des infrastructures. « Pour l’OTRE, les recettes supplémentaires envisagées ne peuvent donc en aucun cas se justifier, les 39 Md€ n’étant pas consacrés dans leur intégralité à la rénovation et au développement du réseau routier », souligne l’organisation patronale présidée par Aline Mesples. Laquelle rappelle que la ristourne gazole avait pour principe de compenser le déficit de compétitivité des transporteurs français vis-à-vis de leurs concurrents européens. Et que la supprimer ou la raboter reviendrait à créer une nouvelle distorsion de concurrence.
La FNTR et TLF soulignent, à ce titre, que la fiscalité du carburant représentait, pour les seuls poids lourds, 4,13 Md€ en 2017. « En ajoutant la taxe à l’essieu et les péages, les poids lourds seuls s’acquittent de près de 7 Md€ par an », indiquent les deux fédérations « rapprochées ». Selon ces dernières, les poids lourds couvrent 214 % de leurs coûts sur autoroute et 122 % sur l’ensemble des routes.
L’OTRE campe sur son slogan de la « ligne rouge » à ne pas franchir par le gouvernement. La FNTR, elle, rappelle par la voix de son président, Jean-Christophe Pic, qu’« à l’heure où la France possède le gazole le plus cher d’Europe, nous rejetons en bloc ce traitement injuste qui va impacter la compétitivité de nos entreprises ».
Le Collectif des acteurs économiques bretons observe d’un œil attentif les déclarations de la ministre des Transports sur le sujet. Dès la première « alerte » à l’automne dernier, il s’était manifesté en brandissant son opposition à « cette version 2 de l’écotaxe ». Ce collectif, qui regroupe 60 fédérations et groupements professionnels, estime que cette nouvelle taxe aurait pour effet d’accroître le caractère périphérique de la Bretagne, ainsi que l’expliquait au Télégramme, Joël Chéritel, son président, par ailleurs numéro un du Medef en Bretagne.
Ce dernier croit savoir que la future taxe s’appliquera, dans un premier temps, sur un périmètre de 4 300 km, et 160 km pour la Bretagne, avant d’être étendu progressivement aux 15 000 km de routes. Et il estime qu’elle précipiterait le remplacement des camions français par des véhicules « étrangers ».