Florence Berthelot : Oui, les temps de travail, de repos ou de conduite des conducteurs sont très surveillés en France, tant en bord de route que dans l’entreprise. Mais ces contrôles, une particularité ancienne de notre métier, font partie de la vie de l’entreprise. Et les professionnels ont intégré qu’on ne se sert pas du chronotachygraphe pour « fliquer », mais bien pour la sécurité et le bien-être du personnel. De plus, la France est le seul pays où le chronotachygraphe est utilisé pour établir les feuilles de paie. La très grande majorité des dirigeants s’assure de sa bonne utilisation. Je crois qu’ils sont tous impatients, plus qu’inquiets, de voir arriver les nouveaux chronotachygraphes. Ceux-ci apportent plus de sûreté dans la gestion des données et dans les contrôles. Quand il y a fraude au chronotachygraphe, ce qui est plutôt le fait d’entreprises étrangères, les contrôleurs doivent immobiliser le véhicule pendant des heures et démonter tout l’équipement. C’est un énorme investissement. Le nouveau chronotachygraphe intelligent permettra aux contrôleurs terrestres et aux gendarmes de repérer les véhicules roulants à risque de fraude, de mieux cibler les opérations, et donc de gagner du temps.
F. B. : Pour le moment, les chronotachygraphes sont installés dans les véhicules neufs, mais le déploiement des contrôles ne s’effectue pas encore. Les autorités françaises ne disposent pas d’équipements pour se connecter aux nouveaux chronotachygraphes. Donc on reste sur une approche classique, en bord de route. Or, cette mise en place doit être considérée comme une priorité, nous poussons les autorités de contrôle à être le plus vite possible en capacité d’effectuer les nouveaux contrôles.
F. B. : Après une première position du Conseil des ministres des Transports en décembre, ce vote du Parlement permettait une avancée sur le plan social, avec laquelle nous étions satisfaits à 90 %. Notre réserve portait sur le transport routier international bilatéral bénéficiant d’une exception qui autoriserait l’entreprise à effectuer un chargement et un déchargement à l’aller et au retour. La règle nous apparaît trop complexe à contrôler actuellement. Elle ne pourra s’appliquer qu’avec la version 2 du chronotachygraphe intelligent déployée à partir de 2022 (voir article p. 25). Pour l’instant, nous ne connaissons pas les nouvelles règles qui seront adoptées par le trilogue [composé de la Commission de Bruxelles, du Conseil des ministres et du Parlement européen, Ndlr]. Celui-ci devrait se réunir à la rentrée, quand le nouveau Parlement sera installé sous présidence finlandaise du Conseil de l’Union européenne. Les démarches prennent du temps et pourraient aboutir à l’adoption définitive seulement fin 2020, sous présidence allemande. Les fédérations de professionnels feront tout pour inciter à l’accélération du calendrier.
F. B. : L’avancée majeure sera l’instauration d’une période de carence qui n’existait pas. Même à 60 heures comme le propose le Parlement, cela obligerait les opérateurs à s’organiser autrement. Économiquement, ils ne peuvent se permettre d’immobiliser un véhicule près d’une frontière pendant 60 heures. Et si, comme cela a été proposé par les organisations professionnelles, le cabotage est limité à trois jours, cela peut réduire l’effet « saut de frontière » des transporteurs étrangers qui, au final, se traduisait par leur présence en quasi-permanence sur le territoire français. Par ailleurs, s’il y a des contrôles sur le détachement en France, même si un conducteur étranger est en règle, il reste difficile de vérifier si le conducteur a bien été payé au salaire français sur la période. De nombreuses améliorations sont à apporter, et nous sommes très demandeurs de la future Autorité européenne du travail qui se met en place à l’automne (voir encadré p. 27). Sa création rendra plus effective la mise en place du Paquet mobilité.
* Trois points clés dans les orientations du Parlement européen, le 4 avril 2019 :
=> la protection des salariés par l’interdiction du repos hebdomadaire dans la cabine et le retour obligatoire des salariés dans leur pays d’origine
=> le délai de cabotage est ramené à trois jours, avec un nombre illimité d’opérations, et une période de carence de 60 heures
=> les règles du détachement s’appliquent aux opérations de cabotage et de transport transfrontalier à l’exception des opérations de transit et bilatérales, avec un chargement ou déchargement supplémentaire dans chaque sens.