10 % des médicaments vendus dans le monde sont des faux. Ce phénomène se diversifie, s’amplifie et relève véritablement du crime organisé international. « On assiste à l’évolution d’une nouvelle forme de trafic due à la réglementation européenne de 2011 qui a obligé les laboratoires à passer par des distributeurs placés à l’étrangers pour des importations parallèles de médicament. Si l’intention était d’accroître la concurrence et de faire baisser les prix, la criminalité organisée s’est emparée du circuit. Ainsi, la mafia italienne détourne des 38 tonnes avec des vrais médicaments et les envoie en Roumanie où des faux distributeurs écoulent la marchandise ou réinjectent des faux médicaments. En Allemagne, il y a eu un trafic de faux Herceptin, un anti-cancéreux », témoigne Bernard Leroy, le Directeur de l’IRACM (Institut International de Recherche Anti-contrefaçon de Médicaments). Selon l’organisme de recherche, le trafic de faux médicaments, « touche les populations d’Afrique, d’Amérique latine mais aussi des pays occidentaux, enrichit les réseaux criminels et finance le terrorisme ». C’est donc un réel problème qui prend des proportions de lutte contre la criminalité internationale. Cependant, le risque est plutôt maîtrisé(1). « Les médicaments sont tellement suivis et tracés que, en cas de perte ou de colis manquant l’information remonte très vite et une procédure d’alerte se met immédiatement en place avec la gendarmerie, l’agence de santé et les laboratoires concernés », indique Gérard Palazzo, président de Certipharm et directeur du Produit Santé chez Heppner (l’activité santé représente aujourd’hui, 13,6 % de CA d’Heppner, en hausse de 10 % par rapport à 2016). Les procédures très strictes en matière de logistique des produits de santé, verrouillées notamment par les BPD (Bonnes pratiques de distribution) ont permis de minimiser le risque de vols, surtout pour les médicaments. Ce qui n’a pas empêché, par le passé, des problèmes avec certains produits très médiatisés et convoités pour une revente sur les marchés parallèles. Plus que le préjudice pour les laboratoires, il y a des vrais problèmes de santé qui se posent et qui justifient une intervention immédiate des autorités. Les réseaux parallèles ont concerné aussi des produits relevant plutôt de la cosmétique », note Gérard Palazzo qui souligne comment la catégorie OTC (cosmétique, hygiène notamment) soit davantage la cible des vols. « Il y a quatre familles de produits qui sont la cible de la contrefaçon ou de la falsification : les traitements des troubles de l’érection, les produits amaigrissants, les anabolisants et les produits pour blanchir la peau. Ce qui les caractérise c’est la gêne que l’on peut ressentir au moment de l’achat, leur coût et le fait qu’ils ne sont pas toujours légaux », déclare Bernard Leroy. Ce sont ces produits qui prospèrent sur internet. À titre d’exemple, 4 pilules de Viagra sont vendues entre 50 et 100 contre 400 € pour 200 pilules sur internet. « Il peut s’agir de version contrefaites ou falsifiées avec des additifs dangereux », ajoute-t-il. Lorsqu’un réseau se monte, il y a forcément un maillon de la chaîne logistique qui peut être impliqué, y compris au sein des distributeurs, note pour sa part, le président de Certipharm. Quant aux ruptures de charge induites par exemple par le transport aérien de produits de santé, la traçabilité est une garantie qui, encore une fois, minimise le risque, assure-t-il.
« La formation du personnel, l’évaluation des sous-traitants, la réactivité et le respect scrupuleux des BPD sont indispensables ». Et le président de l’IRACM de conclure : « le circuit des pharmacies est sûr en France et en Europe. En France, il y a 350 pharmacie en ligne légales mais il y a aussi des fausses pharmacies françaises qui sont hébergées à l’étranger ». À noter qu’à partir du 9 février 2019, conformément à la réglementation européenne, les numéros de lot seront remplacés par des numéros de boîte. Concrètement, le règlement délégué (UE) 2016/161 du 2 octobre 2015 impose l’adoption d’un identifiant unique comportant un code de produit, un numéro de série, un numéro de remboursement national, une suite numérique ou alphanumérique d’une longueur maximale de 20 caractères.
(1) La Directive 2011/62/UE a introduit des mesures pour lutter contre les médicaments falsifiés.