Avec une augmentation de 6 % en 2017, le marché français des pneus neufs pour poids lourds s’est montré très dynamique et semblait anticiper une hausse du prix des matières premières. L’année dernière, notre marché a absorbé 1 883 000 pneus, dont 61 % de neufs et 39 % de rechapés. Rappelons, que le taux de pénétration des rechapés atteignait 48 % en 2012. Sa baisse illustre la compétition entre deux modèles opposés. Celui qui domine consiste à associer l’achat d’un pneu premium au rechapage ultérieur de sa carcasse. L’approche concurrente est incarnée par des pneus à bas prix, non rechapables. Dans le premier cas, l’investissement initial est plus important, mais la durée de vie du pneu est au moins 2,5 fois supérieure à celle du pneu jetable et le bilan écologique est meilleur. Les chiffres publiés par le Syndicat national du caoutchouc et des polymères (SNCP) pour les quatre premiers mois de 2018 marquent une inversion de tendance avec des ventes de pneus neufs en baisse de 11 %, chiffre qui correspond également à la moyenne européenne. Au cours de la même période, les pneus rechapés augmentaient leurs ventes de 6 %. Ils confirment le retour à la hausse de leurs ventes constaté en 2017 après la baisse continue de celles-ci depuis 2011.
Lancé en octobre 2017 en première monte, le Michelin X Multi Energy est arrivé le 1er septembre dernier sur le marché de la rechange. Ce pneu « régional » promet une consommation réduite de 0,9 l/100 km par rapport à la précédente génération (Multiway 3D). En fait, Michelin dédouble sa gamme régionale en proposant d’une part le X Multi, qui conserve les fameuses tower pumps chargées d’assécher la route sous le pavé de gomme, et d’autre part le X Multi Energy, qui entraîne une nette baisse de consommation. Chez Michelin, on répète que l’étiquetage européen des pneumatiques correspond aux performances du pneu neuf. Le manufacturier insiste sur le maintien des performances de ses pneus au cours de leur vie. En d’autres termes, Michelin préfère un indice B pérenne pour l’adhérence sur sol mouillé plutôt qu’un indice A éphémère et largement dégradé à l’usage. Schématiquement, les pneus polyvalents X Multi et X Multi Energy représentent 60 % des ventes européennes de Michelin. Les pneus XLine à faible résistance au roulement correspondent à 15 % du volume tandis que le reliquat se répartit entre les pneus TP (XWorks), urbains (XInCity) ou pour autocars (XCoach). On remarque par ailleurs l’arrivée d’un pneu « quatre saisons » pour utilitaires légers avec l’introduction du Michelin Agilis Cross Climate.
Pour les applications routières, Continental avait jusque récemment une approche classique en proposant le Conti Eco+ pour un usage essentiellement sur autoroutes, et le Conti Hybrid pour le régional. Le manufacturier allemand part maintenant à la conquête des niches avec son pneu Light Pro, qui réduit de 100 kg la masse à vide d’un ensemble routier (allègement réparti sur les 12 pneus). Cela peut présenter un intérêt pour le transport de vrac liquide en augmentant la charge utile de 0,3 % bien que la longévité du Light Pro soit réduite de 25 % par rapport à celle du Conti Hybrid. Comme le Light Pro, l’Efficient Pro est sorti fin 2016 et est arrivé sur le marché de la rechange début 2018. L’Efficient Pro mise tout sur l’économie de carburant qu’il procure.
Malgré sa longévité en retrait de 20 % par rapport à celle un Conti Eco+, l’Efficient Pro peut se montrer économiquement intéressant pour certains profils de mission puisque Continental annonce une consommation réduite de 3 l/100 km. Contrairement aux autres pneus Continental, l’Efficient Pro n’est pas rechapable. Les pneus Light Pro et Efficient Pro correspondent ainsi à des cas d’usage précis.
Exclu de l’approche chantier, le Light Pro concerne les transports de produits chimiques, de liquides alimentaires et d’hydrocarbures. Pour ces derniers, la réduction du nombre de dépôts de carburant et de stations-service provoque un allongement des tournées qui incite à l’optimisation. Pour aller plus loin vers la légèreté, Continental propose également des coussins de suspension Contitech allégés qui réduisent la masse à vide de 80 kg.
Au dernier IAA, d’ailleurs, Continental a révélé l’eMotionPro sur le MAN CitE. Ce concept de pneu pourra être personnalisé à la demande des constructeurs de poids lourds électriques. En décembre prochain, Continental lancera une petite production de pneus faits à partir de gomme de pissenlit.
Comparés à des pneus étiquetés B, les nouveaux pneus FuelMax Performance permettent, selon GoodYear, une économie de 2 900 euros par an et par ensemble routier parcourant 100 000 km/an et consommant 30 l/100 km d’un carburant vendu 1,36 euros TTC. Forts d’une note A en résistance au roulement, les FuelMax Performance satisfont aux exigences des pneus hiver 3PMSF. Reprenant une idée concrétisée par Michelin depuis 2014, ils sont à leur tour munis d’une puce RFID qui identifie facilement chaque pneu.
Bridgestone a introduit son pneu hiver Nordic-Drive 001 en 2017 ainsi qu’une gamme régionale R2 en 17,5 et 19,5 pouces afin de couvrir 70 % des besoins de la distribution. Ces nouveaux pneus régionaux Bridgestone tiennent compte d’une usure aussi importante sur les flancs que sur les bandes de roulement pour les pneus avant des véhicules de distribution qui font face à une augmentation de 4 % des volumes en tonnes-kilomètres pour la distribution urbaine entre 2012 et 2016. À l’IAA, le coup d’éclat de Bridgestone est le lancement des nouveaux Ecopia H002. La marque japonaise les présente comme les pneus offrant les meilleures performances de leur catégorie en matière d’économie de carburant et de capacité de traction sur chaussée humide.
Commencé avec un pneu pour remorque, le déploiement de la gamme e-cube Blue est poursuivi par Hankook et permet d’équiper les essieux directeurs et les ponts moteurs avec des pneus à haute efficacité énergétique. À l’IAA, Hankook a levé le voile sur sa nouvelle gamme SmartWork destinée aux camions de TP dont l’utilisation est mixte, partagée entre la route et le chantier.
En Europe, environ 54 % des pneus neufs vendus en 2016 ne seraient pas issus des marques premium. D’autre part, il manquait un milieu de gamme à Michelin sur le Vieux Continent. C’est pourquoi le groupe français y lance BFGoodrich avec une communication virile et clairement tournée à la fois vers les artisans et vers les TPE-PME. Annoncée lors de Solutrans 2017, cette arrivée n’a été effective que cette année. Pour autant, BFGoodrich n’est pas un débutant dans le poids lourd et vend déjà ses pneus aux États-Unis, en Asie et au Maghreb. Le marché européen a cependant ses spécificités en termes de vitesses et de dimensions. Concrètement, un pneu BFGoodrich est 20 % moins cher qu’un Michelin et a Hankook pour concurrent frontal.
Toute la gamme BFGoodrich porte le label M+S et est rechapable. Plusieurs modèles disposent également du label 3PMSF. Avec 53 références, cette gamme annonce couvrir 80 % du marché. Les produits sont désignés Route Control pour un emploi routier, Cross Control pour un usage mixte et Urban Control pour une utilisation en ville. Évidemment, BFGoodrich fournit une garantie (remplacement de l’enveloppe), des services d’assistance ainsi que des applis sur smartphone.
Parce qu’il est possible d’indiquer la marque des pneus d’un poids lourd neuf lors de sa commande, la fabricant coréen Hankook fournit un bon d’achat de 20 euros par roue au sol en cas d’achat d’un camion MAN, Mercedes ou Scania muni de pneus de la marque. Le bon est naturellement à valoir sur un prochain achat de pneus Hankook. En outre, la marque garantit ses pneus pendant un an à partir de la date de montage contre tout dommage accidentel, y compris en utilisation chantier. Il faut toutefois être attentif aux conditions particulières, car l’indemnisation est plafonnée et décroît au cours de l’année de garantie.
La marque singapourienne GT Radial a installé son département R&D à Hanovre. Elle a lancé un pneu hiver alors que ce segment est traditionnellement tenu par les manufacturiers premium et ne représente guère que 2 à 3 % du marché du remplacement en France. En phase avec l’esprit du temps, GT Radial développe ses services et introduit le pneu connecté.
La proximité et la densité des réseaux sont importantes, mais la majorité de leurs interventions ont lieu sur parc grâce à des ateliers mobiles. Avant de choisir un réseau, il est bon de savoir à qui il appartient. Les manufacturiers sont prêts à acquérir les réseaux de distribution indépendants. En juillet dernier, l’achat par Hankook de Reifen-Müller, en Allemagne, témoigne de cette réalité. Rappelons que Euromaster est contrôlé par Michelin. Vulco l’est par Goodyear-Dunlop alors que Bridgestone dispose des réseaux First Stop et Côté Route. First Stop n’a donc pas grand mérite à proposer en exclusivité le rechapage à froid Bandag, puisque celui-ci est assuré par Bridgestone en France. En revanche, Profil+ est indépendant des manufacturiers. Également indépendants, les réseaux Point S et Siligom se sont réunis en 2016 pour améliorer leur maillage. L’enseigne Viasso et ses 250 points de service pour véhicules industriels sont le résultat de ce rapprochement (70 % Point S, 30 % Siligom). À travers Viasso, deux réseaux mutualisent leurs achats et s’arment pour développer leur activité grands comptes.
Visant également une meilleure couverture du territoire national, les réseaux EuroTyre, BestDrive et Feu Vert sont réunis sous la marque Fleet Partner. Elle propose le dépannage poids lourd, l’intervention sur site, le gardiennage de pneumatiques, le suivi de parc, les services liés au chronotachygraphe et le contrôle de pression à distance par Conti Pressure Check (CPC). Le choix de ce TPMS n’a rien d’étonnant quand on sait que BestDrive et Eurotyre sont contrôlés par Continental. Conformément à la tendance générale, Fleet Partner met à disposition une appli pour smartphone chargée du suivi de flotte et de la demande d’interventions. Quant à l’appli d’Euromaster, elle déclenche l’intervention et affiche la position de l’atelier mobile sur la carte pendant qu’il roule vers le véhicule à dépanner. Face à la concurrence, les réseaux ajustent leurs offres commerciales. Par exemple, Vulco propose à la fois une forfaitisation de la gestion du parc pneumatique et une facturation ajustée au kilométrage parcouru.
La pénurie de main-d’œuvre ne se limite pas aux chauffeurs et aux mécaniciens. Les gestionnaires de parcs pneumatiques et les techniciens du pneumatique poids lourd sont également recherchés. Le réseau Profil+ a d’ailleurs ouvert le site emploi-profilplus.fr pour trouver les techniciens, coordinateurs techniques, commerciaux et managers qui lui manquent. D’autre part, le syndicat des professionnels du pneu (SPP) élabore un certificat de qualification professionnelle (CQP) pour les spécialistes du pneu poids lourd. Chez Bridgestone (Bandag), la nouvelle automatisation du débridage des pneus à rechaper dans l’usine lyonnaise de Chaponost apporte une réponse partielle au manque de personnel. Cette opération, relativement longue pour un opérateur humain, était le goulot d’étranglement du processus de rechapage.
Les groupes Michelin (France), Bridgestone (Japon), Goodyear (États-Unis), Continental (Allemagne) et Pirelli (Italie) sont parmi les principaux fabricants de pneumatiques auxquels s’ajoutent les japonais Toyo et Yokohama ainsi que les sud-coréens Hankook et Kumho.
En complément de leur marque premium, les grands manufacturiers disposent de « deuxièmes marques » (ou marques standards), voire de « troisièmes marques » (ou marques budget) moins chères, mais moins avancées technologiquement que les marques premium. Par exemple, Firestone est la marque standard de Bridgestone, alors que Dayton en est la marque budget.
Selon ce principe, Michelin dispose des marques BFGoodrich, Kormoran, Riken et Tigar tandis que Dunlop, Fulda et Sava sont contrôlées par Goodyear. Quant à Continental, il exploite les marques Barum, Semperit, Uniroyal et Matador, pour ne parler que des marques appliquées aux pneus PL.
Sur les 1 156 000 pneus de poids lourds neufs vendus en France en 2017, on trouve 202 773 pneus chinois. Ils représentaient donc 17,5 % des ventes. En 2017, leur prix était inférieur de 20 % à la moyenne du marché. Rappelons que seuls 86 051 pneus chinois avaient été vendus en France en 2012. Ces produits ont connu une progression constante de leurs parts de marché depuis lors. En 2016, l’Union européenne a importé 7 millions de pneus poids lourds dont 63 % provenaient de Chine.