Le pneu, un actif qui se gère

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Les transporteurs français ont globalement une bonne connaissance du pneumatique, et la France est principalement un marché de pneus premium. Michelin y a fait passer ses messages depuis longtemps. En conséquence, le modèle d’utilisation des « quatre vies du pneu » – c’est-à-dire pneu neuf, recreusé, rechapé, recreusé – est à la fois connu et fréquemment pratiqué par des entreprises de plus en plus attentives à leur TCO. En évolution constante, le pneu s’entoure de nouveaux services et de systèmes de surveillance innovants. Pour un transporteur, s’équiper d’un dispositif de relevé automatique de la profondeur des sculptures et de la pression des pneus est un facteur d’économies et de disponibilité du parc.

La gestion du parc pneumatique est un moyen de réduire le TCO des transporteurs. Tout part du suivi. Le prestataire chargé de la gestion des pneus doit consulter le transporteur et visualiser les cartes grises (semi-remorques et tracteurs) de manière à réaliser les permutations, recreusages, rechapages ou remplacements au meilleur moment. Il est pour cela indispensable d’avoir une perception précise de l’état de l’ensemble du parc. Il est tout aussi essentiel de ne pas laisser passer les échéances. Au-delà d’un certain degré d’usure, le recreusage n’est plus possible et on perd les 25 % de durée de vie supplémentaire qu’aurait offerte cette opération au pneu. Le prestataire doit donc être capable d’intervenir au bon moment. Dans ce but, des outils informatiques comme Track+ exploitent de façon non intrusive les solutions de géolocalisation installées par les transporteurs afin de savoir, par geofencing, quand les véhicules à traiter rentrent vers leur entreprise ou passent près d’une agence du réseau pneumaticien sous contrat. Les opérations d’entretien nécessaires sont ainsi réalisées sans trop gêner l’exploitation. Le chef d’agence du réseau pneumaticien ou le responsable de parc du transporteur en sont préalablement informés. Le tort des petites flottes est d’imaginer que les outils de gestion de flotte ne leur sont pas destinés. Ce n’est pas le cas. Rappelons par ailleurs que les données émises par les véhicules des transporteurs appartiennent à ces derniers. Vis-à-vis des réseaux pneumaticiens, l’une des questions importantes est « qui appartient à qui ? ». Si First Stop propose en exclusivité le rechapage à froid Bandag, c’est parce que Bandag et First Stop ap­partiennent à Bridgestone, qui contrôle également Côté Route. D’autre part, Vulco est la propriété de Goodyear-Dunlop et Michelin possède Euromaster. Quant à Continental, il dispose des réseaux BestDrive et Eurotyre. Parmi les indépendants, les réseaux Point S et Siligom se sont réunis en 2016 pour améliorer leur maillage. L’enseigne Viasso et ses 250 points de services pour véhicules industriels sont le résultat de ce rapprochement (70 % Point S, 30 % Siligom). À travers Viasso, deux réseaux mutualisent leurs achats et s’arment pour développer leur activité grands comptes. Encore une fois, les TPE du transport ne doivent pas se sentir exclues.

Des pneus premium pour Les transporteurs français

Bien que la France soit un marché de pneus premium, il y a de la place pour les autres niveaux de gammes. L’arrivée récente de BF Goodrich sur le marché PL européen a par exemple provoqué dans certains cas le remplacement de pneus low cost par des BF Goodrich de meilleure qualité. Cela correspond à une montée en gamme pour les utilisateurs concernés qui y ont gagné en kilométrage. Les groupes Michelin (France), Bridgestone (Japon), Goodyear (États-Unis), Continental (Allemagne) et Pirelli (Italie) sont parmi les principaux fabricants de pneumatiques auxquels s’ajoutent les japonais Toyo et Yokohama ainsi que le singapourien GT Radial et les sud-coréens Kumho et Hankook. Ce dernier s’est bâti une réputation enviable, notamment en TP. En complément de leur marque « premium », les grands manufacturiers disposent de « deuxièmes marques » (ou marques standards), voire de « troisièmes marques » (ou marques budget) moins chères, mais moins avancées technologiquement que les marques premium. Par exemple, Firestone est la marque standard de Bridgestone alors que Dayton en est la marque budget. Selon ce principe, Michelin dispose des marques BFGoodrich, Kormoran, Riken et Tigar tandis que Dunlop, Fulda et Sava sont contrôlées par Goodyear. Quant à Continental, il exploite les marques Barum, Semperit, Uniroyal et Matador, pour ne parler que des marques appliquées aux pneus PL. Ces positionnements marketing ne reflètent pas toujours les qualités réelles du pneu. Ainsi, un pneu Dunlop mériterait mieux que d’être qualifié de seconde marque. Comme pour leurs pneus neufs, les manufacturiers ont une politique de marque pour leurs pneus rechapés. Ainsi, les carcasses Goodyear et Dunlop rechapées par Goodyear-Dunlop sont vendues sous la marque TreadMax alors que la marque NextTread est appliquée aux carcasses des autres marques qui passent par les ateliers de rechapage de ce manufacturier. Chez Michelin, les pneus rechapés sont appelés Michelin Remix.

Les stratégies d’utilisation du pneu se diversifient

La répartition des gammes routières entre pneus régionaux et longue distance devient de plus en plus complexe avec l’arrivée de pneus optimisés pour le kilo­métrage (Goodyear KMax) ou pour la consommation (Goodyear FuelMax) au sein des offres longue distance. De même, les gammes régionales se dédoublent parfois. Continental avait jusque récemment une approche classique en proposant le Conti Eco + pour un usage essentiellement sur autoroutes, et le Conti Hybrid pour le régional. Le manufacturier allemand part maintenant à la conquête des niches avec son pneu Light Pro qui réduit de 100 kg la masse à vide d’un ensemble routier (hybride réparti sur les 12 pneus). Ceci peut présenter un intérêt pour le transport de vrac liquide en augmentant la charge utile de 0,3 %, bien que la longévité du Light Pro soit réduite de 25 % par rapport à celle du Conti Hybrid. L’Efficient Pro de Continental mise tout sur l’économie de carburant qu’il procure. Malgré sa longévité en retrait de 20 % par rapport à celle d’un Conti Eco+, l’Efficient Pro peut se montrer économiquement intéressant pour certains profils de mission puisque Continental annonce pour lui une consommation réduite de 3 l/100 km. Contrairement aux autres pneus Continental, l’Efficient Pro n’est pas rechapable. Les pneus Light Pro et Efficient Pro correspondent ainsi à des cas d’usage précis. Le Michelin X Multi Energy est un pneu « régional » qui promet une consommation réduite de 0,9 l/100 km par rapport au Multiway 3D auquel il succède. En fait, Michelin dédouble sa gamme régionale en proposant d’une part le X Multi qui conserve les fameuses tower pumps chargées d’assécher la route sous le pavé de gomme, et d’autre part le X Multi Energy qui entraîne une nette baisse de consommation. Chez Michelin, on répète que l’étiquetage européen des pneumatiques correspond aux performances du pneu neuf. Le manufacturier insiste sur le maintien des performances de ses pneus au cours de leur vie. En d’autres termes, Michelin préfère un indice B pérenne pour l’adhérence sur sol mouillé plutôt qu’un indice A éphémère et largement dégradé à l’usage. Schématiquement, les pneus polyvalents X Multi et X Multi Energy représentent 60 % des ventes européennes de Michelin. Les pneus XLine à faible résistance au roulement correspondent à 15 % du volume, tandis que le reliquat se répartit entre les pneus TP, urbains ou pour autocars.

Gestion numérique du parc pneumatique

L’achat de TomTom Telematics (devenu Webfleet Solutions le premier octobre) par Bridgestone en avril dernier et celui de Masternaut par Michelin en mai témoignent du déplacement de la création de valeur vers le service numérique. Vendre du service dématérialisé devient stratégique pour des entreprises habituées à vendre des produits consommables. Continental est non seulement un manufacturier, mais aussi un équipementier spécialiste de la sécurité et de la connectivité. Il a lancé son propre dispositif de maintenance prédictive appelé TruckOn, dont les prérogatives ne se limitent pas aux pneumatiques. En tant que TPMS de Continental, le ContiPressure Check (CPC) s’intègre désormais aux systèmes de gestion de flotte. Le CPC est déjà compatible avec des dizaines de systèmes télématiques dont Astrata, Fleetboard (Daimler), Webfleet (ex-TomTom), RIO ou encore, VDO TIS-Web et VDO fleet visor qui font tous deux partie du groupe Continental. Le bouquet de services Conti360 inclut l’audit de la flotte. Sous la marque TireCare, Michelin regroupe un ensemble d’outils de surveillance et de suivi du parc pneumatiques. Quant aux Michelin Solutions, ce sont des services qui visent à optimiser la rentabilité de la flotte en prenant pour point de départ la surveillance de la pression des pneus complétée par la géolocalisation. Parmi ces services, Effitrailer ne se contente pas de lutter contre le trop habituel sous-gonflage des pneus de semi-remorques. Il limite les retours à vide et les périodes d’inutilisation tout en assurant si nécessaire le suivi de la température à bord des semi-remorques frigorifiques. Quant au site Web MyBestRoute, il compare le coût du transport selon l’itinéraire et le véhicule choisis. Chez Goodyear, les ProActive Solutions comprennent des fonctions de géolocalisation (track and trace, geofencing) ainsi que l’analyse du style de conduite d’un chauffeur. Les applis mobiles apportent au gestionnaire de flotte une vue d’ensemble sur son parc et communiquent aux chauffeurs les informations qui concernent les pneus de leurs véhicules. Le TPMS des ProActive Solutions inclut un algorithme prédictif (G-Predict) qui annonce un incident jusqu’à cinq jours avant sa survenue selon le manufacturier. À sa nouvelle génération de pneumatiques qui offre davantage de kilomètres, une moindre consommation et une meilleure adhérence sur chaussée humide, Bridgestone ajoute sa gamme de services Total Tyre Care, Fleetpulse et Webfleet. Total Tyre Care est une solution de gestion du parc pneumatique pour les grands comptes incluant contrat, fiches de travail pour les monteurs, inspections aidées par des outils numériques, validation des opérations par un prestataire et par le gestionnaire de flotte, mais aussi facturation centralisée et production de rapports. Il doit en résulter un suivi optimisé des pneumatiques y compris dans le cas d’une exploitation internationale. Pour le transporteur, la productivité et la visibilité sont assurées par un contrat unique et par un suivi centralisé de l’intégralité des opérations. Total Tyre Care assure la gestion du parc pneumatique depuis le suivi jusqu’au remplacement en fin de vie en passant par l’inspection, le recreusage ou le rechapage (Bandag). Le suivi comprend une identification de chaque carcasse (système BASys). L’appli FleetPulse aide à la détection des petits problèmes lors de la vérification technique, petits problèmes qui peuvent avoir de lourdes conséquences sur la route. Cette appli est comparable à MyInspection de Michelin. Évidemment, les services de gestion de parc pneumatique proposés par les manufacturiers sont pour eux des outils de fidélisation. La gestion de parc pneumatique doit donc être envisagée dans le cadre d’une relation gagnant-gagnant en réduisant les coûts du transporteur.

Contrôler ses pneus automatiquement

Le pneu communiquant Michelin est aujourd’hui peu exploité car il impose l’emploi de lecteurs RFID dont l’utilisation est loin d’être généralisée. L’étiquette RFID de ces pneus n’est pour l’heure qu’une carte d’identité pour la carcasse. À ce jour, il n’est pas possible d’y enregistrer des données, ce qui limite les possibilités de suivi et de saisie d’opérations à venir. En revanche, et indépendamment de son montage (sur valve, sur jante ou sur calandrage) l’éventuelle sonde TPMS est communiquante. En moins de vingt secondes, la surface de contrôle créée par Ventech, et cédée en 2017 à Goodyear, mesure ou récupère la charge par essieu, la pression des pneus et la profondeur des sculptures. Il suffit au chauffeur de passer avec son véhicule sur la zone de lecture (drive over reader). Le Tirematics de Bridgestone relève la pression des pneus quand le véhicule passe à proximité d’une borne qui peut être placée à l’entrée de l’entreprise de transport. Pour cela, chaque pneu doit être équipé d’une sonde avec transmetteur. On évite ainsi la vérification manuelle de chaque pneu et l’opération de regonflage peut se concentrer sur les pneus qui la nécessitent. Peu représenté sur le marché PL français, Pirelli propose le Cyber Fleet Gate, qui contrôle les pneus quand le véhicule passe près de ses bornes. Il envoie ensuite les informations utiles vers les smartphones des utilisateurs concernés. Il peut également intégrer les informations à un système de gestion de flotte. Trop souvent perçu comme un simple consommable, le pneu doit plutôt être considéré comme un actif à valoriser. L’offre actuelle permet de nouvelles stratégies d’exploitation en privilégiant l’adhérence, la longévité ou la consommation. Après le choix du pneu, qui a été déterminé par la mission de transport, il faut « faire vivre » le pneu en surveillant sa pression, mais aussi en gérant finement le parc pneumatique, ceci afin de réduire le TCO.

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