Des marchandises manquantes ou détériorées, tels sont les deux principaux motifs des litiges pouvant survenir lors d’une livraison. « Lorsqu’un produit manque, le constat est immédiat et sans réserve. En revanche, si un colis ou une palette se trouvent abîmés, il est relativement rare de voir le destinataire s’intéresser au contenu. Il émettra alors une pré-réserve avant de la confirmer éventuellement dans le délai légal imparti », explique Pascal Vandalle, directeur délégué au pôle terrestre de TLF. Olivier Arrigault, délégué régional Hauts-de-France de la FNTR, précise qu’« une avarie est observée lorsque l’état du produit livré se trouve différent de celui chargé. Le transporteur est alors présumé responsable ».
Les deux représentants de fédération n’ont pas constaté d’évolution relative à la nature des livraisons litigieuses ou à leur nombre ces dernières années. Carole Marchesan, gestionnaire litiges chez Astre, note toutefois : « En valeur absolue, les litiges que nous pouvons être amenés à traiter ont certes augmenté mais en proportion de la croissance des activités du groupement. Grâce à des procédures de traçabilité toujours plus efficaces, nous sommes en mesure de chercher et de trouver des solutions dans le cas d’un éventuel dérapage. En ce qui nous concerne, nous faisons, quoi qu’il en soit, chaque mois un point avec nos clients. »
Afin de minimiser les risques d’une livraison litigieuse, il convient d’apporter la plus grande attention à la lettre de voiture dès le chargement. « Un transporteur ne doit pas hésiter à exercer son droit de contrôle et à émettre le cas échéant des réserves lors de l’enlèvement. Au moment de la livraison, les contre-réserves mentionnées par le conducteur peuvent en outre être déterminantes. C’est pourquoi leur niveau de détail sera primordial », observe Olivier Arrigault. Pascal Vandalle renchérit : « Les réserves doivent être les plus détaillées possible. Si une marchandise manque, il convient d’indiquer le nombre de box, de colis voire de sachets concernés. » La formation joue également un rôle préventif, aussi bien du côté des caristes que de celui des conducteurs. Chez Astre, ces derniers sont formés à la notation de réserves et de contre-réserves. « Prendre des photographies à l’aide d’un smartphone au départ, lors du déchargement et de la réception peut s’avérer indispensable », remarque la gestionnaire litiges. Dans bien des cas pourtant, la confiance prime. « Travailler régulièrement avec un chargeur favorise l’établissement d’une bonne relation qui peut parfois permettre de faire abstraction de difficultés momentanées », pointe le directeur délégué du pôle terrestre de TLF. D’autant que le temps est compté. « Il s’agit souvent d’opter pour la décision adéquate en fonction de plusieurs paramètres : la relation au client concerné, le temps et le coût potentiel », remarque encore Pascal Vandalle. Selon la gestionnaire litiges du groupement Astre, « la mise en place d’un cahier des charges très précis, proposant des règles clairement écrites, pour que chaque partie s’y retrouve » est aussi une condition préalable à toute relation. Enfin, le conditionnement de la marchandise est un élément dont il s’agit de tenir compte. « Plus la charge est unifiée, moins le risque est important. Pour cela, une palette entourée de film et pourvue d’une bande de garantie permet de se prémunir au maximum », avance le représentant de TLF.
En cas de litige avéré, les assurances entrent en action et prennent le relais. Carole Marchesan poursuit : « Un expert sera désigné. Son rôle consiste à déterminer si le problème survenu est dû au transport ou au conditionnement. Si la responsabilité du transporteur est confirmée, ce dernier se voit facturer un montant qui dépend de deux principaux critères : le PTAC du véhicule et la nature du trajet, national ou international. » Des accords à l’amiable sont toujours possibles. Le délégué régional Hauts-de-France de la FNTR assure que « depuis une bonne dizaine d’années, le taux de règlements à l’amiable a tendance à augmenter parce que les contentieux judiciaires sont coûteux en temps et en argent ». Dans un tel cas de figure, « le transporteur pourra être amené à prendre à sa charge l’acheminement de la marchandise », révèle Carole Marchesan. La gestionnaire regrette toutefois que « les arrangements à l’amiable ne soient pas majoritaires ». Évidemment, les réserves consécutives de cas de force majeure liés à des intempéries exceptionnelles ou des grèves sont rapidement levées.
Compte tenu des évolutions technologiques, de nouvelles problématiques relatives à la dématérialisation des documents de livraison peuvent se faire jour. « Dans ce domaine, il existe encore des flous en matière de réglementation, qui peuvent générer des litiges. Ainsi, justifier du cachet de l’entreprise peut poser problème. Une solution consiste, particulièrement pour les trafics importants, à régler cette question par l’établissement d’un contrat entre les deux parties stipulant par exemple une validation possible de la livraison par l’envoi sécurisé d’un code du réceptionnaire au transporteur », explique Pascal Vandalle. Le directeur délégué au pôle terrestre de TLF identifie par ailleurs deux types de produit plus spécifiquement exposés au risque de livraison litigieuse : les produits sensibles comme les cosmétiques ou l’électronique ainsi que les aliments. « Depuis quelques années, la disparition de denrées alimentaires avant la prise en charge ou pendant le transport à proprement parler a augmenté », explique-t-il. Pascal Vandalle souligne aussi la spécificité des livraisons de nuit : « Le conducteur peut parfois se trouver dans la situation de récupérer les documents de livraison la nuit suivante. Dans de telles conditions, la relation entre les deux parties se doit d’être encore plus étroite et fondée sur la confiance. »