La surcapacité européenne de raffinage de l’industrie pétrolière a conduit à des restructurations à Fos avec l’arrêt notamment de l’activité de Total La Mède et sa reconversion cette année en bioraffinerie. La manne pétrolière s’amenuisant, le port a du trouver des relais de croissance dans les flux conteneurisés, en hausse depuis six ans. La photographie des flux en 2017 à Marseille-Fos reflète cette tendance de reconfiguration des trafics marquée par une chute de 5 % des vracs liquides et la hausse de 10 % des flux conteneurisés totalisant 13 millions de tonnes chargées dans près de 1,4 million d’EVP.
Pour la sixième année consécutive, le trafic conteneurisé progresse. Cette tendance devrait se poursuivre en 2018. À fin avril, les flux conteneurisés dépassent les 448 000 EVP, soit une hausse de 4 % comparé à la même période de 2017. Si les expéditions de conteneurs sont demeurées stables, les imports sont en hausse de 8 %.
Le début d’année a été marqué par l’engorgement des terminaux de Fos, se traduisant par des difficultés d’accès pour les transporteurs routiers. Les nouvelles règles de prise de rendez-vous instaurées en mars par PortSynergy-EuroFos ont eu un effet immédiat sur la fluidité, entraînant une augmentation des rotations des poids lourds. Le 25 mai 2018, le manutentionnaire signait un pic d’activité pour les pré– et post-acheminements routiers avec 1 307 camions reçus, pour 1 856 conteneurs chargés et déchargés sur les camions.
Pour accompagner cette croissance, manutentionnaires et autorité portuaire investissent massivement. PortSynergy-Eurofos a engagé ces dernières années 100 M€ pour financer la modernisation des installations et l’augmentation des moyens de manutention sur le terminal et bord à quai. Le groupe a augmenté de 20 % son parc de cavaliers avec 27 engins supplémentaires depuis 2015 et l’acquisition de deux portiques. Seayard s’est lancé également dans la course aux investissements avec l’achat en 2016 d’un sixième portique à conteneurs. La mise en service de ce Super-Post Panamax a été retardée à fin 2018 en raison du dépôt de bilan de Paceco. Des négociations sont en cours pour augmenter le parc de cavaliers. Actuellement, 25 engins jaunes évoluent sur le terminal. Les effectifs ont également dû suivre à Fos avec 817 dockers prévus à fin 2018 grâce au recrutement de 140 personnes.
Une nouvelle phase de travaux va prochainement débuter portant sur la jonction des terminaux de Seayard et de PortSynergy-Eurofos. Ce chantier de 25 M€ doit durer dix-huit mois. À compter de 2020, Fos bénéficiera d’un linéaire de quai à 2,6 km permettant l’accostage de quatre porte-conteneurs de 400 m de long.
Communément appelée « rotule », cette zone de 6 ha (concédée par le port à EuroFos) permettra aux acconiers de mutualiser les portiques pour gagner en productivité. « Ce linéaire de quai supplémentaire bénéficiera également aux barges avec la création d’une zone d’échanges permettant de faire passer des conteneurs de Seayard chez Eurofos et inversement », explique la directrice du port, Christine Cabau-Woehrel. Cette zone tampon devrait donc éviter aux barges de déhaler. La montée en puissance des trafics conteneurisés à Fos n’a pas profité au fluvial, en recul de 5 %, totalisant 79 000 EVP acheminés en 2017 sur l’axe Rhône-Saône. La part des pré– et post-acheminements ferroviaires a, en revanche, augmenté de 15 % l’an dernier avec 140 000 EVP. « Actuellement, nous enregistrons une croissance de 25 % du report modal sur le fer à Fos », précise Mme Cabau-Woehrel.
« Nous avons en projet de relier les faisceaux ferroviaires sur les terminaux de Fos afin d’optimiser les ruptures de charge pour faire sortir des trains complets. Lorsqu’un train arrive sur le réseau ferroviaire, la locomotive est déconnectée et le train est découpé. Avec une infrastructure interconnectée, nous limiterons les manœuvres. Les travaux, d’un coût de 16 M€, démarreront début 2019. Les manutentionnaires ont prévu de remplacer les reachstackers par des cavaliers qui amèneront directement les conteneurs sur les trains », précise Philippe Bion, chef du département ingénierie au port de Marseille-Fos. Une nouvelle aire de 26 ha sera également aménagée et réservée aux services portuaires de conteneurs, l’actuelle zone étant saturée.
À l’automne 2018, les conteneurs ferroviaires devraient connaître des pics de trafic avec deux nouveaux développements. Le nouveau service ferroviaire hebdomadaire de Naviland Cargo entre la France et la Suisse, censé démarrer en mars 2018, a été retardé à septembre prochain en raison des exigences côté helvétique. L’opérateur de transport combiné exploitera deux liaisons, une au départ du Havre, l’autre depuis Fos, qui convergeront vers le terminal rail-route de Gevrey-Chambertin. Sur place, Naviland Cargo composera des trains qui circuleront en provenance et à destination de Genève sur le corridor ferroviaire européen mer du Nord-Méditerranée.
Autre grande nouveauté à compter de septembre, la décision de Nestlé Waters de renouer avec le ferroviaire huit ans après l’arrêt des derniers trains à Vergèze, où se trouve l’usine d’embouteillage de Perrier. Le groupe, qui expédie quelque 20 000 conteneurs EVP par an, prévoit de basculer 10 000 EVP sur le rail en réhabilitant les voies existantes. À compter de septembre, un train par jour tracté par l’opérateur privé Régiorail reliera Vergèze au port de Fos, soit 120 km. L’objectif étant de massifier les flux destinés au grand export et de retirer des milliers de camions à la route. L’usine gardoise investit pour augmenter sa production annuelle de 1,7 milliard de bouteilles actuellement à 2 milliards en 2020.
Sous la pression des organisations professionnelles (Autf, AMCF…), le secrétariat général à la mer a demandé aux sociétés éditrices Soget*, au Havre, et MGI, à Marseille, de faire converger leurs cargo community systems (CCS). Les effets bénéfiques se feront pleinement sentir lorsque les nouveaux systèmes Ci5 et S)One seront généralisés.
Depuis la fin 2016, les deux sociétés œuvrent à la réalisation d’interfaces communes entre Ci5 et S)One. Un choix stratégique a été de ne pas créer un portail commun immédiatement mais plutôt de se concentrer en 2017 sur l’uniformisation des interfaces EDI (échanges de données informatisées) reposant sur le format Edifact. Un fois cette première phase achevée, Soget et MGI s’attelleront à la création de connecteurs de type Web service uniques plébiscités par les professionnels. « Nous avons bien avancé sur ces sujets et Ci5-S)One seront compatibles en termes d’interface. Par la suite, un connecteur unique permettra de tracer une marchandise quel que soit son port de transit », explique Alain Perez, directeur des systèmes d’information et de l’organisation de MGI. Le directeur du projet Ci5 annonce sa mise en service progressive au gré des formations à compter du 4 septembre sur Marseille-Fos pour traiter la première escale dans le nouveau système Ci5 à partir du 16 octobre 2018.
Ensuite, début 2019, les transporteurs routiers bénéficieront d’une application mobile délivrant des informations prédictives. À la différence d’un Waze ou d’un Plans, cette appli concentrera les informations liées à l’accessibilité au port, à la fluidité du passage sur les terminaux en y associant la météo et tout autre événement pouvant perturber l’activité (bouchons, accidents, manifestations…). « Elle donnera au transporteur l’information sur le temps de parcours pour livrer les conteneurs afin d’optimiser ses tournées et lui permettra de connaître les statuts en temps réel en terme de tracking-tracing », complète Alain Perez.
* dont Hervé Cornède, anciennement directeur commercial et marketing d’HAROPA, a pris la direction générale, il y a un mois.