Rien ne différencie, aujourd'hui, la gestion d'une entreprise industrielle d'une entreprise de transport routier. Elles ont les mêmes soucis de qualité, de productivité et de rentabilité. Sauf que les machines du transporteur sont sur la route et que les salariés sont en perpétuel déplacement. La principale préoccupation du transporteur pour optimiser la gestion de son personnel et de son parc est donc d'entretenir un contact permanent avec eux. Car il doit concilier des choses parfois inconciliables, respecter les réglementations sociales et de sécurité. Pour ce qui concerne le conducteur, les temps de conduite et la durée du travail qui sont limités, tandis que le véhicule doit circuler le plus longtemps possible et en charge, en limitant les durées d'immobilisation...
Les outils informatiques et les moyens de communication embarqués ont apporté progressivement aux opérateurs routiers les instruments de management lui permettant d'atteindre cet objectif. Certes ces équipements sont onéreux mais les perspectives d'économies à réaliser sont néanmoins importantes. Selon une étude réalisée par l'Institut Français de Navigation « les gains de productivité dûs aux applications de gestion de flotte sont évalués à au moins 10% ». Quant à Joël Naudin, directeur du marketing transport à France Télécom, il déclarait dans l'Officiel des Transporteurs que, « pour une flotte de 100 véhicules, le gain réalisable grâce à l'informatique embarquée et l'équipement nécessaire aux échanges avec l'entreprise est de l'ordre de 1 % du chiffre d'affaires ». Cela n'a rien de négligeable constatait-t-il, dans un secteur où les marges se situent généralement entre 2 et 3%.
Pourtant, malgré les besoins exprimés et les perspectives d'économies annoncées, ces outils informatiques d'aide à la gestion ont eu du mal à s'imposer car les transporteurs ont essuyé quelques déboires. A leur décharge, il faut rappeler que ces équipements sont arrivés sur le marché en ordre très dispersé et présentaient parfois entre eux certaines incompatibilités quand ils n'étaient pas tout simplement inadaptés.
« Un ordinateur placé à bord d'un véhicule, soumis à d'importantes variations de températures, ne peut pas avoir les mêmes caractéristiques techniques qu'un appareil fonctionnant dans un local climatisé », souligne Yves Bourdon chez Erim, constructeur spécialisé dans la fabrication d'ordinateurs industriels. Par ailleurs, l'informatique a connu des évolutions treès rapides qui ont été aggravées par des phénomènes de mode, un phénomène auquel le transport n'est guère sensible. « Un transporteur souhaite s'équiper d'un système qui aura au moins la longévité du véhicule », reconnaît-on chez Erim.
Parallèlement, en ce qui concerne le suivi des véhicules, on a assisté également à quelques errements. Tous les systèmes de suivi satellitaire qui ont été proposés n'ont pas démontré la même fiabilité. Au Global Positionning System (GPS), se sont substituées les balises GSM utilisées parallèlement par les téléphones portables. Or le nombre d'abonnés GSM qui était de 4 millions en 1992 est passé à 250 millions cette année. « On a donc, forcément, assisté à des encombrements sur les lignes... », fait remarquer Reynald Paris, directeur commercial d'Alcatel Mobicom.
Ce désordre a inquiété les autorités européennes. Le projet Cometa a été initié pour répondre« aux préoccupations des gestionnaires de flottes devant la prolifération potentielle de systèmes informatiques embarqués susceptibles d'être proposés sur le marché en ordre dispersé ou plus ou moins imposés par diverses autorités », explique Jean-Claude Renesson chargé du développement des systèmes de transport « intelligent » à l'AFT-Iftim. « Les exigences des professionnels qui se sont exprimées au cours de l'élaboration de ce projet se sont résumées dans l'attente de systèmes les plus efficaces possibles, d'un usage aisé, économiques tout en étant intégrés au maximum et permettant la plus large multifonctionnalité. Un exemple spécifique est fourni par le futur chronotachygraphe électronique qui fera son apparition en 2002: il est conçu à des fins réglementaires, mais les transporteurs entendent pouvoir en bénéficier comme d'un outil de gestion de flottes et des conducteurs ».
Le programme Cometa s'est achevé cette année, il a défini « l'architecture électronique et télématique souhaitée par les utilisateurs dans la gestion des véhicules ». Il a donné lieu à des recommandations et à des propositions qui ont été transmises aux organismes de normalisation concernés. Cette architecture et ces recommandations ont fait l'objet de « manuels d'utilisation » destinés, à la fois, aux concepteurs et utilisateurs d'architectures et de systèmes dans le domaine de l'informatique, aux constructeurs de véhicules et équipementiers fabriquant des systèmes embarqués ainsi qu'aux gestionnaires de flottes.
« Un ensemble d'instruments est donc actuellement disponible, avant de considérer des possibilités de normalisation en tant que telles, poursuit Jean-Claude Rennesson, afin d'élaborer un cahier des charges d'investissement ou d'envisager les conditions et conséquences de ce qui sera une plus grande intégration de l'outil de production mobile que représente le trinôme conducteur/véhicule/remorque (caisse mobile ou conteneur) ».
Sans avoir attendu les conclusions du projet Cometa, les fabriquants de systèmes, les équipementiers et les constructeurs de véhicules qui, pour la plupart, participaient aux travaux, ont commencé à commercialiser des outils d'informatique embarquée qui, sans être normalisés, répondent à un protocole commun. Ils en annoncent la pérennité, la compatibilité entre eux et leur adaptabilité à tous les systèmes présents et à venir...Dont acte.
Car les évolutions des techniques qui s'annoncent à nouveau avaient, une nouvelle fois de quoi inquiéter. « La forte demande en matière de traçabilité que nous enregistrons, s'exprime à deux niveaux », explique Erick Gaussens, directeur du développement de data Proxima, entreprise spécialisée dans la conception et l'optimisation de systèmes informatiques. « Elle est inhérente au produit transporté et concerne la sûreté et sécurité de la marchandise, notamment lorsqu'il s'agit de produits sensibles, voire tout simplement en matière de produits agro-alimentaires comme l'actualité nous en a fourni un exemple récemment. Mais elle peut-être également liée au bon déroulement du service dans le cadre d'une relation client/fournisseur. Dans notre apport au secteur du transport, les systèmes informatiques que nous proposons s'insèrent entre les camions de l'entreprise ou de ses partenaires et les systèmes d'information de l'entreprise, ERP, systèmes logistiques etc. »
Comme la plupart des instruments analogues qui sont actuellement disponibles sur le marché, le système se compose de trois modules: une partie embarquée à destination des chauffeurs, une partie fixe qui traite les liaisons et un module de communication qui relie les deux parties et qui comprend un téléphone ou un réseau radio, le fil, et, éventuellement, un système de positionnement satellitaire. Il transmet la voix, des messages et des données.
Or, ce sont ces trois modes de transmission qui sont appelés à évoluer. Très vite en ce qui concerne le téléphone portable puisque le GSM est en train de se faire détrôner par le Wap alors que s'annonce déjà l'UMTS. Celui-ci présentera davantage d'aptitude à transmettre les données et sa possibilité de raccordement à Internet pourrait avoir une incidence sur l'utilisation du web dans les transports.
Par ailleurs, l'échange de données informatisées, initialement réservé à des ordinateurs fixes, se transforme petit à petit en EDI mobile et, enfin, l'Europe a décidé de s'affranchir du GPS américain pour créer son propre système satellitaire dans le cadre du programme Galiléo. Il ne devrait rien changer, dit-on, pour les utilisateurs du GPS. Mais Galiléo ne devrait être opérationnel qu'en 2008. D'ici là, au rythme où évolue l'informatique, les camions n'auront peut être plus besoin de chauffeurs...