Le pacte Dutreil est un dispositif qui allège la fiscalité de la transmission d’entreprise. Il vise à encourager le passage de relais entre le dirigeant et ses héritiers. Ainsi, les titres transmis sont exonérés des droits de donation ou de succession à hauteur de 75 % de leur valeur. L’article 40 de la loi de finances (LF) pour 2019 apporte plusieurs modifications au pacte Dutreil.
Désormais, la société qui fait l’objet du pacte Dutreil et ses bénéficiaires n’ont plus à délivrer une attestation à l’administration chaque année. Rappelons que ce document servait à confirmer que les conditions de l’exonération partielle des droits de mutation avaient bien été respectées de manière continue depuis la transmission. « Il suffit au légataire d’adresser au service des impôts dont il dépend une attestation à la fin de la période de conservation », précise Aurélien Rol, chargé de mission au sein de l’Union notariale financière (Unofi).
En principe, les parties signataires du pacte Dutreil doivent conclure un engagement collectif de conservation des parts sociales transmises d’une durée minimale de deux ans. De plus, lors de la donation ou de la transmission, chacun des héritiers, donataires ou légataires, doit à son tour, s’engager à conserver les titres reçus pendant une nouvelle période de quatre ans. L’article 40 de la LF 2019 assouplit l’engagement collectif. Dorénavant, un associé peut conclure seul cet engagement alors qu’auparavant, pour qu’un engagement soit qualifié de « collectif », il fallait la présence de deux associés. « Ce qui posait problème avec les Sasu et les Eurl. Désormais, l’engagement collectif peut être individuel. Ce qui signifie que n’importe quel associé peut s’engager sur l’engagement dit “collectif” pendant deux ans même s’il ne signe pas de pacte d’associés », explique Hubert Fabre, notaire associé chez VXL Notaires.
Depuis la nouvelle LF, pour les sociétés non cotées, l’engagement de conservation des titres doit porter sur au moins 17 % des droits financiers et 34 % des droits de vote attachés aux parts sociales (auparavant un seul seuil de 34 % existait). Pour les sociétés cotées, ces seuils se situent respectivement à 10 % (auparavant 20 %) et 20 % des droits de vote attachés aux titres émis. En pratique, cela ouvre l’opportunité d’envisager des engagements collectifs limités à 17 % du capital. « Cette disposition a le mérite de permettre des engagements collectifs avec des apports financiers moins importants, puisqu’un dirigeant n’est plus obligé de transmettre 34 % du capital. Il peut envisager un engagement collectif limité à 17 % du capital », commente Hubert Fabre.
Pour rappel, l’engagement est « réputé acquis » si les titres détenus depuis deux ans au moins par une même personne physique seule ou avec son conjoint ou partenaire pacsé atteignent les seuils prévus, et si cette personne ou son conjoint ou son partenaire pacsé exerce depuis plus de deux ans au moins dans la société son activité professionnelle à titre principal, ou une fonction de direction.
La LF apporte deux modifications. D’une part, le concubin notoire est désormais pris en compte et peut aussi remplir la condition d’activité, et d’autre part, le « réputé acquis » est étendu aux sociétés interposées avec deux niveaux de holding, alors qu’auparavant, il fallait détenir les titres en direct.
À noter qu’en cas de cession des titres reçus, pendant les délais d’engagement collectif, à l’un des signataires de l’engagement, la remise en cause de l’exonération ne sera possible que sur les titres cédés et non plus sur l’intégralité des titres.
« Le pacte Dutreil est un système performant mais complexe. Deux pièges sont à éviter. Quand il y a des holdings, il faut s’assurer que la holding est vraiment animatrice*. Les chefs d’entreprise ne documentent pas forcément cette animation. Ce qui peut poser problème en cas de contrôle, car il faut pouvoir prouver la réalité de l’animation. L’administration va notamment regarder l’objet de la holding afin de vérifier qu’elle soit animatrice, qui sont les dirigeants de la holding, et comment s’effectue l’animation. Dans ce cas précis, la présence d’un comité stratégique, ou d’une instance chargée de réaliser ce travail d’animation, est appréciée. Le second écueil à éviter est qu’il faut aussi s’assurer que les fonctions de direction soient bien exercées par les signataires ou des bénéficiaires de la transmission, et qu’ils occupent cette fonction pendant toute la durée d’engagement. »
* Selon le Conseil d’État (plénière du 13 juin 2018) une société holding est dite « animatrice » si, outre le fait que son activité corresponde à la gestion de portefeuille de participation, elle conduit activement la politique du groupe et contrôle ses filiales. Le cas échéant, elle fournit aussi, à titre purement interne, des services spécifiques, administratifs, juridiques, comptables, financiers et immobiliers.