Nous n’avons toujours pas trace de cette plainte à ce jour » (le 5 décembre, Ndlr). À la direction de la communication de La Poste, on réfute le dépôt d’une plainte qu’auraient déposée, selon le site francetvinfo, les syndicats Sud et CGT maison pour « prêt illicite de main-d’œuvre et délit de marchandage ». Un journaliste de la chaîne d’informations s’est fait passer récemment pour un livreur. Il s’est fait recruter par l’un des sous-traitants de Colissimo en région parisienne. Embauché en l’espace de deux minutes, écrit-il dans son article. Et sans avoir signé de contrat. « J’ai environ 150 colis à livrer. Je vais travailler dix heures (6 jours sur 7), sans aucune pause. Je comprends que je serai rémunéré 60 centimes par colis livré », raconte le journaliste. Et en cas de retard de livraison, ajoute ce dernier en citant en exemple le contrat d’un sous-traitant qu’il a pu se procurer, une pénalité de 4,36 € est appliquée par Colissimo. Pénalité à mettre en perspective avec les 1,47 € payés par colis au sous-traitant. Une ancienne sous-traitante de Coliposte (sur les départements du 91-94-95), que nous avons contactée et qui souhaite conserver l’anonymat, ne dit pas autre chose. Elle souligne que La Poste n’a pas le monopole de ces pratiques largement répandues dans le petit monde de l’express. Selon elle, certaines agences de La Poste imposent des horaires de livraison à leurs sous-traitants. « Avant 16 h, ce qui signifie que nous devons livrer les colis dans le timing imparti. Sinon, c’est la pénalité de 4,36 € par colis non livré (alors que le colis livré est rémunéré à 1,60 €). Il faut également prendre en considération que nous avons, au préalable, 2 heures de tri et de préparation imposées qui ne sont pas rémunérées ». Selon François Quillerier, trésorier du Syndicat national du transport léger (SNTL), la situation d’aujourd’hui renvoie à celle des années 1980. « Pour offrir des prix bas, les expressistes doivent maintenir des coûts salariaux bas. Il y a des pratiques et des dérives sur la sous-traitance. Certains sous-traitants se laissent tout de même tenter. La Poste a une obligation d’exemplarité ».
Laure Dubois connaît bien les affres de la sous-traitance dans le secteur du colis. Cette ancienne collaboratrice au Conseil de métiers messagerie-express de TLF, aujourd’hui secrétaire générale adjointe de l’OTRE, pointe du doigt la méconnaissance des textes par certains sous-traitants, notamment la loi sur les prix abusivement bas. Au sein du conseil de métiers transport léger de l’OTRE, Laure Dubois confirme les propos tenus par notre interlocutrice. « Un bon nombre de sous-traitants d’expressistes font apparaître – pas seulement La Poste – des difficultés en matière de rémunération. On connaît bien le rapport de force entre un donneur d’ordres et une petite structure ». Selon notre interlocutrice sous-traitante, le prix et les pénalités infligées par certaines agences ne sont pas les seules pratiques controversées reprochées à Coliposte. Les appels d’offres feraient, selon elle, également l’objet de pratiques sujettes à caution. « Ils sont bien lancés. Sauf que l’on sait que les prix sont déjà négociés en amont. Ils imposent leurs conditions tarifaires au niveau de l’agence ». Il existerait par ailleurs une autre forme de pénalité : celle liée aux réclamations clients. « Au-delà d’un certain nombre, l’agence nous retire arbitrairement 5 % du montant de la facture. Cela peut même grimper plus haut. Cela ne les dérange pas que nous ne soyons pas en mesure de régler nos charges et nos salariés ». Ce qui fait dire à Laure Dubois qu’« il faut rappeler que les expressistes sont tenus, en co-responsabilité, de s’assurer que leurs sous-traitants versent bien leurs charges sociales et rémunèrent leurs salariés ». Avec les fêtes de fin d’année, les tensions sur les sous-traitants sont extrêmes. « C’est la piste aux étoiles », ironise François Quillerier.
« La Poste (…) recourt depuis des décennies à la sous-traitance, de manière stable et limitée et dans des proportions d’ailleurs moindres que ses concurrents. La sous-traitance est indispensable dans ce secteur d’activité en raison de la grande variation des volumes de colis confiés selon les jours de la semaine et selon les périodes de l’année. La Poste veille à ce qu’elle soit organisée en parfaite application des règles légales qui la régissent, depuis l’appel d’offres qui permet de sélectionner les entreprises sous-traitantes, jusqu’au contrôle périodique du respect par celles-ci de leurs obligations sociales et fiscales. Les entreprises se voient confier des colis à livrer dans une zone qui leur est attribuée pour un prix résultant de la procédure d’appel d’offres imposée par la loi. C’est ensuite le responsable de l’entreprise qui organise la distribution, avec son propre matériel et ses salariés qu’il dirige et dont il a la responsabilité ».