La sécurité est un objectif prioritaire

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Le vol de fret est une préoccupation majeure pour ces intermédiaires du transport. Car, pour mettre la main sur les chargements les plus lucratifs, les malfaiteurs ont des méthodes bien rodées. Pour les professionnels, deux maîtres-mots : anticiper et sécuriser.

En 2016, les vols de fret commis pendant le transport et dans les entrepôts ont progressé de 16 %, avec 2 703 actes recensés, selon l’Office central de lutte contre la délinquance itinérante (OCLDI) de la Gendarmerie nationale. Avec un pic de sinistralité entre octobre et février, les régions Île-de-France, Rhône-Alpes et Champagne-Ardenne sont les plus ciblées, concentrant près de 50 % des vols constatés. Toutes les marchandises sont concernées avec, en tête, la nourriture, les alcools, les appareils multimédia, les articles de mode et l’électroménager. De nouveaux modes opératoires, bien plus sophistiqués que la simple « découpe de bâche », apparaissent. La méthode consiste à s’enregistrer pendant quelques semaines sur des bourses de fret et des plateformes digitales de mise en relation entre transporteurs ou entre transporteurs et chargeurs. Pour cela, les malfaiteurs fournissent de faux documents, créent ou rachètent des TPE existantes.

Face à ces escroqueries, les plateformes digitales et les bourses de fret verrouillent leur accès tant que les transporteurs n’ont pas montré patte blanche. « Les procédures de contrôle à l’entrée sont très strictes. Avant de fournir les codes d’accès à une nouvelle société, nous vérifions ses coordonnées téléphoniques sur les Pages Jaunes, ainsi que l’identité de l’entreprise auprès de la Dreal où sont enregistrés tous les professionnels du transport. Nous demandons également les documents légaux de l’entreprise : Kbis, assurance en responsabilité civile professionnelle, licence de transport, explique Benoît Aujay, dirigeant de B2PWeb (environ 10 M€ de CA). Pour les clients étrangers, nous exigeons également deux références de professionnels français du transport que nous contactons. Pour les structures de taille moyenne qui ne fournissent qu’un numéro de portable, nous demandons en plus une facture téléphonique pour vérifier que le numéro correspond à l’entreprise. »

Vérification des données : outil-clé de la sécurisation

Après ces vérifications, les données sont verrouillées en interne par la bourse de fret : le transporteur ne peut plus les modifier. « Ainsi, lorsqu’un commissionnaire est contacté par un transporteur, celui-ci peut vérifier que les coordonnées enregistrées sur B2PWeb sont les mêmes que celles transmises par téléphone », poursuit Benoît Aujay. En outre, les équipes de la bourse effectuent un suivi régulier de l’ensemble de leurs abonnés. « Le service client les contacte et vérifie que les utilisateurs inscrits sont toujours présents dans la société, afin d’éviter qu’un exploitant quitte l’entreprise avec les codes d’accès », ajoute Audrey Cayetano, responsable produits à B2PWeb.

La gestion de l’information est également l’un des maillons essentiels afin de se prémunir contre les escroqueries. « Nous sommes en lien avec l’enquêteur et expert en assurance transport, Patrice Bouvet, depuis plusieurs années (cf. encadré). Nous échangeons les noms des entreprises usurpées, nous tenons à jour les cas de fraude, etc. Les équipes de l’OCLDI interviennent également au sein de B2PWeb pour sensibiliser nos salariés sur les tendances en termes de vol de fret », indique Christophe Leininger, le DSI de la bourse. Ces échanges permettent aux équipes de B2PWeb de rappeler les bonnes pratiques à leurs clients : avant la prise d’un fret, contrôler le numéro client, exiger les documents légaux, vérifier l’immatriculation des camions.

Limiter l’accès aux transporteurs les plus sérieux

De son côté, Convargo (CA : 5 millions d’euros prévus en 2017) mise sur son modèle économique pour sélectionner ses clients en fonction de leur fiabilité. « Contrairement aux bourses de fret qui interviennent entre transporteurs et commissionnaires, nous mettons en relation chargeurs et transporteurs, précise Nicolas Spisser, directeur commercial. Notre rentabilité ne reposant pas sur le nombre de transporteurs mais uniquement sur le fret qui transite sur notre plateforme, nous ne courons pas après le nombre d’abonnés et pouvons nous permettre de sélectionner avec qui nous souhaitons collaborer. En outre, nous interdisons le ré-affrètement. Ce qui nous permet de conserver une totale visibilité sur l’exécution du transport. » Une équipe de huit personnes arpente également la France pour visiter chaque transporteur dès lors qu’il prend son premier lot. A l’issue de chaque transport, un système de notation réciproque indique la qualité du transporteur et du chargeur.

Transporeon, basée à Ulm en Allemagne, se distingue également des bourses de fret classiques. « Nous sommes une plateforme collaborative d’attribution de transport fermée, insiste Alexia Narvor, responsable marketing. Cela signifie que nous ne proposons pas de transporteur à nos clients, ce sont eux qui viennent avec leurs transporteurs de confiance. Ainsi nous n’avons aucune responsabilité en ce qui concerne les transporteurs avec lesquels les chargeurs travaillent sur notre plateforme, puisqu’ils nous transmettent la liste de ceux auxquels ils souhaitent être connectés – contrairement aux bourses de fret et aux nouvelles plateformes collaboratives que nous voyons apparaître sur le marché dont la base de données transporteurs est apportée par l’éditeur ».

La géolocalisation, nécessaire mais pas suffisante

Pour Lucie Freyburger, responsable marketing France de Timocom (chiffre d’affaires 2016 : 62,2 M€), la géolocalisation est un outil de sécurisation du chargement : « Le tracking seul ne suffit pas mais constitue une composante importante d’un concept de sécurité mais s’accompagne aussi de la localisation du chargement grâce à notre application TC eMap. Nous avons également développé un projet pilote sous la forme d’une interface GPS. Le donneur d’ordres peut intégrer à son système les données télématiques du preneur d’ordres, avec son autorisation. Les données sont ainsi traitées automatiquement. Cela augmente le niveau de sécurité et permet par exemple de connaître en temps réel les modifications intervenant lors d’un itinéraire prévu (géorepérage). » Quant à la réalisation d’un contrat et à la mise en pratique d’ordres de transport, elles appartiennent aux donneurs et preneurs d’ordre. Mais les bourses de fret peuvent également proposer leur aide. « Pour une marchandise de valeur, nous pouvons prévoir des conditions comme par exemple une place de parking dans un parking sécurisé, etc. », ajoute Lucie Freyburger.

Chez Chronotruck, le process de recrutement des transporteurs est également strict. Validation des inscriptions auprès de la Dreal, vérification des adresses, des gérants, copies des certificats d’assurance de moins de 48 heures, contacts téléphoniques, traçabilité GPS des camions pour les conducteurs équipés de smartphones et qui téléchargent l’application. « Lorsque nous enregistrons un nouveau client, nous le formons et nous l’accompagnons afin d’apprendre à ses équipes à utiliser la plateforme », explique Rodolphe Allard, le dirigeant de Chronotruck. « Nous leur demandons par exemple de ne pas indiquer la nature du chargement. Un modérateur vérifie toute commande passée sur Chronotruck afin qu’il n’y ait pas d’information sensible communiquée. » Parfois, le commissionnaire enregistre des demandes de chargeurs spécifiques, comme un camion plombé ou la présence d’un cordon-tir. « C’est assez rare mais dans ces cas-là, nous les transmettons au transporteur », poursuit Rodolphe Allard.

Mais la spécificité de Chronotruck en matière de sécurisation, c’est le choix de la société de renforcer sa politique d’assurances. Le commissionnaire de transport propose ainsi une assurance « ad valorem », pour couvrir les marchandises sensibles, fragiles ou de grande valeur. « Il s’agit d’une couverture complémentaire que les chargeurs peuvent demander aux transporteurs, précise Rodolphe Allard. Elle coûte cher et nécessite une déclaration à chaque expédition. Grâce à notre partenariat avec l’assureur Axa, nous proposons un produit inédit : une assurance ad valorem sans surcoût pour le chargeur ni pour le transporteur, à hauteur de 50 000 €. »

Comment fonctionne l’assurance ad valorem ?

En cas de perte ou de dommage de marchandises, la responsabilité du transporteur est limitée par des conventions internationales. Le chargeur n’est ainsi indemnisé que partiellement, même si une faute de la société de transport est démontrée. Dans ce cas, seule une indemnité forfaitaire sera versée, généralement inférieure à la valeur réelle des marchandises. Lorsque les produits sont déclarés et assurés ad valorem, le chargeur est directement indemnisé pour les dommages et les pertes subies. La base du remboursement est établie à partir de la valeur contractualisée des marchandises. Ainsi lors de la souscription à l’assurance, trois options de garantie de remboursement sont généralement proposées, selon le coût de production des marchandises pour le chargeur, leur valeur d’achat ou le prix de vente majoré, qui tient compte des bénéfices escomptés (le taux de majoration est néanmoins limité à 20 % de la valeur réelle).

Dans la plupart des cas, la compagnie d’assurance rembourse les pertes occasionnées selon la somme initialement déclarée, puis, s’il y a lieu, se retourne contre le transporteur. En outre, il existe des exclusions de garantie liées à la négligence ou la faute de l’expéditeur.

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