Libérant les locataires de la gestion sociale du chauffeur ainsi que des tâches administratives, d’entretien et de l’investissement dans les matériels, la location de véhicules avec conducteur leur permet aussi de tester de nouvelles motorisations. Pour les transporteurs en compte propre dont les flottes sont composées majoritairement d’utilitaires et de porteurs, le moment semble propice à cette transition. Pour les utilitaires de moins de 3,5 tonnes où le cadre réglementaire autour du conducteur est moins strict, l’offre des loueurs sans conducteur est très bien positionnée. Il en va autrement pour les porteurs où seuls des chauffeurs formés et qualifiés peuvent les conduire. Pour les loueurs avec conducteur, il existe ici un gisement de croissance sachant que sur un parc national d’environ 240 000 porteurs, les deux-tiers sont exploités en compte propre et près de 40 % ont plus de 10 ans. « Avec le remplacement du conducteur ou son départ à la retraite, un autre fait déclencheur en faveur de la location de véhicules avec conducteur est le renouvellement de matériel dont la gestion devient de plus en plus complexe en raison des innovations techniques, technologiques mais aussi d’enjeux environnementaux en matière de mobilité, en zones urbaines en particulier », souligne Jean-François George, directeur des opérations au sein de Labatut Véhicules industriels (LVI), filiale du groupe Labatut créée en 2006 pour centraliser et piloter l’ensemble de ses activités de location avec conducteur.
Avec un effectif de 80 salariés dont 70 conducteurs, le rayonnement territorial de LVI s’appuie sur le réseau national du groupe Labatut. Avec une spécialité dans le transport de matériaux de construction, sa flotte de 70 porteurs et tracteurs avec attelage est équipée, pour la plupart, de grues auxiliaires ou de hayons. « Sur ce parc, 15 véhicules fonctionnent au GNC depuis 2013. Ils assurent 100 % des livraisons de nos clients dans Paris ». Le déploiement du GNV par LVI a été mené à la demande notamment de Saint-Gobain Distribution Bâtiment France dans le cadre de sa démarche de réduction des émissions de ses transports Evoluvert. « Là où la durée moyenne d’un contrat de location pour un véhicule diesel est de 36 à 48 mois, pour des matériels GNV elle est comprise entre 60 et 72 mois afin de tenir compte d’un prix d’achat supérieur et proposer un loyer équivalent à un camion diesel. La performance tarifaire de notre offre intègre aussi le suramortissement dont bénéficient les camions GNV* ». Bien que disposé à poursuivre ses investissements dans le GNV, LVI reconnaît que l’élément déclencheur demeure la commande ferme d’un client prêt à s’engager sur une période minimum pour amortir les surcoûts à l’achat. « Si l’offre de distribution en gaz carburant le permet, nous soumettons systématiquement une solution GNV dans chacune de nos propositions commerciales ».
Pour l’heure, l’essentiel des demandes de motorisations alternatives adressées aux loueurs de véhicules avec conducteur concerne le GNV. En témoigne GT Solutions qui confirme les durées de contrat citées par LVI nécessaires, aussi, compte tenu du manque de visibilité sur la valeur résiduelle des véhicules au gaz. « Nous observons un intérêt variable selon les clients. Les acteurs de la distribution générale et spécialisée poussent clairement en faveur du GNV », note Pascal Guillot son directeur général adjoint Opération & Développement. Pionnière, l’exploitation des premiers véhicules au gaz par GT remonte à 2008 pour le compte de Samada. « Aujourd’hui, 50 véhicules de marque Iveco et Scania roulent au GNC dans la flotte GT : 56 % sur l’activité distribution urbaine frigorifique dont plus de la moitié pour Samada, 36 % sur la distribution de matériaux dont pour le compte de Saint-Gobain Distribution Bâtiment France, le reste sur la distribution hospitalière ». Pascal Guillot estime à 25 les commandes annuelles de GT dans des véhicules GNV. « Aller plus vite dans la transition énergétique de notre flotte dépend avant tout de la demande des clients et de leur capacité à s’engager sur une durée de contrat minimum de manière à pouvoir amortir le coût des matériels configurés sur mesure selon leur cahier des charges ».
C’est dans ce cadre que Prévoté Location a décidé d’investir dans ses trois premiers camions GNC, deux porteurs et un tracteur. Déjà à la tête d’une flotte majoritairement à la norme Euro VI, il s’agit de la première acquisition de ce type pour le groupe. De marque Scania, les trois véhicules ont coûté chacun 115 000 € et sont mis à disposition avec conducteur dans le cadre de contrats conclus avec deux clients historiques issus de la distribution sous température dirigée et ambiante en Ile-de-France. « Nos clients prennent conscience des enjeux liés à la mobilité durable et du renforcement des conditions de circulation dans les villes. En région parisienne par exemple, 71 communes ont adopté des restrictions de circulation pour les poids lourds », déclare Jean-François Prévoté, président de Prévoté Location. « Le choix de passer au gaz a été une décision commune prise avec deux de nos clients dans une démarche partenariale. Notre objectif est d’évoluer et de grandir ensemble ». Au sein de Prévoté Location, le déploiement de ces trois premiers véhicules s’est accompagné d’une démarche interne visant à former ses ateliers et ses équipes commerciales pour être en capacité de développer et de proposer de façon compétitive cette nouvelle offre.
Livrés en 2018, les véhicules GNV déployés par Prévoté Location assurent aujourd’hui la distribution quotidienne de l’entreprise Cercle Vert. « Les tournées ont été adaptées afin de s’assurer du passage des camions près de stations d’approvisionnement situées à Mitry-Mory et à Gennevilliers ». En effet si parfois des clients manifestent le souhait de s’équiper en motorisation alternative, leur concrétisation dépend de la disponibilité de sources d’approvisionnement sur le parcours des véhicules au risque sinon de rendre impossible la mise en œuvre du projet. À l’inverse, la création d’une station GNV privative suppose une flotte rattachée d’une trentaine de véhicules à minima ; dans la location avec conducteur une telle concentration de matériels sur un lieu unique est rare. Aussi l’une des premières étapes lors d’un projet GNV locatif consiste à étudier les tournées de livraison et l’existence de stations distribuant du gaz sur leur passage. Selon David Lemonde du groupe Bert, « l’interdiction d’utiliser des véhicules GNV sur site Seveso constitue un autre frein au déploiement des motorisations au gaz dans la location de véhicules avec conducteur ». Pour le directeur des opérations, cette interdiction devrait être levée dans le courant de l’année.
Sans attendre cette évolution, Bert est déjà engagé dans la transition énergétique de sa flotte. « Elle s’inscrit dans notre démarche QSE. Aujourd’hui, notre groupe exploite un parc d’environ 50 véhicules au gaz dont une vingtaine GNL affectée à des transports longue distance tandis que les matériels GNC interviennent en transport dédié dans la distribution ». Chez le prestataire, le renouvellement en faveur de motorisations alternatives semble structurel et répondre à une orientation stratégique. « L’accélération de ce mouvement dans la location avec conducteur est liée notamment à la levée de l’interdiction des véhicules au gaz sur sites Seveso et à l’expression des besoins de nos clients ».
La présence de matériels GNV dans la flotte de Bert participe d’ailleurs à la sensibilisation de ces derniers aux solutions alternatives tout comme le renforcement du maillage des points d’approvisionnement adaptés. « Susciter l’envie » est également la voie choisie par Loc & You, filiale du groupe Chavigny pilotant son offre locative de véhicules avec conducteur. « En avril prochain, nous réceptionnerons notre premier tracteur GNC de marque Iveco. Cet investissement a été décidé sans contrat ni demande à la clé. Il vise à tester cette solution afin de l’intégrer à notre offre commerciale. À l’attention de clients tiers, celle-ci s’adresse aussi aux autres filiales du groupe, dont le négoce de matériaux, engagées dans une réflexion globale de réduction des émissions polluantes de ses transports », explique Jean-Pascal Demonchy, directeur de la branche Transport, Logistique et Location du groupe Chavigny. La présence d’une station distribuant du gaz carburant à Blois à proximité du siège de l’entreprise à Saint-Amand-Longpré a pesé dans la décision d’investir dans ce nouveau matériel.
* Reconduit dans la Loi de Finances 2019, le suramortissement dont bénéficient les véhicules GNV a été prolongé jusqu’en 2021 comme suit : 40 % pour les camions de 16 tonnes et plus, 60 % pour les poids lourds de plus de 3,5 tonnes et inférieur à 16 tonnes, 20 % pour les utilitaires de 2,6 à 3,5 tonnes.