La France, second marché européen

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En chiffre d'affaires comme en volume de production, les spécialistes français de la carrosserie industrielle se positionnent au deuxième rang européen derrière l'Allemagne. A l'image des transporteurs, ils se concentrent peu à peu, par rachats ou par regroupements, afin de mieux résister à l'érosion de leurs marges, malgré une conjoncture économique favorable.

Vingt milliards de francs en 1999. C'est, de source gouvernementale, le chiffre d'affaires du secteur de la carrosserie industrielle en France. Indissociable de l'activité des véhicules industriels et de celle des transporteurs routiers de marchandises, il est composé majoritairement de PME-PMI et de quelques groupes d'envergure européenne. Ensemble, ils profitent d'une conjoncture très favorable marquée par une forte croissance des matériels BTP. A l'horizon 2005, les perspectives d'immatriculations montrent toutefois des signes d'essoufflement, perceptibles dès 2002.

C'est ce qui ressort des prévisions réalisées par le cabinet BIPE/Stratog, auteur de l'étude « Prospective et stratégie de la carrosserie industrielle française », publiée début mars à partir des données du CCFA et du Service Economique et Statistiques (SES) du ministère des Transports. Les immatriculations devraient connaître un fléchissement général à partir de 2002 tout en restant à des niveaux élevés. Segment par segment, les véhicules utilitaires légers (VUL) se maintiendraient au-dessus de la barre des 400 000 unités à l'horizon 2005 contre 415 000 immatriculations en 2000. Sur la même période, les remorques et semi-remorques se stabiliseraient aux alentours des 21 000 immatriculations (24 298 en 2000). Sur cette filière, deux phases distinctes apparaissent ; la première allant jusqu'en 2002 avec un pic proche des 26 000 unités suivi, dès 2003, d'un repli. Comptant enfin 28 103 immatriculations l'année dernière, le marché des véhicules industriels porteurs serait stable autour de 25 000 immatriculations après une légère inflexion en 2002.

Est-ce l'amorce d'un retournement de tendance après 8 ans de très forte croissance ? Si tel était le cas, la réalisation des recommandations contenues dans l'étude du BIPE, pourrait influer sur le déroulement des événements. Il y est noté que si le secteur de la carrosserie industrielle en France est « globalement à niveau en produits, les carrossiers doivent se professionnaliser en services (en service après vente, dans leurs approches commerciale notamment vis à vis des loueurs et logistique) et en processus qui doivent être standardisés pour les bennes et le fret industriel et professionnalisés pour les marchés auprès des constructeurs ». Elle indique également que l'outil de production est perfectible et doit être renforcé en termes de capacités auprès des constructeurs et des loueurs de matériels pour fret industriel et produits isothermes ainsi qu'en termes de processus sur l'ensemble des segments. « Même si des menaces existent et risquent de s'accentuer, les opportunités actuelles favorisent des marges de manoeuvre pour agir dès aujourd'hui ». Parmi les opportunités soulevées, l'étude relève la croissance des marchés ou leur stabilisation à de hauts niveaux ainsi que l'émergence de marchés liés à de nouvelles réglementations et à la valorisation des savoir-faire spécifiques. Quant aux menaces identifiées, apparaissent la concurrence de nouveaux entrants et la fragilité économique des carrossiers du fait d'un pouvoir accru de leurs clients qu'ils soient constructeurs, loueurs, transporteurs ou distributeurs.

2000 : un bon millésime

Force est de constater toutefois, qu'en 2000, la réalité a donné tort à la kyrielle d'analystes qui prévoyaient un tassement du secteur, avec, au contraire, la poursuite de la croissance. Les immatriculations de véhicules industriels (VI) de plus de 5 tonnes de PTC ont progressé de 11 % et le marché des VUL carrossés de 24 %. Selon la Fédération Française de la Carrosserie (FFC), les livraisons de véhicules carrossés ou transformés ont marqué une progression de 5 % par rapport à 1999. De son côté, le ministère de l'Economie, des Finances et de l'Industrie déclare que plus de 140 000 véhicules utilitaires et industriels, remorques et semi-remorques ont été produits ou transformés l'an dernier par les carrossiers, dont 107 500 sur des nouvelles immatriculations.

Ces performances ne sont cependant pas uniformes. En ce qui concerne les porteurs de plus de 5 tonnes de PTC, le secteur du bâtiment maintient une forte progression avec une augmentation de 30 % pour les bennes, de 32 % pour les autres véhicules spécialisés en travaux publics et de 12 % pour les plateaux. Le fret industriel connaît, de son côté, un essoufflement après de bonnes années 1998 et 1999, les fourgons tirant néanmoins le segment avec + 6 %. Après une croissance de 25 % en 1999 due à un rattrapage sur les années précédentes, la branche isotherme se stabilise en gagnant 3 % en 2000. Enfin, les citernes marquent le pas, en repli de 12 points sur la période.

S'agissant des VUL jusqu'à 5 tonnes, les bennes, avec un bond de 45 %, confirment, après les VI, la bonne santé du bâtiment et des travaux publics (BTP). Deuxième plus forte progression, les frigos profitent de l'embellie générale après être restés à l'écart en 1999.

Les immatriculations de remorques et semi-remorques se sont stabilisées à un haut niveau (24 298 unités ; + 1 %) après une progression record de plus de 20 % en 1999. Une nouvelle fois, le marché des bennes se distingue avec une hausse de 26 %, après celle de 28 % en 1999. L'intermodal effectue un rattrapage partiel après une forte chute en 1999 tandis que les citernes hydrocarbures sont pénalisées par les forts investissements menés ces dernières années. Les principaux clients que sont les entreprises de la chimie et de la pétrochimie ont, en effet, fortement renouvelé leur parc dans le but d'anticiper les évolutions techniques tels que le circuit fermé ou la suppression des émissions dans l'atmosphère par la récupération des composées organiques volatils (COV). La filière température dirigée affiche également un net recul (- 20 %), absorbant la progression de 15 % enregistrée un an auparavant.

Il existe une seconde façon de lire les performances de l'année écoulée car les marchés révèlent souvent de forts contrastes entre leur volume et leur chiffre d'affaires. Ainsi, l'activité de carrossage des VUL est prépondérante en volume mais se sont les VI qui captent la plus forte valeur ajoutée, à commencer par les carrosseries pour porteurs. De façon analogue, si le secteur du BTP est en plein boom, la production de bennes, avec 16 % des ventes réalisées, ne se classe qu'au second rang des matériels produits ou transformés en 2000 par les carrossiers français. Ce segment profite de tendances lourdes avec la montée des préoccupations environnementales qui ont pour effet d'accentuer la demande d'équipements de collecte et de transport de déchets telles que bennes à ordures ménagères ou de recyclage. Les matériels dans le domaine des « éco-activités » représentent aujourd'hui un quart de la production totale des bennes avec les communautés urbaines pour principaux clients. Très diversifiés, ils vont des petits véhicules spécifiques telles que les mini bennes aux plus gros tonnages avec des produits à section semi-cylindrique apportant plus de stabilité et supprimant le collage des matériaux sur les parois.

La palme des meilleures ventes est détenue par le segment fret industriel avec près de 30 % des facturations réalisées l'année dernière. Pêle-mêle, on y trouve les plateaux, fourgons, bâchées - savoyardes et carrosseries à parois latérales souples coulissantes (PLSC). Dominé par les remorques et semi-remorques, le fret industriel se caractérise par une production de matériels de plus en plus polyvalents et modulaires. Ils répondent ainsi mieux aux variations de conjoncture et d'organisation des clients tournés de plus en plus vers des gestions en flux tendus.

Avec des cycles de mise sur le marché moins prononcés que les autres produits, les carrosseries isothermes enregistrent une croissance continue depuis une vingtaine années, à l'exception, toutefois en 2000, du segment remorques et semi-remorques. Avec pour principaux compétiteurs nationaux également leaders européens, Lamberet Constructions Isothermes et Chereau, les véhicules à température dirigée ont représenté 13 % des facturations réalisées l'année dernière. Marché très réactif, il a profité des nouvelles mesures réglementaires encadrant le transport des aliments prises en 1999 notamment sur le segment des VUL, assurant la continuité de la chaîne du froid dans les zones urbaines. Depuis les crises de la fièvre aphteuse et de l'ESB, inversement, les carrossiers spécialisés dans cette filière enregistrent des reports ou des annulations de commandes. Au-delà de ces effets conjoncturels, le créneau du frigorifique est essentiellement un marché de renouvellement du fait des règles de contrôle sanitaire qui limitent à 6 ans la durée de vie du matériel (avec la possibilité de bénéficier d'un prolongement unique de trois ans après contrôle technique favorable).

Avec 6 % des facturations, la production des citernes est contrastée. Les produits pulvérulents connaissent une forte croissance tandis que la branche alimentaire est stable et le segment « hydrocarbure » en retrait par rapport à 1999. Pour compléter ce tour d'horizon des ventes réalisées en 2000, les carrosseries modifiées et aménagées ont représenté environ 7 %, en hausse de 18 % d'une année sur l'autre. Cette activité intervient sur un cinquième des VUL vendus.

Selon les premiers chiffres publiés en 2001 par la FFC comprenant la Chambre syndicale nationale des carrossiers et constructeurs de semi-remorques et conteneurs (CARCOSERCO), l'activité semble se maintenir à un bon niveau. « Compte tenu de l'état actuel de la charge des ateliers, on peut estimer que le volume global pour l'année 2001 devrait être du même ordre que celui de 2000 », prévoit Norbert Detoux, président de la FFC et du CARCOSERCO. A fin février, les porteurs de plus de 5 tonnes de PTC enregistrent une hausse de 8 %, équivalente à celle des véhicules utilitaires jusqu'à 5 tonnes, tandis que le marché des remorques et semi-remorques affiche un repli de 4 %, du, essentiellement, aux mauvais résultats de janvier. A un horizon plus lointain, la modélisation effectuée par le cabinet BIPE/Stratorg jusqu'en 2005, montre un potentiel de croissance accru pour les carrosseries frigorifiques (+ 6,7 %), bennes (+ 5,1 %) et citernes (+ 3,3 %) au détriment des carrosseries rigides (+ 2,1 %) et bâchées (+ 2,2 %).

Un secteur atomisé

Avec 434 entreprises et 23 000 salariés, la carrosserie industrielle représente près de 9 % des effectifs de l'industrie automobile et contribue à 4,3 % de sa valeur ajoutée. Si son origine remonte aux métiers de la forge, ses domaines de pertinence sont aujourd'hui la construction de carrosseries destinées à équiper les véhicules utilitaires, de remorques et semi-remorques, conteneurs et caisses mobiles. Classée au second rang européen, la France se place juste derrière l'Allemagne dont la production est davantage portée vers la standardisation. A l'inverse, les carrossiers français sont les champions de la production sur mesure. Ils maintiennent ainsi, sur le territoire national, une part de marché d'environ 78 % au cours des trois dernières années.

A l'exportation, ils réalisent 23 % de leur CA 1999, contre 17 % en 1995. Les principales destinations des produits carrossés ou transformés français sont les pays de l'Europe du Nord et de l'Ouest, Espagne, Royaume-Uni et Allemagne en tête. Représentant les trois quarts des exportations, ces marchés sont complétés par un développement récent des pays du Maghreb et d'Europe centrale. Selon le ministère de l'Economie, des Finances et de l'Industrie, « traditionnellement excédentaire, la balance commerciale est cependant déficitaire avec l'Allemagne et l'Italie ».

Atomisée, la carrosserie industrielle française est composée majoritairement de petites et moyennes entreprises indépendantes situées à proximité de leurs clients. Les deux tiers des sociétés de plus de 20 salariés emploient ainsi moins de 50 personnes et réalisent 20 % du CA de la branche contre 7 % des exportations. Plus de 45 % des entreprises affichent une activité annuelle inférieure à 20 MF tandis que la moyenne s'élève à 61 MF selon les derniers chiffres de « La Loupe Financière ».

A l'inverse, apparaissent quelques grands groupes dont les 10 premiers emploient un tiers des effectifs et totalisent 38 % du CA pour 58 % des exportations. On observe que la part du chiffre d'affaires à l'exportation croît proportionnellement avec la taille de l'entreprise, « ce qui semble logique », comme le formule la FFC, « sachant qu'une structure spécialisée est nécessaire pour exporter. A noter que le secteur de la carrosserie industrielle exporte cinq fois plus en valeur qu'il est importé de matériels étrangers en France ».

Ces dix dernières années ont vu le secteur se restructurer par absorption d'entreprises ou mise en place de réseaux, tant et si bien que les créations annuelles d'entreprises se sont comptées sur les doigts d'une seule main. Selon Martine Delaunay, chef de bureau du secteur automobile et caoutchouc au ministère de l'Industrie (rédactrice du « 4 pages des statistiques industrielles " du mois de mars portant sur la carrosserie industrielle), les raisons sont liées à des investissements initiaux lourds et un taux de marge relativement faible, bien qu'il se soit redressé ces dernières années ».

Le cas le plus caractéristique en matière de croissance externe est celui du groupe américain General Trailers Industries (filiale de Apax Partners) propriétaire des marques Fruehauf, Trailor, Blond-Baudouin et Benalu. Il est le seul carrossier à proposer une gamme complète à l'échelle européenne. A l'opposé, la stratégie des groupes nationaux, généralement à capitaux familiaux, a été de privilégier les partenariats commerciaux et techniques afin d'élargir leur gamme et leurs réseaux de distribution. C'est ainsi que le groupe Chereau distribue en France, en Espagne et au Portugal les produits de l'allemand Krone. Une démarche observée également auprès des carrossiers de taille plus modeste qui recherchent une couverture nationale.

Services et innovations

Jusqu'à présent, la valeur ajoutée des carrossiers était essentiellement limitée dans la production ou la transformation de matériels. Mais, à l'image de tous les secteurs, le service prend de plus en plus d'importance dans leur chiffre d'affaires. Apparaissent ainsi des offres de financement et des contrats de location ou de maintenance ainsi que l'assistance technique. Ces deux derniers visent à planifier dans le temps les opérations d'entretien dans le but de réduire le temps d'immobilisation des véhicules, d'allonger les intervalles de maintenance et de facto, d'abaisser les coûts de ces tâches pour l'utilisateur final. Une tendance récente qui devrait progressivement contribuer à la mutation du secteur.

De 1995 à 1999, les investissements des carrossiers dans leurs outils de production sont passés de 295 à 400 MF, selon les chiffres du ministère de l'Economie, des Finances et de l'Industrie. Comme l'a montré le 6e Salon européen de la carrosserie industrielle et transport tenu à Lyon du 3 au 7 avril dernier, les professionnels du secteur progressent dans différents domaines : la sécurité, la polyvalence des carrosseries, l'allégement des matériels et l'optimisation des volumes utiles.

CONJONCTURE FAVORABLE

Ce n'est pas un mais plusieurs facteurs combinés qui expliquent les bons résultats enregistrés par le secteur de la carrosserie industrielle depuis 8 ans. D'une part, le poids du transport routier s'accroît au sein des échanges de marchandises par voie terrestre. De 72 % en 1993, il atteint, en 2000, 76 % des volumes transportés. Un aspect fiscal est également venu doper ce secteur avec la baisse de la TVA de 19,6 % à 5,5 %. Elle a eu pour effet d'accélérer le renouvellement des véhicules industriels dans les entreprises de transport tandis que l'achat et le remplacement des véhicules utilitaires légers ont été également très soutenus chez les artisans et les petits entrepreneurs. Ces deux facteurs se sont, en outre, déroulés dans une conjoncture économique particulièrement favorable qui a pour conséquence de tendre le marché du travail. Le secteur de la carrosserie industrielle n'échappe pas à ce phénomène où depuis trois ans, les entreprises cherchent à recruter. La qualification reste un atout majeur tandis que l'on observe une concentration des effectifs dans la région Rhône-Alpes qui emploie un salarié sur cinq du secteur.

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