Après avoir analysé le Paquet vert de 2008, le plan de relance autoroutier (PRA) de 2015 et le plan d’investissement pour la période 2017-2018, la Cour des comptes évoque le risque de surcompensation des sociétés concessionnaires d’autoroutes (SCA) d’autant plus que les critères d’une contrepartie par l’État ne sont pas toujours respectés : les sociétés concessionnaires d’autoroutes peuvent escompter 15 Md€ de recettes supplémentaires liées à l’allongement des concessions contre 3,2 Md€ de travaux. Dont certains déjà prévus dans les contrats de concession ne justifiaient pas de ce fait d’être « compensés ». « Solution de facilité » est l’expression employée dans le référé au sujet du report du financement de travaux à une échéance lointaine avec l’impact de la hausse des péages sur les usagers futurs. Or, depuis la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, il a été établi que les augmentations des péages doivent toucher les usagers présents.
La Cour des comptes a émis trois recommandations, à l’adresse de François de Rugy et d’Élisabeth Borne, destinataires du référé : créer une doctrine sur le champ des opérations compensables en particulier en précisant les critères de nécessité et d’utilité ; attribuer à un organisme indépendant la définition des hypothèses économiques fondant les compensations accordées aux SCA. Enfin, la Cour souhaite une mesure législative statuant que le dispositif de modération des péages, de réduction de la durée des concessions, voire une combinaison des deux, doit s’appliquer lorsque les revenus des péages ou les résultats financiers des SCA sont supérieurs aux prévisions. Mais les deux ministres ont rejeté une partie des arguments des magistrats en faisant valoir notamment que cette dernière mesure est déjà prévue dans la loi de 2015 et qu’elle ne peut pas être appliquée rétroactivement. Ensuite, ils estiment que l’insertion d’un organisme indépendant dans le processus risquerait de l’alourdir. Enfin, ils jugent que toutes les précautions ont déjà été prises pour assurer l’équité des contrats liant l’État aux sociétés concessionnaires. Une réponse dont on doute qu’elle puisse satisfaire grand monde. D’autant plus que le débat sur les plans de relance et le déséquilibre entre engagements et contreparties acceptées par les SCA ne datent pas d’hier. L’OTRE s’en était offusquée il y a déjà longtemps et l’Arafer, qui avait déjà émis un avis sur ces contrats, avait pointé de nombreuses incohérences. La fédération patronale du TRM a salué sans surprise la publication du référé de la Cour comme confirmation de ses dires. Au mois de mars, le Conseil d’État donnait raison à l’ancien député écologiste de Grenoble, Raymond Avrillier, qui avait exigé de Bercy le texte de l’accord passé entre les SCA et le gouvernement en 2015. Par ce texte, signé à l’époque par Emmanuel Macron, en tant que ministre de l’Économie, et Ségolène Royal pour le ministère de l’Écologie, les SCA s’étaient engagées à investir 3,2 Md€ en travaux en échange d’un allongement des concessions de deux ans en moyenne. Elles avaient obtenu d’imputer des hausses plus importantes en 2019 et 2023 en échange d’un gel temporaire des tarifs.