La spectaculaire montée en puissance du réseau Internet qui s'est immédiatement positionné comme un nouveau moyen de communication a presque occulté l'extraordinaire développement d'un autre outil de communication: la téléphonie mobile. Entre 1992 et fin 1999, en effet, le nombre d'utilisateurs d'Internet dans le monde est passé de 4 à 230 millions tandis que le nombre d'abonnés au téléphone mobile GMS passait de 1 million à 245 millions.
Dans le secteur des transports, notamment, la téléphonie mobile a apporté une véritable révolution et d'aucuns considèrent même qu'elle a permis au transport routier d'accroître sa suprématie en contribuant à améliorer sa productivité et, par là-même, sa compétitivité.
Pouvoir communiquer avec un véhicule éloigné de sa base a toujours été le souci majeur des entreprises de transport. Aussi, elles ont été parmi les premières à s'équiper de CB. Mais la portée de ces équipements était limitée, elle permettait de garder le contact dans un certain rayon et offrait surtout aux conducteurs opérant sur les mêmes itinéraires la possibilité de communiquer entre eux. Un temps, elle a été relayée par des systèmes radio qui n'ont pas laissé un souvenir impérissable aux transporteurs. Sans être tout à fait d'actualité, ces réseaux sont encore opérationnels et, à titre d'exemple, data Proxima a maintenu la radio dans ses offres de communication. Cette technique en réseau fermé paraît cependant mieux adaptée aux flottes captives.
Les routiers furent également parmi les premiers à adopter les téléphones embarqués. Des équipements lourds dans tous les sens du terme puisque certains pesaient jusqu'à 5 kilos et coûtaient parfois plus de 30 000 F pièce pour des résultats qui n'étaient pas très satisfaisants faute de couverture suffisante.
Il fallut attendre que SFR et Itinéris achèvent leurs maillages pour que se développe le GSM, un outil devenu indispensable aux transporteurs maintenant que, dans un concept de logistique globale, le flux des informations est devenu tout aussi important que les flux de marchandises.
Aussi, aujourd'hui, la plupart des transporteurs ont doté leurs chauffeurs de téléphones portables qui sont affectés soit au véhicule mais, le plus souvent, au conducteur. Aucun des métiers du transport n'a échappé à cette évolution. Parfois, l'utilisation est basique: le téléphone permet à l'exploitation de garder le contact avec le conducteur, de savoir à quel stade de sa mission il se trouve pour informer le destinataire et prévoir le déchargement. Le conducteur peut également signaler toute anomalie, prévenir d'un retard à la livraison, de l'absence d'un client, voire un incident mécanique qui permettra d'envoyer un véhicule de remplacement. Les exemples sont multiples. LLM est un spécialiste de l'urgence qui effectue des tractions pour La Poste et d'autres « expressistes » internationaux auxquels le transporteur « garantit le résultat de chaque mission dans le cadre d'horaires déterminés ». Toute l'organisation repose sur la communication entre le véhicule et la base. Le téléphone permet au chef d'exploitation d'alerter immédiatement le conducteur d'astreinte qui est prêt à pallier toute défaillance. Grâce à son portable, un conducteur en mission peut signaler une panne, dresser un diagnostic, et pendant que l'exploitation envoie le véhicule de remplacement, l'atelier se prépare à intervenir.
Chez Mendy, à Tarnos, où tous les véhicules fonctionnent en relais entre le nord de la France et le Portugal, l'ordinateur de bord Agat System qui donne la position du véhicule et permet d'adresser des ordres écrits, est doublé d'un GSM qui permet au conducteur d'être relié à sa base, de communiquer avec les conducteurs qui fonctionnent en relais. Chez Nets, les conducteurs commencent à s'habituer à partir en mission sans connaître le lieu de chargement pour le retour. L'exploitation préfère se réserver la possibilité de les "dérouter" au dernier moment vers le lieu de rechargement dont il sera le plus proche afin d'éviter au maximum les parcours à vide. TAB utilise le téléphone comme un terminal embarqué. Quand il est en phase de distribution, le conducteur appelle l'exploitation pour rendre compte des livraisons. La communication aboutit sur un serveur vocal qui lui indique les opérations de saisie à effectuer en fonction du résultat pour que les données intègrent le système de traçabilité.
Le téléphone portable GSM démontre ainsi qu'il peut être autre chose qu'un simple outil de communication vocale. Dolphin Telecom le confirme dans différentes applications. Opérateur de télécommunications mobiles, il exploite un réseau professionnel numérique (RPN) sous la norme Tetra et offre aux transporteurs des solutions de communication mobile qui combinent les technologies de la radiocommunication professionnelle, la téléphonie cellulaire de type GSM, mais également la radio-messagerie et la transmission de données. L'illustration en est fournie par le terminal portable 7200 pour lequel Dolphin vient d'annoncer le lancement du logiciel IrDa API. Ce nouveau logiciel permet au Dolphin 7200 de communiquer en infrarouge avec un téléphone mobile pour transmettre des données lues. Il est également possible d'envoyer un message à un portail SMS/Internet et il peut être reçu comme un e-mail. Application concrète: lors de la livraison d'un colis, le livreur lira le code à barres avec l'appareil lequel est programmé pour envoyer automatiquement un message avec les détails de la livraison via le web; Ainsi, l'expéditeur pourra recevoir la confirmation de la livraison par e-mail en quelques secondes. Il est également possible d'envoyer des données au Dolphin 7200 à partir du serveur pour, par exemple, prévenir le conducteur d'un ramassage en cours de route.
Comrising est une « start up » qui s'est également spécialisée dans les solutions GSM pour les professionnels du transport. Au delà de la communication, elle propose Ubic qui est un système intégré de gestion de flotte, décliné en plusieurs versions suivant les besoins d'application: flotte de poids lourds, ou d'utilitaires légers, voire des wagons. Atlas est l'équipement dédié aux camions. Il offre plusieurs fonctionnalités: le positionnement en temps réel, l'historique de localisation, la gestion sociale (temps de conduite, de repos, de travail et de mise à disposition) la gestion technique par télémaintenance, la gestion du fret. Il a aussi une fonction messagerie et un système d'alerte qui permet d'avertir du dépassement des seuils ou d'une effraction.
En matière de communication, désormais, tout paraît lié comme l'expliquait, récemment, Joël Naudin, directeur de marketing Transport à France Télécom, estimant à trois niveaux les besoins des transporteurs routiers en la matière, « conscients désormais d'être les éléments d'une chaîne dans laquelle ils doivent être capables de partager une grande quantité d'informations ».
« Le besoin de base, incontestablement, c'est l'échange entre le véhicule nomade - considéré comme un outil industriel distant - et son site fixe. Ces transferts non vocaux reposent sur les échanges de données. Il s'agit de remonter régulièrement les informations en provenance du chronotachygraphe pour accélérer les processus internes de l'entreprise, mais aussi pour envoyer des signaux d'alarme, notamment en cas de dépassement des normes horaires.
Le second niveau, c'est l'exploitation de ces données, lesquelles doivent être fédérées et consolidées à des fins de comptabilité analytique. Le troisième niveau correspond à celui du partage. Les informations retraitées, agrégées, ont pour vocation à être partagées. Pas dans leur globalité: celles relatives à la traçabilité des marchandises vont l'être avec des clients finaux, d'autres vont être transférées vers les chargeurs ou vers d'autres transporteurs, voire vers des constructeurs.
C'est typiquement à ce niveau que se situe Internet, avec la mise en place de solutions Extranet ou Intranet. Il existe par ailleurs toute une masse d'informations à mettre à la disposition, de façon discriminée, de différentes entités. Les sous-traitants vont pouvoir, grâce au Wap, accéder à des bases de données des transporteurs qui les affrètent ».
Avec le protocole Wap (Wireless Application Protocol), on considère, en effet que le monde du 3W est en passe de devenir le 3M (Mobil Media Mode) et les spécialistes estiment qu'à partir de 2005 il y aura plus d'écrans nomades connectés à l'Internet que de PC et plus de 30% du trafic sur le web se fera à partir de terminaux mobiles. Si la technique du GSM était tout à fait satisfaisante pour la transmission de la voix par les ondes, elle ne l'est pas autant pour le transport de données en raison du débit qui ne dépasse pas 9 600 bauds. Or il faut environ 40 000 bauds pour transférer des données et la norme de programmation wap dispose de la puissance qui lui ouvre la porte d'Internet. Ce nouveau langage permet d'extraire des pages du web et de transcrire ces informations en signes clairs pour le téléphone, une utilisation particulièrement intéressante dans le secteur des transports. Elle permet de connecter un PC ou un ordinateur embarqué à un téléphone.
Les premiers appareils ont fait leur apparition en début d'année mais leur commercialisation commence à peine à se généraliser. De ce fait, les services proposés sont encore relativement pauvres. Cependant, deux des premières rubriques lancées par les opérateurs principaux, Itinéris et SFR, concernent les transporteurs puisqu'elles visent la météo et les conditions de circulation, principalement sur les réseaux routiers de la région parisienne. Mais, de l'avis des premiers utilisateurs professionnels, outre que le programme d'informations est trop succint, « surfer sur l'écran d'un portable n'est pas du plus grand confort », note pour sa part M. Chavert, chez C2G Informatique. Stéphane Buttaudin de GIT, parlerait même de « gadget » si la norme UMTS qui se profile, derrière, ne venait lui donnait son intérêt. « Nous travaillons parallèlement sur le GPRS, une norme qui permet d'accélérer l'acheminement des données et de tripler les capacités du GPS », souligne-t-il .
Mais les spécialistes considèrent que la norme UMTS (Universal Mobile Telecommunications System) dont Bruxelles a fixé la date d'ouverture de tous les réseaux au 1er janvier 2002 devrait être beaucoup plus performante parce qu'elle permettra de transporter plus rapidement beaucoup plus d'informations pour le même prix. La norme UMTS devrait en effet afficher des débits de 2 mbds, soit 200 fois plus que le GSM. Elle permettra de transmettre ou de recevoir des données de la radio ou de la télévision. Et les portables de la nouvelle génération pourraient être aussi différents de ceux que nous connaissons actuellement qu'ils étaient eux-mêmes éloignés des téléphones mobiles d'il y a cinq ou dix ans. Les portables seront dotés d'un véritable écran et de petits claviers, produits hybrides a mi-distance entre le téléphone et l'agenda électronique de poche.